Donald Trump, un réactionnaire chaotique

Donald Trump, le président des USA, est un exemple pour les dictateurs
Donald Trump, le président des USA, est un exemple pour les dictateurs

Comment un peu plus d’un mois après son entrée en fonction évaluer Trump, les décisions de son administration et l’adéquation entre discours et réalités ? Il est indéniable que l’arrivée au pouvoir de celui que Chomsky avait fort justement qualifié de clown durant la campagne présente quelques difficultés d’évaluation et une nouvelle répartition du champ des oppositions.

Tout phénomène nouveau a des racines dans le passé et celui qui concerne Trump ne fait pas exception. Dans un livre publié en 2004, Ron Suskind cite un conseiller de George W Bush, Karl Rove, qui déclarait en s’adressant aux journalistes et universitaires: "Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité, de façon judicieuse, si vous voulez, nous agirons à nouveau et créerons d’autres réalités que vous pourrez étudier, et voilà comment ça va se passer". Rove se moquait des intellectuels et il a donné la formule qui permet de comprendre les mensonges sériels de Trump.

Le président américain ment de façon éhontée sur tous les sujets des plus graves aux plus insignifiants, les médias qui ont soudain retrouvé leur fonction de base, vérifient et dénoncent les mensonges mais déjà Trump est dans une autre réalité, c’est à dire un autre mensonge, une autre accusation sans fondement et les intellectuels décodent, dénoncent sans jamais changer le comportement du clown président.

L’histoire des démagogues menteurs n’a pas commencé avec Trump et si les livres d’Orwell, 1984, écrit en 1948 ou d’Hannah Arendt sur les Origines du totalitarisme, publié en 1951 sont au sommet des ventes aux États-Unis, c’est aussi pour appréhender la déclinaison Trump d’un phénomène qui ne date pas d’aujourd’hui.

Le monde intellectuel est donc condamné à courir derrière les déclarations de Trump et à dénoncer inlassablement les mensonges qui inlassablement fleurissent dans tous les discours. Cependant, au-delà des mensonges et des postures qui sont typiques d’un pervers narcissique, les toutes premières semaines de l’administration Trump ont livré des informations fiables sur ce qui est en train de se passer aux États-Unis. N’écoutons plus les discours du bonimenteur mais regardons ce qui a changé dans l’ordre du réel. En anglais on dit que les actes parlent plus fort que les mots.

Des nominations contre les promesses de campagne

Tout d’abord examinons ses nominations aux postes de ministres. Celui qui voulait "nettoyer le marigot" de Washington, c’est à dire les écuries d’Augias et accusait sa rivale Clinton d’être dans la poche de Goldman Sachs, s’est lui-même entouré de cinq anciens de cette banque.

Steven Mnuchin, le secrétaire au trésor s’est fait une réputation dans l’expulsion des familles américaines touchées par la crise des subprimes qui ne pouvaient plus rembourser leurs prêts, Steve Bannon, l’ancien responsable de la revue d’extrême droite Breitbart est lui aussi un ancien de la même banque ainsi que trois autres proches de Trump. Bannon a été nommé conseiller spécial du président mais il a obtenu le droit tout à fait insolite de siéger lors des réunions du conseil de sécurité. Celui qui devait devenir Ministre du travail, Andrew Puzder, a dû retirer sa candidature car il avait embauché du personnel de façon illégale. Il est par ailleurs un ennemi des syndicats, d’un salaire minimum à plus de 9$ de l’heure. Betsy DeVos qui est ministre de l’éducation a constamment pris position contre l’école publique où elle n’a jamais mis les pieds et dont elle ne connaît pas les enjeux. Elle est l’épouse d’un milliardaire. Jamais un gouvernement américain n’avait compté autant de milliardaires ni collectivement affiché un tel niveau de fortune.

Cette première approche permet déjà de déconstruire l’idée selon laquelle Trump mettrait en œuvre son programme. Comme l’annonce le site de gauche Tomdispatch pour introduire un article de Nomi Prins, Trump a été «goldmanisé». Nomi Prins note qu’il s’agit là d’une caractéristique des présidences américaines et donc sur ce plan la continuité est assurée, Goldman Sachs qui avait joué un rôle important dans l’administration Obama verra son influence accrue dans celle de Trump. Dans son numéro de cirque pour tromper les électeurs, la banque était une cible honnie et sifflée puis elle est devenue centrale. Donc pas de programme de mise au pas de la finance. Trump avait lui aussi en quelque sorte affirmé que son ennemi était la finance avant de donner les manettes du pouvoir économique à cette même finance qui ne lui tient pas rigueur des déclarations lors du cirque électoral. Le monde des affaires se réjouit des déréglementations annoncées, notamment celles qui portent sur la protection de l’environnement ainsi que des baisses d’impôts également très importantes promises par Trump qui s’inscrit dans la lignée des plus réactionnaires des républicains américains. Dérèglementation et baisse des impôts pour les plus riches garantissent que rien ne s’améliorera pour les déclassés ou la classe moyenne blanche qui ont voté pour Trump.

