MECILI ET LES BONS DE CAISSES : 4 : Djamel Thouvenot

Quand ils disent ne pas croire en l’indépendance du juge Bernard Thouvenot, les dirigeants algériens savent de quoi ils parlent.
Pour eux, Bernard Thouvenot ne peut être que la version française du juge Djamal Aidouni, du juge Amer Belkherchi ou de la juge Fella G., les trois magistrats aux ordres qui ont condamné Benchicou (et bien d’autres innocents) à 2 ans de prison sur instruction politique.
Bernard Thouvenot ne peut être qu’une marionnette.
Aidouni est devenu la marionnette de Bouteflika quand ce dernier décida de déclarer « hors-la-loi » le FLN de Benflis et en créer un autre à la tête duquel il va désigner un fidèle, Abdelaziz Belkhadem ! La mise « hors-la-loi » du parti a été décidée dans la nuit du 4 octobre 2003 par un juge que le président Bouteflika avait fait siéger de force ! Ce grotesque épisode restera dans le lexique médiatique sous l’appellation de « justice de la nuit ». Il était tellement révoltant que des magistrats finirent, naturellement, par s’en indigner. Parmi eux, le procureur adjoint qui refusa de signer le jugement et le président du Syndicat national des magistrats, Mohamed Ras El Aïn, qui annonça son désaccord en conférence de presse. La riposte de Bouteflika fut immédiate : les deux hommes furent limogés et, à la place de Ras El Aïn, le président installa un homme de confiance, un personnage qui n’était pas inconnu : Djamel Aidouni, le juge du tribunal d’El-Harrach chargé d’instruire la fameuse affaire des bons de caisse ! Tout se tenait... Le juge Aïdouni était bien un homme au service du pouvoir en place.
Il devenait clair, pourtant, que le juge allait gérer le dossier conformément aux désirs du clan présidentiel. Ce qu’il fit d'ailleurs avec un zèle infini. Aïdouni, manquant outrageusement à tous ses devoirs de juge, se livra à des manigances de derviche pour fabriquer toutes sortes de preuves à charge contre Benchicou. Il ne se contenta pas d’ignorer la lettre du directeur des douanes qui disculpait Benchicou et qui rappelait que les éléments de la PAF ne pouvaient en aucun cas le poursuivre. Aïdouni ira plus loin : il suscita, sur instruction de ses supérieurs, des faux témoignages des policiers de l’aéroport qui affirmèrent, la main sur le cœur, l’avoir appréhendé au moment où de monter en voiture, c'est-à-dire bien après que j’eus franchi la porte de l'aéroport ! Et au cas où ce gros mensonge venait à ne pas suffire, le juge Aidouni en avait prévu un second pour accabler Benchicou un peu plus : susciter une plainte supplémentaire pour abus de biens sociaux ! Il convoqua à cet effet un des associés et tenta de lui faire signer une déposition selon laquelle les bons de caisse provenaient des fonds du journal. La cabale, inspirée par les services de Zerhouni, était concoctée soigneusement entre le juge Aïdouni et ledit associé, un personnage insignifiant et incompétent mais qui ne manquait cependant ni d’air ni d’ambitions et qui, à la faveur des déboires judiciaires de Benchicou, ne désespérait pas de prendre les rênes du journal. Devant l’énormité de la manœuvre, il renonça cependant à signer la déposition et déclara au juge ne rien savoir sur l’origine des fonds.
Après tant de créativité dans l’art de la conspiration judiciaire, notre juge clôtura l’instruction en novembre 2003 par une conclusion conforme aux vœux de ses chefs : « l’accusé Mohamed Benchicou a commis une infraction à la législation des changes et aux mouvements des capitaux. » Un délit qu’il n’avait pas commis mais qui n’en était pas moins passible de cinq ans de prison !

FELLA G.

14 juin 2004. J'étais assez curieux de savoir comment la juge Fella G. allait s'y prendre. En dame de loi, elle savait que rien ne l'autorisait à m'incarcérer. Même en cas de condamnation à de la prison ferme, la loi m'offrait la possibilité de ressortir libre du tribunal et de faire appel dans les dix jours. Pour m'envoyer en taule, la juge Fella G. devait non seulement me condamner à de la prison ferme mais aussi prononcer un mandat de dépôt à l'audience, mesure rarissime, réservée aux délinquants dangereux pour crime grave. Quel subterfuge allait-elle oser pour me classer parmi les « délinquants dangereux » ? Elle savait que je n'avais pas commis ce délit dont on m'accablait et dont, plus que tout autre, elle était très familière. C'est ici en effet, dans ce tribunal d'El-Harrach où elle officiait et dont relève juridiquement l'aéroport d'Alger, que se traitaient les affaires d'infractions douanières dont se rendent coupables des voyageurs distraits ou fraudeurs. La juge Fella G., pour maîtriser parfaitement son sujet, savait que je n'avais pas contrevenu à la législation. Elle savait que voyager avec des bons d’épargne personnels n’avait jamais constitué une transgression douanière, que ces documents non convertibles et non transférables vers des banques étrangères n'avaient aucune valeur monétaire. Elle savait, au surplus, que la police des frontières qui m’avait fouillé à l’aéroport n’avait pas la qualité judiciaire pour constater un délit d’infraction douanière, que la procédure était nulle et non avenue et que je ne pouvais être poursuivi aux yeux de la loi algérienne. Mais la juge Fella G. savait surtout qu'elle n'avait pas de vrai plaignant puisque les douanes, seule institution fondée à se porter partie civile dans ce genre de délit, avaient catégoriquement refusé de se prêter à une mascarade politicienne. La juge avait lu et relu la lettre du directeur général des douanes qui me disculpait. Et, pour ne rien arranger, elle n'avait trouvé dans le dossier ni « corps du délit », les fameux bons de caisse, ni procès-verbal dûment établi. Alors, comment envoyer en prison un journaliste pour un délit fictif, sur une plainte irrecevable déposée par un faux plaignant et dépourvue de toute pièce à conviction ?

