Elections présidentielles en Algérie : le coeur y est-il vraiment ?

Par Aïssa Hirèche

Nous sommes à quelques mois à peine, cinq mois au plus, des élections qui devront consacrer le prochain président algérien. Il est tout à fait normal que l’on entende alors parler de candidats, comme il est tout aussi naturel que l’on se rende compte, que l’on sente, ou que l’on devine certains coups bas, certaines manipulations que d’aucuns aiment appeler - à tort bien sûr - stratégies.

C’est aussi le moment de voir, sur les étals de notre souk politique, revirements, déloyautés et trahisons que certains n’auront même pas pris la précaution de cacher, sous prétexte d’alliances, de regroupements, de recompositions, de reconsidérations et puis, que sait-on encore. Pour l’intérêt du pays, ne cesseront-ils de marteler, comme si c’était vrai ! C’est aussi le moment où l’on verra émerger des poètes, des paroliers, des chanteurs, des animateurs, des écrivains et même des cheikhs et qui auront, tous, comme point commun, le fait qu’ils se découvrent une attraction et une adoration subites pour les puissants du moment, qu’ils se mettent alors à décrire, à chanter, à honorer, à vénérer même ! A regarder donc les choses de près, et à se laisser aller au gré du temps et des sirènes d’occasion, il serait même venu le temps d’aiguiser mots, slogans, rimes, refrains, partitions et leitmotivs, qui serviront les campagnes électorales des uns et des... mêmes. Mais, si l’on a la présence d’esprit et, surtout, le courage de savoir distance garder par rapport au souk qui se prépare, de ne pas se laisser entraîner par le brouhaha des bègues et des charlatans qui s’adonnent à cœur de joie aux multiples activités de cette foire du bruit, et de laisser donc tomber, un instant, ce microscope hallucinant pour prendre à la place un macroscope afin de voir, dans les dimensions qui lui correspondent le mieux, la société dans son ensemble, alors, on se rend compte que le monde n’est pas toujours celui que veulent bien montrer les « soukards » de la politique. Détournons donc le regard, un instant, de cette campagne et de ces présidentielles et regardons plutôt la société censée les abriter et les vivre. Une société où, de l’avis de tous ceux qui ont gardé encore un peu de bon sens, il devient presque impossible de discerner le vrai du faux, le bon du mauvais, le présent du passé, la vie de la mort, l’ignorant de l’érudit...

Regardons donc autour de nous. Il n’est point nécessaire d’être philosophe pour comprendre les signes de décrépitude qui se font de plus en plus insistants et d’entendre, au-delà du silence des hommes, les appels de détresse de plus en plus forts. Et que, de grâce, l’on cesse de personnaliser les choses, car il ne s’agit pas pour nous de culpabiliser untel ou tel autre, ce type d’exercices ne manquant ni de lieux ni de moments ni, encore moins, d’adeptes, nous le laissons volontiers à ceux qui en raffolent.
Le mensonge et la tromperie ont mis l’école à plat

