Algérie - Flics ripoux : 3. Extraits de "Journal d'un homme libre"

A propos du scandale des flics ripoux, ces extraits du livre que Khalida Toumi a voulu interdire...

Dès la fin de l’année 2007, l’on apprit que des juges et des policiers, liés à « l’affaire Benchicou », avaient rejoint la prison pour corruption, faux et usage de faux, trafics en tous genres…
Pouvait-il en être autrement s’agissant d’une justice aux ordres ? Une justice servile est forcément corrompue. Le juge qui se voit invité à exécuter un autre rôle que celui de rendre souverainement la justice change de camp et devient, par la force des choses, un membre de la famille rentière. Il s'estime fondé, par la nouvelle fonction « politique » qu'on lui assigne, à revendiquer sa part du butin. Et sa part, il la prend par la transformation de l'acte de justice en produit marchand. L'ayant déjà fait au profit des gouvernants, il ne voit aucun empêchement à continuer à le faire pour ses propres intérêts. Le pouvoir politique, premier bénéficiaire de la perversion de la justice, ferme les yeux. C'est la règle.
Le sel dans cette affaire fut le désaveu officiel que subit le président du Syndicat des magistrats, Djamel Aïdouni. Ce Aïdouni n’est autre que le juge qui « instruisit » mon affaire selon les vœux du pouvoir et qui fut récompensé d’une belle promotion pour m’avoir lourdement inculpé sans base légale.
« La justice corrompue ? », s’offusqua-t-il, à pleines pages, à l’adresse de l’ordre des avocats. Et la réponse vint de l’instance de discipline du Haut conseil à la magistrature : 18 juges sont poursuivis pour corruption, falsification, violation du devoir de réserve, partialité au profit d’un des justiciables, 14 d’entre eux sont radiés définitivement du corps de la magistrature !
Puis, en juin 2008, une cinquantaine de juges démissionnèrent avec fracas, en réaction aux « ingérences politiques » et aux « pressions de toutes sortes », mettant le ministre de la Justice dans l’embarras.

