Les "outrances" de François Hollande dénoncées par plus hauts magistrats

Les "outrances" de François Hollande dénoncées par plus hauts magistrats

Les plus hauts magistrats de France ont dénoncé jeudi les "outrances" de François Hollande à l'encontre du corps judiciaire, évoquant une "nouvelle humiliation" après celles infligées par son prédécesseur Nicolas Sarkozy, qui a entretenu un lourd contentieux avec les juges sous sa présidence.

La présidence de la République, sans démentir des propos stigmatisant "la lâcheté" de la magistrature attribués au chef de l'Etat dans le livre écrit par deux journalistes du Monde, a demandé que l'on juge François Hollande sur ses actes.

"Le président de la République en exercice a laissé publier, sans les démentir, des propos où il qualifie l'institution judiciaire d''institution de lâcheté' où 'l'on se planque', où 'l'on joue les vertueux' et où 'l'on n'aime pas le politique'", a déclaré Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation, en préambule d'un discours de présentation de nouveaux magistrats.

"Le prédécesseur de l'actuel président (Nicolas Sarkozy, NDLR) avait quant à lui comparé les magistrats à des 'petits pois sans saveur'", a-t-il ajouté. "Ces outrances renouvelées à l'encontre du corps judiciaire, en un temps qui requiert la cohérence de l'ensemble des pouvoirs publics, posent un problème institutionnel."

"Il n'est pas concevable que la charge de président de la République (...) puisse être utilisée par son titulaire (...) pour contribuer à diffuser parmi les Français une vision aussi dégradante de leur justice."

Bertrand Louvel et le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Claude Marin, ont été reçus mercredi soir pendant une vingtaine de minutes à l'Elysée par François Hollande, à leur demande.

Le rendez-vous avec Hollande n’a rien atténué

"Notre entretien d'hier avec le président de la République n'a pas atténué le sentiment que la magistrature en général et les magistrats en particulier ont ressenti face à une nouvelle humiliation", a déclaré Jean-Claude Marin. "Que peuvent aujourd'hui penser les Français lorsque de tels propos sont tenus sur leur justice par la plus haute autorité de l'Etat?"

Dans un communiqué commun, les conférences des premiers présidents de cours d'appel, procureurs généraux, présidents de tribunaux de grande instance et procureurs ont également dénoncé une atteinte "au crédit et à la confiance que doivent avoir les citoyens dans leur Justice."

Les magistrats ont reçu l'appui de la conférence des bâtonniers qui, par la voix de son président, Yves Mahiu, a fait part de sa "consternation" face à des propos qui "fragilisent l'institution judiciaire et portent atteinte à tous ceux qui concourent à l'œuvre de Justice dans notre pays".

L'entourage de François Hollande a insisté jeudi sur le "respect" dont a fait preuve le président à l'égard de l'indépendance de la justice et de l'institution judiciaire. "Le président de la République doit être considéré au regard de ses actes et de ses discours publics", a-t-on déclaré.

Le ministre Urvoas monte au front

Interpellé jeudi en séance à l'Assemblée par l'opposition de droite sur les propos de François Hollande, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a abondé dans le même sens.

"Donnez-moi un mot, un mot public du président de la République depuis 2012 dans lequel il aurait ne serait-ce que fait un commentaire sur une décision de justice", a-t-il dit. "Pas un mot, encore moins une insulte, pas un acte, pas une demande d'intervention pour interférer dans une procédure, pas un jugement porté publiquement à l'occasion d'une émission télévisée sur tel ou tel magistrat."

Mais pour Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation, les propos du président signent la nécessité de se saisir de "la question essentielle de la place, dans les institutions, de l'autorité judiciaire, afin que celle-ci s'émancipe enfin de la tutelle de l'exécutif où la maintient une tradition monarchique d'un autre temps."

Les juges réclament une réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui renforcerait l'indépendance du parquet.

Dans l'ouvrage des journalistes du Monde, François Hollande déclare : "Ce n'est pas une engeance facile, la magistrature, il ne faut vraiment pas commettre de fautes, on peut être lynché."

"Cette institution, qui est une institution de lâcheté (...) parce que c'est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux... On n'aime pas le politique", ajoute-t-il.

Avant François Hollande, Nicolas Sarkozy s'était attiré les foudres des juges en mettant en cause notamment l'impartialité de certains appartenant à des syndicats classés à gauche. A la faveur de plusieurs faits divers, il avait également dénoncé leur laxisme supposé, avant de les comparer à des "petits pois" sans saveur.

Reuters

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