Regardons donc l’école. Et par école, nous entendons tous les paliers depuis la première classe en primaire jusqu’à la terminale. Qu’ils soient en primaire, au collège ou au lycée, nos enfants vivent ailleurs qu’en leur temps et à côté de leur propre vie. Sans vouloir dramatiser, notons d’abord le nombre trop élevé d’élèves par classe. Un nombre qui rend la transmission du message en classe, sinon impossible, du moins très difficile. Du coup, et s’ils veulent mieux comprendre ou mieux préparer leurs examens de fin d’année, les élèves sont « invités » à suivre des cours de soutien. Des cours qui se déroulent comme nous le savons et, surtout, comme nous ne le savons pas. Il paraît que certains enseignants... mais laissons cela de côté ! La politique du nombre, si chère à ceux qui nous ont gouvernés jusqu’à présent, n’a mené nulle part. Il n’y a pas trente-six mille solutions : il faut construire le nombre d’écoles nécessaires car la scolarisation est obligatoire, et cette obligation s’impose à l’Etat d’abord. Certes, construire tant d’écoles n’est pas gratuit mais l’Algérie n’est pas pauvre et l’éducation de nos enfants passe avant les mille et un dîners gargantuesques inutiles, les mille et une nuits de folklores incertains et de culture bidon et les mille et une cérémonies sans oublier les dépenses non calculées et les largesses injustifiées et injustifiables que se permettent tous ceux qui, parvenus Dieu seul sait comment au sommet, ne se privent pas de faire comme si l’Algérie avait pour caractéristique particulière d’appartenir aux seuls fous des grandeurs et aux seuls malades des dépenses. L’Etat est seul responsable de l’éducation des citoyens, qu’il se débrouille. Bien qu’elles soient les bienvenues ne serait-ce que pour ce qu’elles présenteront comme contrepoids à une école publique en ruine, les écoles privées ne peuvent pas agir en dehors d’une politique d’éducation que seul l’Etat est apte à mener. Et quand on parle de politique d’éducation, ce n’est pas de ces bouts de programmes, concoctés à la va-vite et sans trop de conviction, dans les allées d’hôtels ou les coulisses de ministères. C’est plutôt une véritable politique qui s’inscrira dans une stratégie réelle dont on devra charger les vrais stratèges et qui, après, et seulement après, descendra au niveau des pédagogues car, entendons-nous bien : aucune approche de l’éducation ne sera fiable ou même efficace tant qu’elle ne s’inscrit pas dans une signification plus large, un objectif plus grand et un cadre plus global, c’est-à-dire tant qu’elle n’a pas de sens épistémologiquement parlant. Nous voulons pour preuve l’approche par les compétences que l’on a voulu transposer chez nous mais qui, bien qu’ayant fait ses preuves au Canada et ailleurs, n’est pas du tout près d’améliorer la situation de notre école parce qu’elle est totalement déracinée, sans repères, sans cadre clair dans lequel elle prendrait un sens. La détérioration de notre école est un véritable problème. Et pour la considérer en tant que tel, il est nécessaire d’admettre, qu’à l’instar de tout autre problème, cette détérioration a ses causes dans le passé. En vouloir aujourd’hui à Benbouzid, comme il est de coutume chez nous, c’est participer volontairement à la mise de côté de la nécessité qu’il y a de procéder à la recherche des vraies causes qui ont contribué à la mise à genou de notre école, d’autant plus que Benbouzid, comme les autres d’ailleurs, demeure dépendant de l’information qu’on lui transmet, des chiffres qu’on lui fait parvenir et de l’image qu’on veut bien lui envoyer de l’école. Qui s’est chargé jusqu’à présent de peindre les écoles, de repeindre les classes, de refaire le gravier des cours, de replanter les jardins, d’accrocher aux murs de belles images, de faire laver les parterres... la veille des visites du ministre de l’Education nationale ? Ce sont, à l’évidence, ceux qui ont participé, de près ou de loin, au mensonge et à la tromperie qui sont responsables de l’état actuel de nos écoles et de sa mauvaise gestion. Ce sont eux qui ont mis cette école à plat. Par ailleurs, les classes qui manquent d’enseignants sont nombreuses. Une situation incroyable si l’on sait que, d’un autre côté, les licenciés et les ingénieurs qui chôment sont légion. Là c’est la responsabilité de l’Administration centrale, de ses services de ressources humaines, car c’est à ces services qu’il appartient non seulement de doter les établissements scolaires en enseignants, mais aussi de veiller à n’en recruter que les meilleurs. En 2008, entamer l’année scolaire en Algérie, avec un déficit d’enseignants est, tout simplement, aberrant et inadmissible car, quoi qu’on dise et quoi qu’on pense, l’Algérie a les moyens de se permettre une bonne école et si échec il y a, c’est l’échec des hommes et du système en place.
La santé, c’est ce qui rend malade

