La paralysie de l'opposition et la montée de la révolution 2.0 (I)
Bien que ce ne soit pas avec des "si" qu’on attrape la rose des tresses blondes mais on pourrait imaginer un instant que si Bouteflika avait tenu sa promesse de Sétif et s’était retiré du pouvoir, que se serait-il passé ? Quel aurait été le scénario le plus probable ? A contrario, si l’on se base sur les arguments avancés par les partisans de la continuité, "Bouteflika même malade, est la seule personnalité qui rassemble car la scène politique algérienne divisée et cela fait peur aux seniors."
Les circonstances particulières aux frontières : Mali, Libye exigent un charisme et Bouteflika l’a. Avec de telles hypothèses et en cas de défection, on aurait propulsé quelqu’un du sérail pour perpétuer le système sans que les forces vives ne se rendent compte et on aurait pris avec lui encore deux ou trois mandats. Mais à quelque chose malheur est bon, le quatrième mandat a créé un déclic aussi bien chez les jeunes que des intellectuels pour réorienter les contestations non pas sur la personne mais sur tout le système. L’opposition, en dépit de ses efforts, se recherche mais jusqu’à présent n’arrive pas à surmonter ses contradictions internes pour présenter une alternative à ce système. Peut-elle continuer à chauffer les sièges des hémicycles pour légitimer un pouvoir qu’elle conteste ? Quand on propose un changement par une dynamique du bas, on ne peut en aucun cas dialoguer avec l’initiateur d’une démarche qui va dans le sens inverse. Comment est perçue l’opposition en Algérie par les jeunes générations ? A-t-elle une crédibilité à leurs yeux ? Pourquoi ? Comment justement manifeste t- elle son mécontentement ?
1- L’opposition, par sa participation, fait prolonger la transition
De nombreux partis d’opposition et en premier lieu le malheureux candidat à la présidentielle de 2014 continuent à s’accrocher à l’idée de la fraude massive en perspective pour tenter de démontrer que quel que soit le futur élu du système, il n’aboutira que par cet artifice frauduleux parce qu’il manquera de popularité. Or, le citoyen constate avec regret que cette analyse chantée depuis l’indépendance ne tient plus la route. L’armée, l’ensemble des corps constitués, la fonction publique en tant que gros employeur du pays à eux seuls forment la population électoraliste du pays.
Pourquoi traficoter les urnes, alors que le compte y est ? Il faut ajouter à cela le nourricier, celui qui subvient aux besoins primaires et quotidiens pour environ les 80% de la population active. Comment voudra-t-on que tout ce beau monde se prive de ses privilèges d’assisté pour s’aventurer avec des phraséologistes qui n’ont ni pouvoir ni autorité et encore moins de compétence pour avoir géré le pays par le passé ? Quant aux démocrates qui aspirent à la démocratie du type occidental, ils ne pèsent plus grand-chose sur l'échiquier électoral national depuis d’abord le retrait du charismatique Saïd Sadi et la mort du dernier des Mohicans : Hocine Ait Ahmed.
Le régime en place s'est tellement enharnaché qu'il ne subit aucun contrecoup de l’opposition démocratique pour le moment et il gère les situations à sa guise avec une main de fer pour se maintenir coûte que coûte. Désormais, il jouit d’une base solide qui s’adapte faute d’alternative. Le système est un tout où chacun trouve son compte. Il le trouve justement avec l’establishment parce que l’autre rive manque de crédibilité. La majorité des citoyens pense que les opposants au régime algérien sont motivés par des ambitions personnelles, c’est pour cela que leurs leaders utilisent la base pour tenter de négocier avec le pouvoir car étant incapables de dépasser leurs divergences : "L’opposition algérienne n’a pas besoin des brimades du régime pour être en crise, dira quelqu’un, elle porte en elle les germes de l’implosion". La preuve est là : le 30 mars dernier, l’opposition devait tenir sa réunion dans une salle exigüe à l’ouest d’Alger pendant que le parti au pouvoir étale la sienne dans le complexe olympique de la capitale avec un parterre explosif. Dans le fond, l’opposition peut être riche en membres mais son ambiance se limitait au plaidoyer des deux dernières années sans présenter un programme qui susciterait éventuellement une adhésion citoyenne. Autour d’une large table, tous les présents paraissent dorés et déjà essoufflés. Comment espèrent-ils convaincre les citoyens. On a cette impression qu’il s’agit là d’une caste issue du système et qui implore son retour avec sa bénédiction. Dans cet ensemble, la fracture idéologique est visible à l’œil nu. Les anciens du FIS étaient présents, le nouveau parti de Djaballah et le remake de Hamas ne peuvent trouver un compromis sur les grands volets sociétaux comme par exemple celui de la femme ou même la famille. Cette opposition restera donc otage de tous ces facteurs et n’offre aucune perspective d’un changement donc d’où l’apparition très fréquente ces derniers jours d’un président en forme et qui se remettra bientôt à parler en public.
