Le foot algérien, otage de la politique

Le foot algérien, otage de la politique

"On domine plus facilement les peuples en excitant leurs passions qu’en s’occupant de leurs intérêts", Gustave le bon

La performance très médiocre de la sélection nationale qui a conduit à son élimination dès le premier tour de la coupe d’Afrique des nations au Gabon ne m’a pas surpris. Le contraire m’aurait plutôt étonné à fortiori quand l’Algérie, Etat et nation, accuse un retard dans tous les domaines. Le sport ne peut pas se porter singulièrement mieux quand l’environnement politique, économique, social et culturel nécessite une refonte systémique abyssale.

Il est vrai que ses dirigeants, vieux comme Hérode, inspirés par le modèle absolutiste dans leurs gestions de la fédération, de la League nationale et des clubs ne sont pas exempt de critiques mais, en revanche, leur éventuelle substitution ne garantit absolument pas le sursaut souhaité. L’état du football en Algérie ne peut pas être dissociée de la crise globale qui paralyse le pays, il est la conséquence logique de celle-ci.

Dans un système totalitaire, tout est soumis aux règles de fonctionnement fixées par le «souverain». Les contrevenants seront poursuivis pour crime de lèse-majesté. Il se généralise manu militari dans le pays pour donner naissance à une pyramide. A un niveau inférieur, de petits souverains sont alors «désignés» puis secondés par des ouailles obéissant au doigt et à l’œil. C’est ce qui caractérise les différents niveaux de responsabilité y compris le sport en général.

La passion hors du commun du football qui caractérise notre société semble ne pas avoir de limites et c’est inquiétant. Cette tendance à vouloir mesurer le niveau de bonheur du pays par les performances de la sélection nationale est gravissime. Elle traduit, on ne peut mieux, la résignation collective à défaut de pouvoir redorer le blason. C’est de bonne guère diront ceux qui font la promotion du nationalisme d’arrière-garde qui consiste à afficher son amour de la patrie en accrochant des fanions tricolores sur son balcon ou alors associer le combat libérateur de Larbi ben M’hidi a une confrontation purement sportive.

Rien ne mobilise les masses autant que le fait le ballon rond. Même pas la très controversée loi de finance ne peut rivaliser avec ce psychotrope collectif consommé sans aucune modération à telle enseigne qu’une défaite est vite assimilée à un drame national alors que le drame nous le vivons au quotidien. Faudrait-il décréter un deuil national d’une semaine pour avoir concédé une défaite ? Les brésiliens nées pour être footballeurs ont été laminés à domicile sept buts à un par l'Allemagne, le mardi 8 juillet 2014, au Mineirao de Belo Horizonte. Ils ont illico presto tourné la page le jour d’après et le soleil a encore brillé sur les côtes brésiliennes.

De son côté, la chancelière Angela Merkel, toute fière de la prouesse de l’équipe d’Allemagne, n’avait point besoin d’exploiter la joie allemande pour jauger sa popularité. Elle s’est limitée à commenter la réussite du modèle d’intégration allemand qui se reflète clairement dans la composition de la sélection nationale.

Faut-il espérer un football de haut niveau dans un système ou la joie et le plaisir que procure ce sport aux Algériens sont politiquement exploités, instrumentalisés aux fins de conservation de l’unanimisme autour d’un président mal élu et l’entretient de sa cote populaire ? l’épisode de Omdurman me hante toujours l’esprit.

Bannissons d’abord le mensonge pour aller de l’avant avant de prétendre rivaliser avec les grandes nations. Il est évident que les tournois africains sont et seront toujours remportés par les Africains. Il n’y a pas de place au succès d’un onze déraciné ainsi qu’à ces commentateurs zélés qui assènent, complaisance oblige, "représentant arabe du football". Cela nous détache de nos racines, nous éloigne davantage de notre berceau civilisationnel méditerranéen. Oui le rêve c’est bien mais hélas, il ne construit pas.

En définitive, ne dit-on pas a quelque chose malheur est bon ! "Il y a une vertu positive de l'échec" dixit Charles Pépin. Le football ne viendra pas à la rescousse du pouvoir cette fois ci. L’évidence de notre réalité amère nous guette. Elle nous rappelle que demain sera un autre jour et nous recommencerons à nous apitoyer sur notre sort engorgé par un pouvoir d’achat qui s’effondre de plus en plus, une corruption qui se généralise, l’arbitraire d’un pouvoir prêt à en découdre pour rester, un islamisme rampant qui promet le retour du califat. Entretemps, Kameleddine fekhar risque de rendre l’âme dans sa cellule au su et au vue de tous les dirigeants politiques usés par le politiquement correct et la langue de bois.

Aujourd’hui, les réponses aux questions qui se posent sur le football en Algérie ne sont pas au bout du labyrinthe, tout le monde connaît le chemin vers le succès. Il faudra juste s’affranchir de notre faiblesse qui nous expose à la manipulation et restituer la gestion du ballon rond aux spécialistes et techniciens le temps que l’Algérie retrouve son nord.

Cid Kacioui

Ingénieur en génie mécanique

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