Ce lundi 14 juin, au tribunal d'El-Harrach, la juge Fella G. a fait d'un procès de six heures une tribune de faux plaignants et de faux témoins; elle a laissé se démolir la vérité par la contrevérité; elle a laissé s'installer le mensonge pour ensuite arbitrer en sa faveur. Mes avocats avaient beau avancer que, selon le témoignage écrit du directeur général des douanes, je ne pouvais être poursuivi pour infraction de change, puisque j'avais été interpellé avant d'avoir franchi l'espace douanier, la juge Fella G. faisait répondre par l'escobarderie du commissaire Belahbib Farid et du policier Boukhari Abdelkader qui soutenaient, les yeux baissés, qu'ils m'avaient appréhendé au moment de prendre ma voiture. Un mensonge sous serment passible de prison. Mais, entre la parole du directeur général des Douanes, haut fonctionnaire de l'Etat, et celle de deux barbouzes à la solde d'un ministre revanchard, la juge Fella G. avait opté. Et quand mes avocats rappelleront au tribunal que le procès-verbal de la police ne répondait pas aux normes et qu'il avait été rédigé en dehors de l'aéroport, quand ils démontreront que l'audition des policiers en tant que témoins est illégale dans une affaire où ils sont acteurs et que cela contrevenait à la loi, juge Fella G. laissait le soin au procureur Chérief Fatima de défendre l'illégalité.
Enfin lorsque, brandissant le Code pénal, mes avocats démontreront que les faits qui m'étaient reprochés ne constituaient pas un délit, que la plainte était irrecevable dans la forme et dans le fond, et que le plaignant n'avait pas qualité pour porter l'affaire devant la justice, la juge leur fera répondre ... par le faux plaignant lui-même, un certain Saïd Oubahi, collaborateur du ministre des Finances Benachenhou ! « C'est une grave infraction car l'accusé Benchicou est passé devant les guichets de la douane sans déclarer ses bons de caisse » martèla l'homme que le ministre Benachenhou avait envoyé au tribunal d'El-Harrach porter la menterie d'Etat.
Devant un règne si absolu du mensonge, il ne restait plus alors au procureur Chérief Fatima qu'à porter l'estocade en validant la tromperie et en salissant, à son tour, l'honneur de la justice : « L'accusé Benchicou a franchi la zone de douane sans déclarer ses bons de caisse. Je demande cinq années de prison ferme avec mandat de dépôt à l'audience. » La messe venait d'être, enfin, dite par une dévôte au hidjab.
Il était l'heure d'entrer en prison puisque telle était la volonté d'un président contrarié par un livre qui l'avait démystifié et d'un ministre ulcéré par les révélations sur son passé de tortionnaire.
Je n'avais que quelques minutes pour m'y préparer. En attendant le verdict de la juge je m'empressai de transmettre, par mon avocat Messaoud, un dernier message pour ma famille et pour l'équipe du journal. Je confiai les clés de mon appartement ainsi que des papiers personnels à Ali mon chauffeur en le chargeant de quelques consignes de sécurité.
A 17 heures, la juge Fella G. revint de « sa » délibération. Elle lit son verdict d'une voix chevrotante : « Le tribunal condamne l'accusé Mohamed Benchicou à deux ans de prison ferme et 23 millions de dinars d'amende, avec mandat de dépôt à l'audience. »

L.M.

FIN

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Commentaires (15) | Réagir ?

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ABDYOUGHARITEN

Au fait qui est Fella G, il serait intéressant d'en donner le nom complet pour que le peuple sache de qui il s'agit.

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chawi

le limogeage de 2 magistrats, la designation a leurs places des marionettes, le jugement illegal de benchicou et le limogeage aussi du directeur general de la douane, tout ca signifie bien qu on a pas un etat juste mais un etat de mafia a leur tete abdelaziz capone.

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