En Syrie, la troisième voie n’est pas morte

Bachar Al Assad, un dictateur à la tête d'une Syrie dévastée.
Bachar Al Assad, un dictateur à la tête d'une Syrie dévastée.

En Syrie, il est aussi indécent de glorifier Bachar El Assad que de pleurer les terroristes islamistes qui avaient pris en otage la population d'Alep-Est et d'autres villes du pays.

Les Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, Hosni Moubarak étaient des dictateurs. Abdel Fattah Al-Sissi, Bachar El Assad et la quasi-totalité des actuels chefs d’État des pays arabes le sont aussi ! Ce qui guide leur politique et leurs alliances, c'est uniquement la survie de leur clan. La plupart sont arrivés au pouvoir, par un coup d’État, avec la complicité de puissances étrangères, la G.B., la France et les USA pour l'essentiel. Tous, à un moment ou à un autre, se sont alliés aux islamistes pour liquider les forces progressistes de leur pays, avec la bénédiction du "Monde Libre" ou de l'"axe du bien" (G. Bush).

Le terrorisme islamiste, pour l'essentiel, est apparu dans le contexte de la guerre froide, en Afghanistan. Les USA en ont été les géniteurs et l'Arabie Saoudite et ses satellites les argentiers.

Quant à la Russie, les crimes contre l'humanité qu'elle a commis en Tchétchénie resteront gravés à jamais dans la mémoire des peuples ... de culture orientale. Mais, pour un démocrate arabe, il serait stupide de pleurer les milices islamistes mises en déroute à Alep, tout comme il serait indécent d'applaudir à cette partie d'échec que la Russie vient de remporter contre le Monde Occidental, où seul le peuple syrien a payé le prix fort, tout comme le peuple irakien. A Mossoul aussi, ce sont des civils, des femmes et des enfants qui meurent sous les bombardements des occidentaux, mais personne ne se désole !

Et le crime contre l'humanité qui se commet sous nos yeux, par l'allié de l'axe du bien, l'Arabie Saoudite, contre le peuple yéménite, qui en témoignera ?

Il nous reste, à nous, démocrates, arabes, kurdes, coptes, yézidis ou berbères, musulmans, juifs, chrétiens, animistes ou athées, à tenter de comprendre notre incapacité atavique à constituer une troisième voie entre fascisme islamiste et dictature militaro-mafieuse, y compris en Israël. Dans tous les pays arabes, les forces démocratiques sont affaiblies, divisées, dispersées, incapables de s’unir sur un programme minimum, face aux deux clans qui n’ont font parfois qu’un, comme dans les pays du Golfe …

Aujourd’hui, où sont les jeunes Algériens d’octobre 1988, où sont les patriotes de la décennie noire qui avaient fait front face aux hordes fascistes islamistes, où sont les jeunes du Mouvement pour la paix du temps d’Itshak Rabin, où sont les jeunes de la place Tahrir, où sont les jeunes de la révolution de la misère en Tunisie, où sont les écoliers qui gribouillaient "dégage" sur les murs d’Alep et d’ailleurs ?

Je ne peux me résoudre à croire que les voix des Badr Shakir al-Sayyab, Saadi Youssef, Adonis, Mahmoud Darwich, Samih Al Qassim, Ahmed Fouad Nadjm, Abou el Kacem Chebbi, Kateb Yacine, Abdellatif Laâbi et de tant d’autres … soient devenues inaudibles !

Pourtant, du fin fond du Maroc amazigh au village le plus reculé de Palestine, les jeunes adolescents fredonnent depuis un quart de siècle les chants de Cheikh Imam, les mêmes chants de Marcel Khalifa, "Mon coeur est une lune rouge / Qalbi Qamarun Ahmar" et celui de Faïruz, "Sa naöud ila El Quds / Nous reviendrons à Jérusalem". Et, est-ce un hasard, si ces deux derniers chantres de la jeunesse arabe sont chrétiens d'origine ... N'en déplaise aux esprits simplificateurs et aux partisans des guerres de religions ...

Et comme le chante admirablement un de nos jeunes talents des banlieues, HK, nous continuerons notre révolution sans haine, sans armes et sans violence ... et sans l'aide des apprentis sorciers de tout bord !

Que nous soyons bien au chaud en Europe ou dans un pays arabe, nos pensées vont vers ceux qui sont sous les bombes à Sanaa, Benghazi, Mossoul ou ailleurs, nous sommes solidaires des peuples syriens, irakiens, palestiniens, yéménites, libyens et nous vivons dans notre chair leurs meurtrissures ...

Le combat commun pour la paix au Moyen-Orient est le seul moyen de recréer du lien entre nous ici, en Europe. Aujourd’hui, nous devons prendre acte des attentats qui peuvent survenir n’importe où, pour imposer des mesures pour tarir à la source les vocations.

Aujourd’hui que les zones d’influence du pouvoir et celles des milices sont plus distinctes, aujourd’hui que le spectre d’un scenario à la libyenne s’éloigne, nous devons en profiter pour mobiliser la communauté internationale au profit d’une solution de paix qui passe par le désarmement des parties en conflit.

Cela a été possible dans un contexte plus explosif, celui de l’ex-Yougoslavie qui a connu des massacres plus horribles encore, entre communautés aux différences encore plus exacerbées et que tout opposait : la langue, la religion, l’histoire … Grâce à la mobilisation de l’Europe et à la détermination de la communauté internationale, l’ONU avait interposé ses Casques bleus et imposé le cessez-le-feu. Aujourd’hui, il est encore possible d’éviter la catastrophe, d’éviter un autre Irak, pour peu que les puissances étrangères cessent d’armer les belligérants, pour peu que les peuples d’Europe et du Monde arabe se mobilisent et s’entendent pour imposer leur volonté de paix à leurs dirigeants.

Les peuples d’Europe y ont intérêt pour leur propre sécurité (réduire le risque d’attentat) et pour leur avenir (stopper la progression des mouvements d’extrême-droite). Les peuples du Monde arabe y trouveront aussi leur intérêt, car si la Syrie explose, l’onde de choc se propagera à toute la région et aura des conséquences imprévisibles.

La paix n’est pas une utopie mais une nécessité absolue. Elle permettra de mettre en place les conditions vers une transition démocratique à laquelle aspire le peuple syrien. Cela constituera un formidable exemple pour tous les peuples arabes et un sérieux avertissement pour tous les dictateurs qui ne veulent pas remettre en cause leurs privilèges et répondre aux aspirations de leurs peuples …

En définitive, il aura fallu cinq ans de drames, de massacres de civils innocents, de déplacements de populations jetées sur les routes, pour se rendre compte que l’opposition pacifique au pouvoir, la voie choisie par les forces démocratiques, était et reste la seule voie réaliste de sortie de crise en Syrie.

Mouloud Haddak,

Lyon le 26 décembre 2016

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Commentaires (5) | Réagir ?

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tahar foli

merci pour les informations

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adil ahmed

bien

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