Le maltais, le parler algérien, une langue officielle transcrite en caractères latins (I)

Le maltais, le parler algérien, une langue officielle transcrite en caractères latins (I)

“Seg uyeffus s azelmaḍ ... Seg ubrid ɣer lkaf !” “De droite à gauche ...Du droit chemin au fossé !” Lunis At Mengellet

I. Introduction

Tamazight doit s’écrire en caractères tifinagh, l’écriture source, diront certains. D’autant plus que c’est la plus ancienne écriture de la planète d’après un chercheur anglais. De tifinagh est né le latin enchainent d’autres chercheurs dont Slaouti Taklit, enseignante de linguistique à l'université d'Alger et auteur de l'ouvrage "L'alphabet latin serait-il d'origine berbère ?" Est-ce que ce sont des raisons pour justifier l’utilisation de tifinagh pour tamazight aujourd’hui ? Le cœur, la symbolique et l’identité plaident pour le oui. La raison, la réalité historique et le pragmatisme incitent à la négation. Les questions suivantes méritent d’être posées.

Nos frères touaregs, très attachés à tifinagh, ont-ils produit un seul roman avec les caractères conçus par nos ancêtres ?

- Les Etats postcoloniaux de la Tamazgha (Afrique du nord) ont-ils vraiment la volonté politique de faire de tifinagh ce qu’ont fait des Etats comme la Chine, le Japon, la Corée du sud, l’Israël et l’Arabie saoudite de leurs symboles alphabétiques ?

- Qu’a fait le Maroc, depuis le 17 octobre 2001 avec la création de son institution académique IRCAM, chargée de la promotion et du développement de la culture et la langue amazighes ? A-t-il réussi à produire une littérature digne de ce nom en tifinagh, ne serait-ce un seul roman, un journal ?

Nos frères mozabites et à un degré moindre nos frères Chawis, tenant aux caractères arabes pour leurs langues, sont, de mon point de vue, victimes du faux postulat qui dit en gros ceci : "Adopter les caractères arabes pour tamazight c’est garder le lien avec le monde musulman". La Turquie, la Malaisie et l’Indonésie, le pays musulmans le plus peuplé du monde avec ses 250 millions, n’ont-ils pas adopté les caractères latins pour transcrire leurs langues?

De même pour les Touaregs et les Amazighs marocains pour ce qui est du tifinagh, les Chawis et les Mozabites ont-ils produit un seul roman, un seul journal dans leur langue en caractères arabes ?

La Kabylie, pragmatique, a compris depuis longtemps que le seul salut pour la promotion et le développement de sa langue réside dans sa transcription avec les caractères latins. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Depuis 1887, ont vu le jour des centaines de manuscrits et de romans, des milliers d’articles de journaux et de revues (Tafsut, Asalu, Amaynut, Tamurt, Izuran, Aɣmis n Yimaziɣen, Tiɣremt, …), des dizaines de lexiques et dictionnaires et des millions de sites internet, postes Facebook, Twitter et échanges courriels depuis l’avènement des autoroutes de l’information.

Pour répondre aux manipulateurs (ou leurs complices parmi les Kabyles) qui désavouent l’utilisation des caractères latins pour des raisons idéologiques (ou de gagne-pain), la présente étude nous conduira vers un pays pas loin de l’Algérie. Il s’agit de l’archipel de Malte que je considère comme un exemple dans l’aménagement linguistique et dans le réalisme sociolinguistique. En effet, le lecteur de cette contribution sera étonné, et comme il vous sera démontré plus loin, les Maltais parlent l’arabe, dit maghrébin plus précisément l’arabe algérien qui est une langue officielle et transcrite en caractères latins.

Ceci a fait du pays Malte, 80 fois plus petit que la Kabylie, 17,5 fois moins peuplé, un pays non seulement stable sur le plan identitaire mais surtout prospère et développé avec un indice de développement humain (IDH) de 0.829, soit 39ème au monde, très proche du pays voisin Italie, membre du G8 (26ème au monde). Il est à signaler que l’IDH de l’Algérie est de 0.717, soit 93ème au monde, alors que sa voisine Tunisie occupe la 90ème place.