2- La génération future gère la situation par la protesta
Ceux qui continuent de penser que l'Algérie a passé son printemps arabe en octobre 1988 se leurrent lourdement. La crise de l'été 77, celle d'octobre 88 et les émeutes de janvier 2011 et bien d'autres qui n'étaient pas ostentatoires, ne sont en fait que des purges pour permettre au système de surmonter ses contradictions et retrouver son équilibre. A chaque fois que l'exécutif tente de mettre de l'ordre dans la gestion du pays pour plus de transparence, le système lui crée un soulèvement ou lance des rumeurs pour le dissuader et ainsi de suite. Il y a réussi à chaque fois. La rentrée 2012/2013 par exemple a été selon toute vraisemblance réservée à l'éradication du marché informel de toutes les villes et villages en Algérie. Une telle opération de grande envergure touche directement les intérêts des barons de l'import/export qui utilisent ce circuit pour écouler leurs marchandises. Tous les analystes s’attendaient un début janvier 2013 très chaud mais ils ont été déçus. Pourquoi ? Deux phénomènes nouveaux viennent perturber cette ligne de conduite sur laquelle le pouvoir et la maffia politico-financière fondent leur analyse : la crise économique mondiale de 2008 et le printemps dans certains pays arabes. L’Algérien qui a montré depuis près de trois décennies qu’il était capable de se transformer en entrepreneur créateur dès qu’il quitte son pays, cette crise ne lui permet plus de réaliser ses ambitions dans des conditions convenables.
L’humiliation dans ces pays en crise a atteint des niveaux inacceptables. L’étranger n’est désormais plus un refuge pour les Algériens. Ils décident de prendre leur destinée en main et dans leur propre pays. La Tunisie et l’Egypte leur ont servi de leçons qu’ils ne sont pas prêts d’oublier. Comment se fait-il que leurs aînés d’octobre 88 et qui étaient les pionniers à réclamer une ouverture démocratique se retrouvent aujourd’hui derrière la jeunesse tunisienne et égyptienne ? Rappelons que la Tunisie a ficelé sa constitution et aussi paradoxalement que cela puisse paraître le rôle de la femme a été l’élément rassembleur y compris dans l’aile islamiste. Lorsque les jeunes Egyptiens ont aspiré aux changements, ils n’ont pas quitté la rue depuis plus de 7 mois. Par leur détermination, ils ont barré la route á toute velléité de revenir au régime d’avant le 25 janvier 2011, pourtant il s’agit d’un régime très ancré dans la société égyptienne. Jusqu’à quand l’armée va-t-elle résister au jusqu’au boutisme d’une génération décidés ? Cela a donné de l’eau à la bouche aux jeunes Algériens qui ont opté par assainir leur pays pour y vivre au lieu de subir les contraintes de l’immigration. Le chômage a été toujours sous-estimé par les pouvoirs publics en avançant des chiffre biens en deçà de la réalité.
