Emmanuel Macron à Alger ou le pèlerinage aléatoire, par Mohamed Benchicou

Bouchouareb avec Macron
Bouchouareb avec Macron

Monsieur Macron à Alger, c’est, encore une fois, la visite du chaperon rouge au loup déguisé en grand-mère. Il sera reçu au nom d’un président régnant à vie et qui a brillamment conduit un pays à la faillite après l’avoir réduit au silence, il discutera avec le Premier ministre d’un pouvoir reconnu comme l’un des plus corrompus au monde et qui s’impose aux Algériens par la trique, les procédés classiques de la fraude électorale et le bâillonnement des voix contestataires.

Par Mohamed Benchicou

M. Macron, comme tous ceux qui l’ont précédé dans cette liturgie étrange appelée “pèlerinage d’Alger”, un rite bizarre dont on attend que l’on nous en explique la singularité, ne verra rien du loup, ni ses grands bras, à l’heure des embrassades, ni ses grandes oreilles pendant les discussions, ni de l’usage qu’il compte faire de ses grandes dents. Question algéro-algérienne. Affaire intérieure.

Le diktat auquel sont soumis des millions d’Algériens n’est pas la préoccupation de Messieurs Montebourg, Macron, Hollande, Juppé ni de toutes ces personnalités françaises qui ont sacrifié au “pèlerinage d’Alger” dans une consternante impassibilité, sans un mot, un regard pour les millions d’Algériens qui vivent sous le plus vieux régime du monde après celui de la Corée du nord. En revenant d’Alger, M. Macron aura laissé un peu de sa réputation en contrepartie de je ne sais quelle vétille hypothétique attendu du pouvoir d’Alger. Le chef du mouvement "En marche" aura souhaité l’appui de dirigeants d’un pays où les marches sont interdites ! Il aura, comme d’autres avant lui et bien d’autres après lui, un peu désavoué ses propres idées, lui qui pense aller «à l’encontre des pratiques habituelles des hommes politiques qui décident pour les citoyens de ce qui est important pour la France» et qui aura, sans le vouloir, donné crédit à des hommes qui, depuis un demi-siècle, décident pour les citoyens de ce qui est important pour eux. Sauf à considérer que les idées novatrices sont réservées à la seule France, on voit mal comment M. Macron peut parler d’un régime bâti sur le pouvoir à vie comme d’un "partenaire d’avenir" lui, dont la colonne vertébrale du programme est le renouvellement de la classe politique et l’implication citoyenne à la gestion des affaires de la nation. Même les sempiternelles questions de la sécurité en Méditerranée et l’ambition française d’orienter la politique arabe et méditerranéenne ne sauraient expliquer ce silence autour d’un pouvoir grabataire et autocrate, silence fâcheux qui contredit bien des intentions généreuses du candidat Macron.

L’Algérie c’est d’abord et avant tout les Algériens et non pas cette tentacule vieillissante qui s’accroche au pouvoir. Macron ne doit pas oublier qu’il agit au nom de ce qu’il appelle «un mouvement politique nouveau» édifié sur la liberté d’initiatives et l’impertinence politique. Quel pont peut-il espérer jeter entre cette association jeune et novatrice et le pouvoir vieillissant d’Alger ?

Qui a dit : "Permettre au pays de changer et d’avancer n’est possible qu’avec les citoyens, à qui la décision politique n’aurait pas dû être confisquée. C’est pourquoi «la vocation de ce mouvement est de rendre à l’ensemble des citoyens la place qui n’aurait jamais dû cesser d’être la leur : non pas le décor de la vie politique, mais son cœur».

Emmanuel Macron !

Il parlait de la France.

C’est dire ce qu’il en est de l’Algérie.

Reviendra-t-il de son pèlerinage moins dévot qu’il n’était parti ? Sans aucun doute. Mais il aura apporté dans son couffin de Petit chaperon rouge le pot de beurre recherché par les dirigeants algériens : la caution politique. Dans le même temps, il aura, sans le vouloir, affaibli le camp de ceux qui s’emploient à "rendre à l’ensemble des citoyens la place qui n’aurait jamais dû cesser d’être la leur", mais en Algérie !

Il y a, dans les parodies algériennes auxquelles croient utile de se livrer certains officiels français, quelque chose de tristement impassible. J’entends bien qu’il faut sacrifier à la politique sa part de sournoiserie et, qu’après tout, les affaires sont les affaires. Mais il y a le risque d’en faire plus, à l’image de François Hollande qui, en parlant de "l'alacrité du président Bouteflika", avait pulvérisé un record vieux de deux siècles, celui du plus remarquable bobard adressé aux Algériens par un officiel français.

De l'avis unanime, en effet, le chef de l'Etat français a, en effet, fait mieux que le général de Bourmont, précédent détenteur du record et qui, débarquant à Sidi-Ferruch le 14 juin 1830 à la tête de 37 000 hommes, avait alors gratifié les Algériens de cette mémorable galéjade : "La France vient vous libérer de vos tyrans turcs et vous redonner votre indépendance."

La prouesse était restée dans l'histoire comme une performance inégalable et, de fait, aucune personnalité française n'avait réussi à détrôner le général de Bourmont, pas même le général De Gaulle et son fameux "Je vous ai compris", desservi autant par la polémique que par son ambivalence, ni encore moins le duo Blum-Viollette à qui l'on doit, sous le Front populaire, à la fin des années 1930, cette inoubliable envolée, "les Algériens seront associés à l'administration de leurs territoires".

Il ne me paraît pas inutile de rappeler à M. Macron et à tous ceux qui, parmi la classe politique française, pourraient être tentés par pulvériser le record de Hollande, que chaque plaisanterie de ce genre, a un prix exorbitant et que ce prix, c’est le peuple algérien qui le paye.

M. B.

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Commentaires (11) | Réagir ?

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thameur chelali

Merci

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thameur chelali

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