C’est la vue de certains débats et forums, biaisés pour la plupart puisque organisés par des chaines TVs étatiques ou pseudos-privées algériennes comme Echourouq et Ennahar (TV et Journal), sur le choix des caractères pour tamazight qui m’a poussé à penser la présente étude. Elle vise certains amazighophones qui ne veulent pas entendre parler des caractères latins pour leurs langues. Elle vise aussi et SURTOUT les Algériens arabophones qui sont souvent victimes du courant arabo-islamo-baathiste qui les déroutent sur le plan identitaire. L’Islam convoqué à chaque fois pour renforcer l’amour de l’arabe du Coran au détriment de la langue ancestrale, le tamazight, finit par créer des situations de malaise dans la société. Lequel malaise engendre des confrontations inutiles et la haine de soi. Du coup, il empêche le développement et la prospérité économique dans la société.

Au lieu de suivre ces idéologues haineux pour gêner les amazighophones pragmatiques dans leur effort à promouvoir leur langue, ces Algériens arabophones feront mieux de s’investir dans la sauvegarde de leur langue, qu’est l’arabe algérien, en suivant l’exemple de leurs arrière-petits-enfants maltais, qui ont bâti un pays moderne. En le faisant, ça sera une justice posthume qui sera rendue à l’écrivain Kateb Yacine qui a tout le temps rêvé de la promotion de tamazight et de l’arabe algérien, au passage c’était aussi le slogan du MCB (Mouvement Culturel Berbère) à ses débuts.

La présente étude est structurée comme suit. D’abord un retour sur les discussions actuelles concernant le choix des caractères pour tamazight en Algérie, et la tendance vers les caractères arabes telle que voulue par le régime d’Alger. La réalité sociolinguistique à Malte est ensuite soigneusement décortiquée sur plusieurs aspects : le contexte historique, la constitution maltaise et la co-officialité linguistique, l’alphabet latin des Maltais. Ensuite, nous allons présenter quelques exemples concrets tirés de la vie quotidienne des Maltais, qui démontrent que leur langue n’est autre que le parler algérien transcrit en caractères latins. Enfin, une proposition sera suggérée pour écrire l’arabe algérien en caractères latins, ou Tam3amrit comme Taqbaylit/Tamazight, pour sauver l’héritage culturel des Amazighs arabophones d’Algérie et plus généralement d’Afrique du nord.

II- Pourquoi l’Etat algérien tient aux caractères arabes pour transcrire tamazight ?

Dans mes précédentes contributions en relation avec la nouvelle constitution algérienne et l’officialisation maladroite de tamazight, j’ai parcouru un certain nombre de constitutions pour expliquer la gestion de la diversité linguistique dans certains pays. Il s’agit du Canada, la Suisse, l’Afrique du Sud, le Sri Lanka et le pays voisin le Maroc. Ce dernier, pour rappel, est pris comme modèle négatf par l’Algérie dans la hiérarchisation linguistique, avec tamazight comme seconde langue officielle au moment où l’arabe demeure la langue officielle de l’État.

L’Eétat algérien, forcé d’accepter l’officialisation après des décennies de lutte non-stop, est en train de manœuvrer pour imposer les caractères arabes pour la transcription de tamazight. Faute de quoi il poussera à l’arbitrage de tifinagh, comme au Maroc, pour éviter les caractères latins que la Kabylie a choisis depuis plus d’un siècle. Précisément depuis Belkassem Ben Sedira (1887), Said Boulifa (1897), Izarar Belaïd At Ali (1945), Mouloud Feraoun (1960), Mouloud Mammeri (1969-1989), et ce jusqu’à l’introduction de l’enseignement de tamazight dans les universités kabyles en 1990, et dans les écoles de Kabylie suite à la grève du cartable de 1994 et son corollaire le HCA (Haut-Commissariat à l’Amazighité). Pour rappel celui-ci, rattachée à la présidence, a adopté les caractères latins depuis sa création en 1995, avec entre autres les centaines de livres qu’il a édité jusqu’à date.

  1. Au lieu de consolider le HCA, il le clone avec la création du Centre national pédagogique et linguistique de l’enseignement de tamazight (CNPLET), que dirige Dr. Abderrezak Dourari.