Regardons maintenant du côté de la santé. Les hôpitaux, et le système de santé en général, ne conviennent plus, ni au niveau des attentes des citoyens ni à la complexité du moment. Comme pour l’éducation, seul l’Etat est responsable de la santé des citoyens et les cliniques privées, bien qu’elles soient les bienvenues, elles doivent exercer dans le cadre d’une politique de santé que seul l’Etat est habilité à mettre en place, à mener et à défendre. Se voir, aujourd’hui au 21e siècle, exclu des soins à cause d’un manque de médicaments, de médecins ou de structures relève de l’inadmissible. Est-il possible qu’aujourd’hui encore, on ose parler de manque de médicaments comme ces produits si nécessaires à la chimiothérapie et que les cris de quelques malades, atteints du cancer, ne cessent de porter à la connaissance de l’opinion publique ? Est-il normal que, aujourd’hui au 21e siècle, la majorité de nos pharmaciens n’aient fait leurs études que pour finir en vendeurs de médicaments et, pour certains, en importateurs de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques ? Est-il permis, à l’ère où les autres envoient des engins sur Mars, que nos malades s’entassent, à longueur de journées, dans les couloirs d’hôpitaux hideux et mal entretenus, dans l’attente d’une chimio probable ? Certes, ce n’est pas le cas de tous les hôpitaux, mais c’est celui de la grande majorité. Les médecins, lorsqu’ils existent, font ce qu’ils peuvent pour la majorité mais est-ce suffisant ? Pourquoi faut-il toujours personnaliser ? Ne peut-on pas parler sans qu’un individu, ici ou à quelque mille kilomètres, ne se sente visé ? Nos médecins s’enfuient pour ceux qui le peuvent. Parmi eux, il y en a qui ont accepté de travailler comme infirmiers ailleurs et ce n’est pas faute de compétences, mais à cause d’autre chose que nous continuons à cacher et à taire comme un tabou imbécile et inutile. Une hypocrisie envers nous-mêmes. La santé, c’est ce qui rend malade chez nous. Tout le monde souhaite ne pas tomber malade afin de ne pas avoir affaire aux hôpitaux et ce ne sont pas certaines cliniques privées qui oseraient soutenir avoir donné l’alternative.
L’université : on ne dira jamais assez son mal

Portons maintenant le regard sur l’Université. Ce haut lieu de savoir et de sciences. Faisons semblant de ne pas avoir entendu les barouds, de ne pas avoir vu les piètres manières de fêter ce qui se fête et ce qui ne peut l’être. Parlons d’autre chose. Parlons de la pédagogie. Parlons de la science. Parlons des hommes. Parlons de ces attentes, chaque jour brisées, par ceux-là mêmes qui aiment à bomber le torse afin de se convaincre qu’ils sont quelque chose. L’enseignement de nos jours se fait selon la mode. Eh oui, c’est selon la mode que d’aucuns se mettent à enseigner tels ou tels autres modules. Des muets qui ont entendu parler de stratégie, se sont mis à enseigner les modules de stratégie, les bègues qui ont eu vent de la gestion des connaissances, ont sauté dans le plat, les pieds joints. Les cordonniers du quartier et qui ont ouï dire quelque chose à propos de la GRH se sont proclamés spécialistes en ressources humaines. Où va-t-on donc avec cet esprit de bousculade (et les mots sont pesés) que même certains « douktours » n’ont pas trouvé mieux que d’adopter ?

