Drogues, kidnapping, armes blanches: l'AFP pointe les violences dans les nouvelles cités en Algérie

Les cités  dortoirs devenues des lieux de violences quotidiennes.
Les cités dortoirs devenues des lieux de violences quotidiennes.

Voici une enquête de l’AFP (Agence France presse), qui ne plaira pas beaucoup aux autorités algériennes, et au ministre Abdelmadjid Tebboune, qui ont fait des programmes de logements sociaux, leur cheval de bataille et le fer de lance d'une politique d'achat de la paix social dans le pays.

Cette fin de semaine encore, le ministre de l'Habitat, à partir d’Oran, assurait "qu'aucun pays au monde n'avait fait pour ses citoyens, en matière de logement, ce qu'a fait l'Algérie". Et pour une fois, le ministre a probablement raison ! Créer des espaces confinés, hermétiques, sans aucune études urbanistique, ni architecturale, volà à quoi se résument les cités construites pendant ces quinze dernières années.

Les programmes de logement menés tombours battants par Abdelmadjid Tebboune ont fait de nos villes des amas de blocs, aussi moches que mal accommodés à une vie urbaine descente. Inondations, refoulement d'égouts, routes non carrossables, absences d'écoles, de marché, de lieux de loisirs, d'espaces verts entretenus, d'administrations, font vivre aux nouveaux acquéreurs un enfer au quotidien. Mais ce n'est pas tant cela qui est mis en cause par l'AFP, c’est plutôt la violence.

En Algérie, "logements-ghettos" et précarité nourrissent la violence urbaine

Dans un article-enquête de la très sérieuse Agence France Presse repris par beaucoup de médias français, tels que Le Point, Libération ou La Croix, les cités-ghettos algériennes, construites depuis les années 2000, sous l'impulsion de Bouteflika, sont mises en cause dans les violences urbaines que connaît le pays. Mieux (ou pire), ça serait l’une des foyers des trafics de drogues, des enlèvements d’enfants et des batailles rangées entre bandes rivales.

La guerre civile, le manque de vision de la part du gouvernement et la politique de relogement et de construction de cités dortoirs à marche forcée sont clairement mises en causes par cette enquête. "En Algérie, la violence urbaine est en hausse sensible, nourrie par la précarité sociale, les séquelles de la guerre civile et l'apparition de cités ghettos à la périphérie des grandes villes", expliquent des professionnels interrogés par l'AFP.

La nouvelle ville de Ali-Menjeli à Constantine est l’un des exemples les plus parlant. En ce sens, une mère de 45, a dû carrément quitter la cité constantinoise devenue un véritable enfer. "Lasse de vivre "la peur au ventre" en raison des heurts entre bandes rivales, Karima, 45 ans, a quitté la cité nouvelle d'Ali-Mendjeli, achevée au début des années 2000 en périphérie de Constantine dans l'est algérien. Cette mère de trois enfants qui préfère garder l'anonymat s'est réfugiée temporairement chez sa belle-famille avec les siens", pouvait-on lire.

Pour le professeur Rachid Belhadj, chef du service de médecine légale au Centre hospitalier universitaire Mustapha-Bacha d'Alger, le nombre de personnes consultant son service pour des faits de violence est passé de 2.500 à 6.000 par an.

"La violence existait déjà (avant la construction de grands ensembles), mais c'est son utilisation par des bandes organisées dans les quartiers qui nous inquiète", insiste ce médecin pour qui les 10 dernières ont été les pires.

La précarité : principale source des violences urbaines

L’enquête de l’AFP pointe du doigt la rapidité avec laquelle des cités ont poussé à la périphérie des grandes villes sans aucune politique architecturale. "Les cités nouvelles qui ont poussé comme des champignons à la périphérie des villes algériennes ont favorisé la montée de ces violences qui prennent la forme de conflits entre bandes rivales", relève Nadir Djermoune, professeur d'architecture à l'université de Blida (sud-ouest d'Alger).

Karima, l’ancienne habitante de Ali-Menjeli, parle également de "batailles rangées entre bande rivales" qui sèment la terreur "avec des armes blanches y compris des sabres." Elle poursuit très inquiète : "J'avais peur que l'on s'en prenne à mes enfants (...). J'ai deux adolescents, je craignais qu'ils ne finissent mal", en plongeant dans la drogue et en laissant tomber l'école".

Depuis les années 2000, et pour résorber la profonde crise du logement, le gouvernement algérien a construit à la hâte des cités sur les décombres des ghettos et agglomérations de populations rurales ayant fuient la violence durant la période du terrorisme. Des ensembles hétéroclites qui "émergent sans logique territoriale ni environnementale", observe M. Djermoune.

Des ensembles urbains formés de "barres d'immeubles de plusieurs étages" et qui ne créent pas "d'espace ville" mais des "périphéries territoriales et sociales", déplore-t-il. Le Pr Belhadj évoque des "logements-ghettos". Autrement dit, des ensembles coupés des villes où ni moyens de transports, ni espaces de détentes n’existent.

Les auteurs de l’article, ont même osé faire un parallèle avec les cités des banlieues européennes, sources de malaises et de conflits entre communautés dans ces pays. "Comme ce fut le cas dans des pays européens, la concentration de populations paupérisées dans des zones dépourvues de services, d'espaces verts et de transports en commun a suscité des tensions", soutenient l’enquête de l’AFP.

Le relogement d’habitants de bidonvilles "foyers de plusieurs fléaux sociaux a engendré des frictions entre jeunes" venus de divers horizons, dans ces cités, a reconnu le ministre de l'Intérieur algérien Noureddine Bédoui.

Les jeunes sont au chômage pour la plupart et s’adonnent à la consommation de stupéfiants en tout genre. Les groupes de jeunes "se réunissent autour d’une pratique, le trafic de drogue ou le kidnapping notamment. Mais le lien fondamental qui les unit est une précarité, qui n’est pas que matérielle et qui les place dans un hors-champ de la société (...), dans le vestibule de la criminalité", relève la sociologue Fatma Oussedik de l'université d'Alger.

"Ce qui nous fait peur, c’est de passer aux bandes organisées pour le racket, les attaques de banques. Pour le moment, c’est sporadique mais cela devient un moyen de faire face à la crise", ajoute le Pr Belhadj.

Le terrorisme en rémanence !

La violence prend aussi ses sources dans la tragédie algérienne des années 1990. "Une partie de la jeunesse actuelle a grandi durant ces années, et des enfants ont assisté à des actes de violence extrêmes contre leurs proches", souligne M. Belhadj.

Cela a entraîné "un traumatisme profond au sein de la population qui n'a pas encore été abordé de manière adéquate", notait le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la Santé, Dainius Puras, en mai 2016.

Il pointe aussi le refus de l’autorité de la part de la jeune génération qui n’ont pas peur du pouvoir: "Avant (...) un terrain de football était gardé par deux gardes-champêtres pour gérer 500 personnes alors qu’"aujourd’hui il faut 2.000 policiers pour gérer 200 personnes". C'est dire la dégradation de la situation dans ces cités devenus des lieux de peu-de-droits pour ne pas dire des bombes à retardement.

Synthèse Hebib Khalil

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Commentaires (6) | Réagir ?

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adil ahmed

mercii

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adil ahmed

merci

wanissa

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