  2. Il décide unilatéralement des caractères arabes pour les génériques de la TV4 Tamazight. Il renforce ses programmes avec des prêches religieux en arabe et des chansons en arabe (Chaabi, …) qui durent des heures par moments.

  3. Il crée épisodiquement des pages de journaux ou d’internet en Tamazight mais en caractères arabes : Echaab, Echourouq, APS, …

  4. Il crée des chaines radio en Kabylie (Djurdjura/Soummam) avec des programmes en arabe alors que dans les autres chaines radio des autres wilayas, aucun programme n’est émis en tamazight. Il ne fait aucun doute que le but visé est de renforcer l’assimilation et l’arabisation des Kabyles fragiles, notamment ceux des villes de Bgayet et de Tizi Wezzu.

  5. Au baccalauréat, l’examen de tamazight est non seulement facultatif, mais polygraphique selon que nous sommes en Kabylie, pays Chawi, Mozabite ou Twareg.

Présentement avec l’officialisation forcée de tamazight, et poursuivant toujours ses ruses, il (le régime de Bouteflika) continue à manœuvrer pour gêner davantage sa promotion. Il organise par exemple des rencontres, forums et débats, par ses TVs (publiques et pseudos-privées), qui poussent vers l’imposition des caractères arabes pour tamazight, sous toutes sortes de prétextes dont l’Islam. Malheureusement il trouve parmi les Kabyles des complicités telles que Dr. Mohand Arezki Ferrad, historien et ex-député FFS, Dr. Abderrezak Dourari, directeur du CNPLET et Si Hachemi Assad, secrétaire générale du HCA. Ce dernier semble malheureusement sortir de la ligne tracée par ses prédécesseurs Youcef Merahi et le regretté Mohand Idir Aït Amrane. Ces derniers étaient intransigeants sur la remise en cause du choix des caractères latins par fidélité aux anciens dont Said Boulifa, Belaid At Ali, Dda Lmulud, Rachid Aliche, … D’où la création du le CNPLET par Bouteflika.

L’entêtement de l’Etat algérien pour les caractères arabes pour tamazight, ne trouve justification que par son désir de rester dans la sphère arabo-islamique, comme le stipule sa constitution : Pays arabe et l’Islam comme religion d’Etat.

Pourtant de nombreux pays musulmans non arabes écrivent leurs langues en caractères latins. A contrario, il existe dans ce monde un pays chrétien, membre de la communauté européenne dont l’une de ses deux langues officielles n’est autre que l’arabe algérien mais transcrit en caractères latins. C’est ce que nous verrons dans la prochaine partie de la présente contribution. (A suivre)

Racid At Ali uQasi,

Ottawa, 28 septembre 2016

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Commentaires (15) | Réagir ?

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moh arwal

Faisons honneur à da L'mouloud n'ath Maamar, tous unis,

pour porter à terme son combat, passerdu rêve à la réalité.

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moh arwal

D'aucuns disent " le jour où nous aurons notre propre Etat,, nous pourrons facilement revenir à l'alphabet tifinagh". Bien sure que quand on aura notre Etat on pourra faire ce que bon nous semble cela est évident, mais le problème est que si on n'arrive même pas à arracher le droit élémentaire d'écrire notre langue avec son propre alphabet, comment donc, pourrions nous arracher notre propre Etat. Pas de fuite en avant, il faut les attaquer "ici et maintenant. "

Pas, possible d' atendre. Avec ce pouvoir, Il faut battre le fer pendant qu' il est chaud. Profitons du moment qu 'il est en difficulté financière et qu'il est privé de l 'appui de son "monde dit arabe" qui est en chute libre, pour lui arracher le maximum.

D'autre part, sachant qu 'ils sont maladivement accros au trone, il vont céder pour essayer de passer le cap et traverser leur désert, car Ils ont une peur bleue que ça pête et savent que le problème idendtitaire peut mettre le feu aux poudres et risque de les emporter sinon ils. (le clan arabisant du pouvoir) n'auraient jamais officlialisé tamazight.

En avant toute pour les assomer. Kar amiss oumanzigh !!!

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