Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : un accord dépassé !

Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : un accord dépassé !

Les modifications ultérieures de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont toujours tenu compte de l’évolution du flux migratoire entre la France et l’Algérie.

Lors de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, les Accord d’Évian reconnaissent aux Algériens la liberté de circulation entre leur pays d’origine et la France ainsi que le principe de l’égalité des droits sociaux et économiques avec les citoyens français. Cet accord établissait l’obligation pour les Algériens de présenter un passeport aux frontières, mais sans la contrainte d’un visa. Un titre de séjour particulier était créé portant le nom de "certificat de résidence".

Les deux avenants conclus par la suite (22 décembre 1985 et 28 septembre 1994) par les deux pays ont eu, de manière générale, pour objet de tenir compte des modifications du contexte migratoire, de rapprocher la situation des Algériens de celle des autres nationalités, sans toutefois que ce rapprochement soit total.

À titre d’exemple, et en application de l’avenant de 1985, un Algérien pouvait, sans difficultés, venir s’installer en vue de faire des études ou exercer certaines activités professionnelles. Il disposait alors de la liberté d’établissement en qualité de commerçant ou artisan. Cette situation «avantageuse» a bien changé, et les Algériens sont devenus, avec le temps, une catégorie d’étrangers à part…

Pourquoi ?

Prenons pour exemple la dernière réforme en droit des étrangers (la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers). Cette dernière ne concerne, en aucun cas, les ressortissants algériens. Leur situation d’entrée, de séjour et de travail est «gelée» par l’accord franco-algérien et ses trois avenants.

En effet, depuis le 1er novembre 2016, les Préfets peuvent délivrer de nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP) telles que le "passeport talent", "travailleurs saisonnier" et "salarié détaché ICT" et "générale". Ces cartes de séjour ne sont toujours pas destinées aux Algériens.

Ce changement des règles et principes du droit des étrangers constituait une réelle occasion pour les autorités algériennes de mettre en place, avec la France, un nouvel avenant à l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Il n’en est rien !

Le monde change. Les flux migratoires d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. L’Algérie et la France doivent entamer la rédaction d’un quatrième avenant à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et ce afin d’améliorer la situation de ces Algériens arrivant en France. Dans l’optique d’un nouvel avenant, le gouvernement algérien doit, impérativement, défendre les points suivants dans ce nouvel accord et maintenir les acquis des précédents avenants. Tout d’abord, le point important qui concerne la régularisation par le travail.

Les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, de l’ancien ministre français de l’Intérieur et candidat à l’élection présidentielle, Manuel Valls, n’ont pas vocation à s’appliquer aux Algériens. Cette circulaire prévoit qu’un titre de séjour peut être délivré à l’étranger s’il justifie d’une ancienneté de 3 ou 5 ans en France et qu’il est en mesure de présenter un contrat de travail ou de réelles attaches familiales.

Concernant les Algériens, cela n’est que de manière "exceptionnelle" que les Préfets peuvent examiner leurs demandes, contrairement aux autres étrangers (Béninois, Congolais, Maliens, etc.). Encore une fois, les Algériens ne peuvent pas invoquer les dispositions de l’article L. 313-14 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et le droit d’asile.

L’inapplicabilité de cette situation aux ressortissants algériens, alors qu’ils représentent près du quart des entrées permanentes en France, pose un véritable problème. Dans le souci de créer une réelle "égalité" dans le traitement des étrangers, le gouvernement algérien doit intégrer ces principes dans le nouvel avenant à venir.

Deuxième point, la régularisation à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français doit demeurer.

Troisièmement, le gouvernement algérien doit également sauvegarder le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayants la qualité de conjoint de Français, sans toutefois leurs exiger un visa de long séjour.

Quatrième point, la situation des étudiants algériens, qui est la plus défavorable de tous les étudiants étrangers, doit faire l’objet d’un alignement sur le régime général prévu dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Entre autres, les dispositions du CESEDA prévoit l’attribution de l’autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée d’un an pour les étudiants diplômés du Master 2, l’exercice d’une activité salariée à titre accessoire aux études ou encore le bénéfice de la carte de séjour "compétence et talent"… Ces règles ne sont pas prévues dans l’Accord franco-algérien et par conséquence, les étudiants algériens ne peuvent pas en bénéficier et deviennent alors des étudiants "sans droits" à la fin de leur cursus.

Cinquièmement, il faudra prévoir la suppression de la règle du visa long séjour pour l’exercice des activités commerciale, industrielle et artisanale des ressortissants algériens en France. Cette condition pénalise beaucoup de commerçants algériens qui disposent de la qualité de commerçant en France mais qui ne peuvent faire valoir leur droit au séjour devant l’administration française. Elle exige systématiquement des intéressés de retourner au pays pour solliciter le visa long séjour d’installation au risque de se retrouver bloquer et de ne plus revenir en France.

Aujourd’hui, la situation des Algériens est figée dans le temps. Il est grand temps que cela change !

Fayçal Megherbi,

Avocat au Barreau de Paris et au Conseil d’État et la Cour Suprême en Algérie

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