Après avoir tenté tous les moyens pour trouver du travail ailleurs jusqu’à se jeter en mer, les jeunes viennent de s’organiser au niveau national et leur dernier rassemblement a été le chef de la wilaya de Ouargla pour baptiser la principale place de cette ville "place Tahrir". Elle devait faire trembler les autorités. Quels arguments auront-elles à avancer ? La création des emplois inexistante depuis plus de deux décennies ! Le favoritisme dans le recrutement ! L’humiliation des jeunes dans des concours de par leur position de lièvres dans un jeu fermé ! L’exploitation des jeunes de pré-emploi etc. D’autres jeunes qui voyaient leurs aînés amorphes face à cette mascarade ont commencé leur protestation à cinq pour devenir en quelques semaines des milliers. En effet, d’un simple refus d’un quatrième mandat, le mouvement Barakat a pris une dimension politique internationale. C’est vers cette aile que le pouvoir en place braque ses phares car l’opposition actuelle ne l’inquiète nullement
3- Les réseaux sociaux pour contourner l’information officielle fallacieuse
De fait, Facebook aura été leur meilleur allié. Cela leur permettait, en temps réel, de connaître la réalité de la situation sur le terrain et de contourner la désinformation de la télé officielle. Al-Magharibia qui propose des émissions de débats en donnant la parole aux experts et opposants Algériens et, dans une moindre mesure, la chaîne France 24 en arabe et en français leur ont été d’un grand secours. Dans leurs différentes manifestations, il régnait une solidarité incroyable. Des habitants leur offraient des boissons désaltérantes et du lait, très efficace contre les effets en cas des gaz lacrymogènes. Au fil du temps, les policiers étaient de plus en plus tendus. C'était perceptible à leur grossièreté: chaque jour, la violence verbale, notamment à l'égard des femmes, n'a cessé de grandir pour devenir en définitif carrément agressive jusqu’à créer un conflit ouvert entre le commandement de la DGSN et le ministère de l’intérieur. Pour cette génération-là, l'histoire de l’Algérie commence maintenant. Même si Bouteflika se succède à lui-même et s'il ne respecte pas la démocratie, ces jeunes ne vont pas désactiver leur compte Facebook. (Lire aussi: La paralysie de l'opposition et la montée de la révolution 2.0 (II))
Rabah Reghis, Consultant, Economiste Pétrolier
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Les circonstances particulières aux frontières : Mali, Libye exigent un charisme et Bouteflika l’a. Avec de telles hypothèses et en cas de défection, on aurait propulsé quelqu’un du sérail pour perpétuer le système sans que les forces vives ne se rendent compte et on aurait pris avec lui encore deux ou trois mandats. Mais à quelque chose malheur est bon, le quatrième mandat a créé un déclic aussi bien chez les jeunes que des intellectuels pour réorienter les contestations non pas sur la personne mais sur tout le système. L’opposition, en dépit de ses efforts, se recherche mais jusqu’à présent n’arrive pas à surmonter ses contradictions internes pour présenter une alternative à ce système. Peut-elle continuer à chauffer les sièges des hémicycles pour légitimer un pouvoir qu’elle conteste ? Quand on propose un changement par une dynamique du bas, on ne peut en aucun cas dialoguer avec l’initiateur d’une démarche qui va dans le sens inverse. Comment est perçue l’opposition en Algérie par les jeunes générations ? A-t-elle une crédibilité à leurs yeux ? Pourquoi ? Comment justement manifeste t- elle son mécontentement ?
Monsieur REGHIS, votre analyse est juste, mais il y à un hic ?, en Algérie y à t-ils des Hommes des vrais ?, je ne le pense pas, ils sont tous à acheter pour un frac ancien ?, ceci est la parole de Bouteflika à son frère rab bledkoum ?.
Pour faire la Révolution réussie, ils faudrait des Hommes et des Femmes sérieux et patriotes et non des gens qui se font acheter pour le prix d'une baguette de pain ?. Quand la Révolution de novembre 54 à démarrée j'avais 7 ans et demi, aujourd' hui j'en ai 70. Je me suis engagé volontaire en 63 quand Hassan II à voulu coloniser notre pays, j'ai participé au coup d'état de juin 65 et aussi j'ai connu celui de 67 que Tahar ZBIRI à tenté de faire sur les conseils du président actuel qui s'éternise au pouvoir ?. J'ai quitté cette armée.