La nomination de chefs de services hospitalo-universitaires est-elle politisée ?

Dr Hamid Allalou.
Dr Hamid Allalou.

Encore une fois, la façon dont le concours pour la nomination au poste de chef de service hospitalo-universitaire se déroule dans un climat marqué par un manque de crédibilité, d'imputabilité, d’impartialité devant le public et les professionnels su système de santé. 

Dans cette situation délicate, il est évident qu'il existe un problème d'institutionnalisation et de bonne intention à établir des critères objectifs qui mesurent la mission du futur chef de service selon les besoins en santé de la population.

  • Le choix du jury peut-il être équitable et juste en absence de critères de mesure valides et fiables de l'imputabilité de ses membres ?

  • Dans quelles mesures le jury a été choisi ?

  • Quelle est la pertinence dans le choix du jury ?

  • Comment redéfinir la mission d’un jury sur des critères fiables, des indicateurs mesurables et des normes rationnelles ?

  • Quelles sont les balises valides à mettre en application pour s'approcher de la justesse dans le choix des candidats performants sans défavoriser d'autres compétences ?

Je veux générer une réflexion à la lumière de ces questions tout en espérant trouver des personnes crédibles qui écoutent les voix de la raison pour une population en meilleure santé comme finalité.

Il a été débattu dans les médias que la grille contestée « parce qu’elle est sélective et scientifiquement non valide» a été élaborée dans la discrétion totale et sans la moindre discussion avec les autres acteurs du milieu de la santé. En ces moments difficiles que traversent notre système de soins de santé et où on doit mettre l’accent plus sur les compétences managériales, sur le savoir-faire et le savoir-être, le choix et la désignation du jury de sélection des candidats ont été menés dans l’obscurité totale et la solitude dans les coulisses des deux tutelles (MSPRH, MESRS). Cette grille est interprétée et appliquée par le jury sans cadre logique, ni critères de contrôle ou normes claires. Le jury bénéficie de la souveraineté de ses actes dans la prise des décisions sans rendre les comptes au peuple. Je vois que ces procédures manquent de transparence et de redevabilité * devant la société civile et la communauté scientifique.

Il est à rappeler que ces postes de chefs de services dans les CHU se situent dans un contexte organisationnel. Ils sont plus censés améliorer la qualité de gestion, de soins, d’enseignement et recherche et ne suivent pas les normes de nominations politiques.

Il est temps pour les décideurs de préconiser la perspicacité permettant de voir ainsi la solution avec clarté, équité et rationalité et prendre conscience de ce qui doit être mis en œuvre pour améliorer la santé de la population. Le malade se plaint et veut une humanisation de soins équitables et une pertinence et justesse (approrietness) dans l’utilisation des services et l'emploi des ressources. Le citoyen veut un changement dans les pratiques basées sur le respect, l’intégrité pour générer la confiance dans le but d’améliorer son état de santé et son bien-être. Quelques décideurs sont à l’origine de notre situation actuellement catastrophique à cause de leurs mauvaises habitudes d’écoute aux idées erronées de certains, de fausses inspirations, de mauvaises intentions, en plus d’aller dicter des mesures réparatrices à la va vite sans pensées profondes ni étude de modèles scientifiquement valides.

Les études évaluatives ont montré que le mal de la santé en Algérie est dû à de telles décisions restreintes, cloisonnées, arrogantes, rigides et non fondées, et un débat fermé. On ne peut gérer avec efficience une santé en 2017 par les décisions des années 70 ! (1)

Je me demande si de telles pratiques irrationnelles appliquées en Algérie pour l’élaboration de la grille et le choix du jury de nomination se font ailleurs de la même façon dans les autres pays ?

Quelles sont les meilleures pratiques à entreprendre et à s’inspirer des autres professionnels dans les pays qui ont un système de santé basé sur l’équité, la rationalité scientifique, la transparence dans les procédures, la clarté dans les façons de faire et l’imputabilité de ses acteurs dans la prise des décisions ?

Je trouve que la communauté scientifique a raison de s’inquiéter devant de telles manipulations injustes de la part de certains responsables au niveau des ministères en plus de leur sourde oreille. Il est de notre droit en tant que citoyens et experts du domaine de la santé de qualifier ces pratiques de douteuses et donner des pistes de solutions valides et fondées qui améliorent les résultats de la gestion de la qualité de l’enseignement médical et du traitement de la population.

C’est évident que ces incertitudes engendrées par certains responsables de haut niveau de la gouvernance diminuent la légitimité des extrants dans le milieu de la communauté scientifique et auront un impact pervers sur les résultats de la santé des citoyens. On doit s’attendre à une démotivation du personnel et un questionnement sur la crédibilité dans l’acquisition de ces postes.

Le système de santé en Algérie a besoin d’une réforme sérieuse par des personnes compétentes, intègres, dignes, humbles et sérieuses comme c’est le cas d’autres pays. Le travail d’équipe en collaboration et le partage d’idées représentent l’ingrédient de la réussite de la réforme hospitalière. L’exemple de l’écoute attentive doit être donné et suivi par les responsables au niveau de la tutelle pour l’enrichissement et le succès du débat.

La presse a donné l’opportunité à la liberté d’expression pour mettre en valeur les idées et les solutions à la bonne gestion des services de santé. Des idées brillantes ont été citées et des appels à la raison et à la révision des procédures et de la pondération des critères ont été soulevés lors de ce débat acharné émanant de professionnels chevronnés qui savent ce qui se passe dans les coulisses des tutelles. Je trouve que le but ultime de leur message est l’annulation de ce concours à cause de ces manipulations malsaines de la part de certaines personnes décideuses. Cela s’avère raisonnable et donnera plus de temps à la tutelle d’écouter la société savante, les syndicats de santé, les professionnels, les chercheurs, les experts du domaine de la gestion des systèmes de santé, les leaders communautaires, les représentants des malades et les sages dans la société ainsi remédier aux insuffisances, revoir la validité et la fiabilité de la grille ainsi que les critères objectifs de choix des membres du jury sous une base rationnelle dans un but d’équité, de redressement de la situation et d’amélioration de "la santé pour tous".

Il est aussi admissible de limiter le mandat d’un chef de service de CHU à 5 années (2) ainsi laisser la chance aux autres. La chefferie dans les centres hospitalo-universitaires ne s’avère en aucun cas héréditaire ! Et la nomination au poste de chef doit rester loin de la pure politique !

Dr. Hamid Allalou, Expert en Évaluation de la Santé et Éducation

Notes

1- Jusqu’à une date récente- avant cette mascarade de grille à caractère administratif- les concours pour la nomination aux postes de chefs de services ne soulevaient pas les vagues d’indignation et de rejet aussi nette, les résultats reflétaient assez fidèlement la valeur connue des candidats. Les décisions – tirage au sort des jurys en toute transparence en présence de candidats, et fixation des critères de jugement des candidats faite en toute indépendance exclusivement par les scientifiques du jury sans autre ingérence.

2- La responsabilité revient aussi grandement à la duplicité et au manque d’esprit éthique des membres des jurys qui ont pris la responsabilité historique de verdicts iniques envers leurs collègues, alors qu’en privé ils reconnaissent ce caractère injuste des résultats et critiquent la composition même de ces jurys et la grille qu’ils ont eux-mêmes adoptée et utilisée…)

* redevabilité (reddition de compte et responsabilité)

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