Xénophobie confirmée

Le même Bannon est, avec Stephen Miller, à l’origine de l’interdiction de se rendre aux États-Unis pour les ressortissants de sept pays musulmans, le fameux «Muslim ban» qui ne concernait pas les Saoudiens pourtant plus souvent proches des foyers terroristes que les Iraniens qui n’ont pas attaqué de cible américaine. Cette interdiction d’entrer aux États-Unis, fort mal rédigée sur le plan juridique, a été immédiatement cassée par la justice américaine et Trump promet la publication d’un nouveau décret.

De façon superficielle, on pourrait croire que les déclarations généralisatrices sur tous les musulmans ou l’Islam faites durant la campagne trouvent leur traduction politique. Cependant, là encore si la xénophobie et le racisme de Trump sont patents il faut noter que l’interdiction ne concernait pas les pays musulmans avec lesquels Trump fait des affaires. Donc pas de ligne politique cohérente même dans le cadre de la xénophobie. Les affaires semblent primer sur tout. Trump continue son agitation xénophobe de la campagne qu’il dirige contre les musulmans mais aussi les Mexicains mais ne prend pas de mesures qui cadrent avec ces déclarations. Il donne des gages aux racistes et au monde des affaires, tout au moins une partie de celui-ci en prenant bien soin de ne pas nuire à ses propres entreprises. Le protectionnisme a ici un sens particulier : protéger les affaires personnelles du président.

La campagne de Trump n’avait cessé d’évoquer la nécessité de construire un mur entre le Mexique et les États-Unis en affirmant que ce mur serait financé par le Mexique. La crise avec ce pays est survenue quelques jours à peine après la prise du pouvoir par le xénophobe virulent. Le président mexicain a annulé un voyage à Washington et le peuple mexicain est uni dans les manifestations contre Trump. Le mur n’a pas avancé mais il n’a pas reculé pour autant. En effet, ce mur ou cette séparation physique existe déjà en grande partie et le renvoi des immigrés dits clandestins a été une grande spécialité de l’administration Obama qui a expulsé plus d’étrangers que n’importe quelle autre.

Trump joue avec la xénophobie qu’il attise en faisant croire que la domination capitaliste n’est qu’un problème avec certains groupes d’étrangers, chinois ou mexicains, mais ne se démarque pas des politiques antérieures. Il utilise un mégaphone pour attaquer des non-Américains à la manière des séquences de haine dans le roman d’Orwell 1984 mais ses décisions politiques réelles, pour le moment, ne diffèrent pas sensiblement de celles d’Obama.

Il est caractéristique que les entreprises qui ont recours à la main d’œuvre clandestine aient pris des positions très critiques de Trump. Ces critiques s’énoncent dans le cadre du respect de l’autre et de la lutte contre l’intolérance mais masquent le phénomène bien connu de l’exploitation des travailleurs qui font partie de l’armée de réserve du capitalisme. Trump fait du théâtre avec la xénophobie et promet de faire revenir les emplois au pays mais ne peut s’opposer véritablement aux délocalisations qui continuent et ne dénonce pas les mécanismes de la mondialisation capitaliste.

Trump a pris position contre le TPP, le traité Trans-Pacifique, et voudrait dit-il, réformer l’ALENA. Sur ce point, comme sur la politique étrangère vis à vis de la Chine, de la Russie mais aussi de l’Europe qu’il ne porte pas dans son cœur, il faudra attendre encore un peu pour y voir plus clair. En quelques semaines, le chaos s’est installé à Washington et dans les relations internationales mais dès que le brouillard des mensonges et du chaos se lève on découvre des politiques très réactionnaires, antisociales qui constituent une catastrophe sur le plan écologique et de la justice sociale.

Pierre Guerlain

Professeur de civilisation américaine à l’université de Paris Ouest, Nanterre

Cette chronique est réalisée en partenariat rédactionnel avec la revue Recherches internationales à laquelle collaborent de nombreux universitaires ou chercheurs et qui a pour champ d’analyse les grandes questions qui bouleversent le monde aujourd’hui, les enjeux de la mondialisation, les luttes de solidarité qui se nouent et apparaissent de plus en plus indissociables de ce qui se passe dans chaque pays.

Adresse 6, av. Mathurin Moreau; 75167 Paris Cedex 19

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Commentaires (5) | Réagir ?

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gestion

verry nice post, thanks for share

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Le Matin d'Algérie

Le monde intellectuel est donc condamné à courir derrière les déclarations de Trump et à dénoncer inlassablement les mensonges qui inlassablement fleurissent dans tous les discours. Cependant, au-delà des mensonges et des postures qui sont typiques d’un pervers narcissique, les toutes premières semaines de l’administration Trump ont livré des informations fiables sur ce qui est en train de se passer aux États-Unis. N’écoutons plus les discours du bonimenteur mais regardons ce qui a changé dans l’ordre du réel. En anglais on dit que les actes parlent plus fort que les mots.

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