Dans le mois qui suivit, plusieurs officiers et agents de la police de l’aéroport d’Alger, parmi ceux qui avaient concocté le complot contre moi, furent incarcérés à leur tour ! Le cruel cynisme du sort les fit juger par le même tribunal qui abrita ma parodie de procès et enfermer dans la même prison d’El-Harrach où ils m’avaient jetés !
L’ironie ne s’arrêta pas là. Nos ripoux étaient, en effet, poursuivis pour les mêmes manigances florentines qu’ils avaient utilisées contre moi : falsification de procès-verbal et fabrication de faux documents ! A cette notable différence qu’il ne s’agissait pas d’empêcher une personne de quitter le pays mais de permettre à des individus interdits de sortie du territoire national de prendre l’avion ! Contre quelques milliers de dinars, le policier efface le sceau de la Direction Générale de la Sûreté Nationale d’un document officiel, le remplace par un autre et vous détruit en moins de dix secondes le PV officiel qui vous clouait au pays !
La besogne demandait certes quelque dextérité dans la falsification et une absence totale de moralité. Mais qui a dit que nos flics étaient maladroits et moraux ? Je pouvais attester du contraire. Et je trouvai fort hilarant l’embarras d’Ali Tounsi, l’inamovible directeur général de la Sûreté Nationale, reconnaissant, ce jour-là devant la presse, avoir « découvert des voyous à la Police des frontières de l’aéroport d’Alger » ! Il fallait de solides aptitudes à l’outrecuidance à M. Tounsi pour oser s’ébahir de la présence de voyous dans ses rangs quand on les a soi-même recrutés et utilisés comme tels ! Le chef de la police était déjà embarrassé par un autre scandale qui venait confirmer que, décidément, nos flics avaient adopté le goût du stupre : un trafic d’armes au commissariat central d’Alger, avec de très probables liens avec les terroristes. Cinq policiers sont placés en détention par le juge d’instruction qui en inculpa 10 autres, dont un divisionnaire, un commissaire et 2 officiers de police pour, entre autres, « trafic illicite d’armes à feu, vols, mauvaise gestion et négligence ayant engendré la dégradation de biens publics ».
Ils avaient revendu des pistolets automatiques, des fusils de chasse, des fusils à pompe et des munitions de différents calibres, tout un arsenal appartenant à la police…
Revenons à M. Tounsi pour ajouter qu’il lui fallait aussi de sérieuses raisons pour démentir la formule de Balzac ! Diable, la police ne partage-t-elle pas avec les Jésuites la vertu de ne jamais abandonner ni leurs ennemis ni leurs amis ? Alors, pourquoi avoir sacrifié ces malandrins ? C’est toute la tragédie du Territoire des Frères Ali Gator, monarchie tellement corrompue qu’il cesse d’être un Etat pour devenir une cour, puis une cour elle-même dépassée, dont le pouvoir se dissémine en réalité entre de nombreux trafiquants anonymes mais dont la tyrannie et la corruption deviennent bientôt insupportables pour l’équilibre du pouvoir.
On n’a pas reproché à ces policiers ripoux d’avoir falsifié, truqué ou manigancé. Les policiers étaient liés au pouvoir par un pacte tacite : en contrepartie du rôle d’exécuteurs de la tyrannie, ils bénéficiaient du droit implicite de monnayer leur activité. On a leur a toujours accordé ce privilège de pouvoir abuser, soit pour le compte d’inavouables raisons d’Etat soit, à des dimensions plus modestes, pour leur propre compte. Ils ont ainsi pu impunément trafiquer des PV quand cela était nécessaire pour l’incarcération de Mohamed Benchicou ou se livrer à des petites combines avec des passeurs de drogue ou de métaux précieux.
Non, ce qu’on leur a reproché cette fois-ci, c’est d’avoir falsifié à une échelle qui n’était pas la leur. Nos flics dépravés ont dû faire quitter le pays à quelque haute personnalité poursuivie par la justice, un chef islamiste ou un opposant placé sous contrôle. Or ce genre de magouilles est du ressort exclusif de l’Etat. Comme ce fut le cas pour l’affaire Sbih.
Mohamed Sbih est un flic ripoux que tout destinait à la prison mais qui, grâce à la formule de Balzac et à son père ambassadeur à Paris, s’est retrouvé en Espagne, libre et, probablement, très riche. Inculpé dans une grosse affaire de détournement de deniers publics, il fut placé sous contrôle judiciaire, son passeport confisqué, dans l’attente d’un procès qui promettait de lui être fatal : il était accusé rien moins que d’avoir établi un faux rapport de police disculpant un banquier prévaricateur qui avait dérobé la somme astronomique de 3 200 milliards de centimes !.
Qui a rendu son passeport au fils de l'ambassadeur ripoux alors que l’affaire était toujours en instruction ? M. Tounsi et ses amis, bien sûr. Mais cette association de malfaiteurs est bénie par l’Etat à son niveau supérieur, elle échappe à la loi…
Tel est le sortilège d’une justice qui confisque des passeports pour un délit fictif de bons de caisse mais qui sait les restituer dès lors que le détournement dépasse la somme astronomique de 3000 milliards de centimes…
Car enfin, tout cela n’était-ce pas magnifique ?

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Commentaires (12) | Réagir ?

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Muhend

Bravo Monsieur M. B. Parce que vous savez ecrire et vous avez un milieu de publication, c'est facile de dire. Ce que vous racontez ne se passe pas qu'a vous, mais il se repete chaque heure de chaque jour en Algerie. Chaque fois que je rentre en Algerie, des dizaines, si ce n'est pas des centaines, de citoyens me racontent des choses plus ou moins pareille.

Les autorites algeriennes sont pouries de haut en bas, la police, la gendarmerie, les douanes, les wilayas, les dairas, les communes, Sonatrach, Sonelgaz, l'hydraulique, les ministeres, l'apn, pour ne citez que ceux-ci.

Pleure-O-Pays Bien Aime! Pleure Abane, Krim, Boudiaf, le martyr a la tombe unconnue!

Amicalement!!!

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The Chimpanzee

Et Sbih qui nous parlait de l elites algerienne (source El Watan),

now, en lisant cet article, j ai compris ces objestifs: rassembler l elites puis la massssssacrer,

The Chimpanzee

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