Italie: séisme d’Amatrice, entre solidarité, polémiques et bonnes affaires

Le séisme laissera de profondes traces dans l'environnement et la mémoire des Italiens.
Le séisme laissera de profondes traces dans l'environnement et la mémoire des Italiens.

Dans la nuit du mercredi 24 août dernier, le Centre de l’Italie a été de nouveau secoué par un séisme, avec épicentre dans la petite localité de Accumoli. Le pays sous choc découvre l’entité des pertes humaines et des dégâts matériels, énormes, bien que sous-estimés au début. En même temps des polémiques se déclenchent par peur de retomber dans les erreurs du passé.

De Turin : Karim Metref

Les catastrophes, nombreuses en Italie, entre inondations, glissements de terrains et séismes, sont une source de gains faramineux pour ce qui est devenu une vraie mafia de l'assistance et de la reconstruction.

Un désastre humain et matériel

Il était 3 h 36 le matin du 24 août dernier quand un séisme a fait trembler toute la zone centrale de la péninsule italienne. La secousse est partie d’un point situé à quelques 5000 mètres en dessous de la petite ville de Accumoli, Province de Rietti, Région du Lazio (dont le chef lieu est Rome).

La secousse d’une magnitude de 5.9 sur l'échelle de Richter a causé des dégâts matériels graves. Par contre le bilan des pertes humaines annoncé dans les premières heures était léger, une dizaine de victimes. Mais au fur et à mesure ce bilan a été revu à la hausse jusqu’à dépasser les 290 dans les dernières heures. Un vrai désastre pour un pays développé comme l’Italie, qui a les moyens financiers, techniques et technologiques de mettre en sécurité sa population et son fabuleux patrimoine culturel et architectural. Mais ce qui manque c’est la volonté politique. Et la cause profonde de ce laxisme c’est que les calamité naturelles, comme la guerre sont une occasion rêvée pour faire du business.

Une victime secourue.

Le pays sous choc se mobilise pour aider et porter assistance aux sinistrés du Lazio. Des équipes de secours arrivent de toutes les régions du pays et des milliers de volontaires se mobilisent. La protection civile appelle les citoyens à ne plus envoyer d'aides en espèces (nourriture, eau, couvertures, vêtements) les magasins de stockage utilisés sont pleins à déborder, il y a plus que le nécessaire. Mais au dessus de l'atmosphère de solidarité plane un sentiment diffus de suspicion. Et les débats qui animent les média de masse et les plateformes sociales sur le net tournent autour d’une question qui tourmente l’Italie depuis des années. Comment éloigner les “chacals”, la mafia de l’assistance et de la reconstruction qui depuis des décennie s’arrange a chaque catastrophe pour faire des affaires en or au détriment des population frappées?

Les désastres naturels, un business juteux

L’Italie est un pays qui a une haute densité démographique et un territoire sujet à différents types de catastrophes naturelles. Sa position sur une importante faille souterraine et ses volcans en activité entraînent une forte instabilité sismique, Sa topographie accidentée entraîne par contre de nombreux risques hydro-géologiques: avalanches, glissements de terrain et inondations.

Comme le malheur des uns a toujours fait le bonheur de quelqu’un d’autre, autour des calamités naturelles en Italie s’est développé tout un business de l’assistance et de la reconstruction, qui a pris des dimensions telles dans les dernières décennies qu’on parle de véritable mafia des catastrophes naturelles. Il s’agit d’une faune de grands et moyens entrepreneurs du secteur du bâtiment et travaux publics (BTP), de la logistique et de la fournitures en tout genre. Une faune liée à la politique par des liens faits de subventions plus ou moins légales, de dessous de table, de petits cadeaux, de relations amicales ou familiales. Une faune qui a aidé bonne partie des politiciens à accéder à leurs postes et qui demande qu’on lui renvoie l'ascenseur.

L’Etat débloque toujours des sommes importantes pour affronter les effets des calamités, les citoyens privés aussi contribuent largement à travers des donnation et des legs. Même les états étrangers envoient toutes sortes d’aides financières et matérielles. Un vrai trésor qui s’accumule en très peu de temps et qui est dépensé sans devoir respecter les critères et les procédures normales de transparence et de libre concurrence, vu le caractère urgent des interventions. c’est le contexte idéal pour toute sorte de magouilles.

Le triste exemple de l''Aquila 2009

Quand la ville de l’Aquila (toujours au Centre de l’Italie) a été réduite en ruines en 2009 par un autre séisme, la police financière qui avait mis sous écoute Francesco Piscicelli, un important entrepreneur dans le domaine du BTP, a recueilli une conversation effroyable. C’est la nuit. Le téléphone de l’entrepreneur sonne. Il répond. Quelqu’un à l’autre bout du fil lui annonce la catastrophe: la ville de l’Aquila venait peine d'être détruite par une violente secousse. L’homme d’affaire n’est ni surpris ni choqué. Au contraire, il éclate en un sonore rire de triomphe. Bonjour les milliards!

En effet le désastre de l’aquila fut pour les entrepreneurs proches du clan Berlusconi une vraie mine d’or. Au lieu de travailler à la remise en état de la petite ville de l’Aquila, dont le centre historique est un véritable joyau de l’architecture médiévale, et donc favoriser les petites entreprises artisanales, les travaux de précision et de restauration artistique, dans lesquels l’Italie est pourtant à l’avant garde, l’état, mené à l’époque par l’un des chefs de file des “chacals”, a préféré reconstruire en dehors de la ville, sur des terrains agricoles, favorisant les entreprises du terrassement, du béton armé et du préfabriqué. Aujourd’hui le centre ville de l’Aquila est encore dans un état lamentable, témoin silencieux de sa dévastation, alors que ses citadins sont éparpillés de par les campagnes dans des habitations préfabriquées qui tombent déjà en ruine.

Entre émotivité et amnésies

Ces jours-ci, pendant qu’ils sont mobilisés pour soutenir et aider les sinistrés, les citoyens italiens repensent aux désastres naturels du passés et aux désastres gestionnels qui les ont suivi. Amatrice, la ville la plus touchée par ce dernier séisme, qui elle aussi était un petit bijou architectural, classé parmi les plus beaux bourgs de l’Italie profonde, aura-t-elle le même sort que l’Aquila? Les chacals vont ils la finir après que la nature s’est acharnée sur elle? telles sont les question que pose l’opinion publique italienne, qui animent les débats sur les moyens d’information et les réseaux sociaux.

Mais l’Italien (comme l’Algérien) est un être qui est trop dans l’émotionnel et très peu dans le rationnel, qui râle beaucoup sur le moment mais qui oublie vite et qui agit rarement de manière pragmatique et constante pour résoudre les problèmes dont il se plaint. Dans quelques jours tous les morts seront enterrés, les blessés pris en charge et les familles placées dans des structures d’accueil plu ou moins stables. Les opérations de secours cesseront et les médias commenceront à parler d’autre chose. Peut être de l’énième débarquement de désespéré à Lampedusa ou du dernier fou qui décidera de faire un carnage au nom de Daesh ou de quelque autre idée de fou. Et alors, c’est à la faveur du silence radio et de l’oubli que les “chacals” commenceront à sortir des bois autour des localités détruites et à encercler leurs prochaines proies.

K. M.

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Commentaires (1) | Réagir ?

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moh arwal

En voila un qui voit vraiment bien, midi à sa porte.

Les choses vont bien qu'il dit. Mais pour qui ? Pour lui biensure.

Celà fait dejà 6 ans qu' il a le cul collé sur le fauteuil de premier ministre et il n'a nullement pas l'intention de le ceder à qui est plus compétent que lui.