Pauvre, notre université l’est. Mais pauvre d’hommes et non de moyens. Malade, elle l’est aussi. Malade de nos comportements qui ne manqueraient pas de nous étonner si nous nous réveillions. Est-il possible qu’on donne d’abord les heures supplémentaires avant de donner la charge horaire ? Aussi bizarre que cela puisse paraître, il semblerait que oui !!! Existe-t-il un endroit sur cette planète où l’on entame de la recherche alors qu’on n’est même pas capable de faire un état des lieux de la question ? Existe-t-il un endroit sur terre où les gens confondent encore entre plan de travail et méthodologie ? Il pleut des diplômes et c’est, peut être, tant mieux car les phénomènes ne peuvent être saisis à leur juste valeur qu’une fois généralisés. Combien notre université forme-t-elle de chômeurs par an ? Combien est-elle censée former d’êtres capables de se prendre en charge ? Quelle est sa relation avec l’environnement ? Pourquoi le statut d’enseignant universitaire fait-il pitié au lieu de faire envie comme ailleurs dans le monde ? La part de responsabilité de l’Etat est grande, trop grande dans ce qui arrive à l’université. Oui, depuis qu’il est permis aux derviches et aux sorciers de parler de l’université, de prononcer le mot, il fallait s’attendre à cela et même plus. Tout contents de leurs bêtises, ils ont même hurlé à la face du monde qu’ils sont pour la politisation (entendre par-là, la manipulation par les pseudos politiciens) de l’université. Eux qui n’ont vu de l’université que les murs, de loin, et qui n’ont pour collègue d’amphis que quelques frustrés en quête de sorciers pour se sentir guéris de maladie imaginaire. L’université, on peut en parler des siècles. On ne dira jamais son mal. Les universités privées, c’est ce qu’il y a de mieux à faire, à condition qu’il n’y ait pas de marchands de légumes derrières, comme ce fut le cas pour certaines autres affaires privées. Et mieux vaut ne pas dire plus. Les universités privées, c’est ce qu’il faut à condition que le bon coup soit donné dès le départ. Voilà, nous avons jeté le regard sur notre école, sur nos hôpitaux, sur notre université. C’est-à-dire sur l’essentiel de la société qui abritera les élections présidentielles. Après cela, libre à nous de parler d’élections présidentielles. Mais pas tout de suite, de grâce car le cœur n’y est pas !

Le quotidien d’Oran

Plus d'articles de : Actualité

Commentaires (18) | Réagir ?

avatar
chawi

les trois bandits ouyahia, belkhadem et aboujara, pensent deja a tracer un plan pour essayer a convaincre le peuple algerien a aller voter, je dirai que les algeriens ont compris la chanson et cette fois ci je suis convaincu que les urnes vont etre vide et comme ca el ohda al thalitha sera un grand fiasco.

algeriennes algeriens, boycotter les urnes et nous ferons de ce jour la, une journee de deuil sur l ensemble du territoire national.

vive l algerie hora democratia.

avatar
megdouda

Ce qui a été écrit sur l’école, c’est juste pour dédouaner le ministre inamovible et incompétent qui est « dépendant de l’information qu’on lui transmet…et de l’image de l’école qu’on veut lui envoyer » c’est l’attitude d’un élève formaté par l’école fondamentale. Ses visites se limitent à contrôler si le par terre est propre, le jardin replanté et « ce sont, ceux qui ont participé, au mensonge et à la tromperie, qui sont responsables de l’état actuel de l’école » ce qui veut dire qu’il gobe tout. Il y a un manque d’enseignants, pour la simple raison qu’ils ont pris leur retraite anticipée et les vacataires à défaut de régulariser leur situation, ils reçoivent la matraque tout comme les grévistes qui revendiquent leurs droits. Les licenciés et les ingénieurs au chômage ne peuvent pas être recrutés soumis à la question : Quelles sont les critères pour recruter un bon enseignant ; la réponse est la Tchipa. La conclusion est pertinente, en effet c’est « l’échec des hommes et du système en place » donc le ministre doit déposer sa démission.

Ensuite, « la santé qui rend malade », à toutes les questions que vous posez, j’oserai vous répondre : c’est possible, c’est normal et c’est permis. Nos hôpitaux sont devenus des mouroirs. A la suite d’un décès d’une patiente dû à une négligence, un médecin spécialiste me disait : « j’ai peur d’être un jour victime d’une urgence »

Pour l’université, il me semble que vous êtes partisan de l’université privée. Sans commentaires. Et parlons d’élections présidentielles : il ne faut pas se rendre aux urnes, ce sera un allongement de la situation actuelle.

visualisation: 2 / 18