Alger-Sila 2008 et nouveau régime totalitaire en marche : "Ils brûlent tout, ils interdisent tout ! "

Alger-Sila 2008 et nouveau régime totalitaire en marche : "Ils brûlent tout, ils interdisent tout ! "

Lorsque le dictateur espagnol Franco a ordonné de brûler les ouvrages “rouges” (communistes), ses milices n’ont pas épargné Le rouge et le noir de Stendhal » raconte avec malice le sociologue Mustapha Madi, directeur de collection chez Casbah éditions, rencontré au Salon international du livre d’Alger aux Pins maritimes.
Faut-il y voir un parallèle avec ce qui se passe cette semaine au SILA ? Le flegmatique responsable du ministère de la Culture, qui explique les mécanismes de la censure, ne ressemble en rien à un cerbère du Caudillo. Les agents du ministère des Affaires religieuses qui s’évertuent à « éventrer » les cartons de livres, pour reprendre l’expression de l’un d’eux, non plus, n’ont rien de commun avec les miliciens franquistes. Et pourtant, la censure est du même ordre. Plus de 120 titres ont déjà été interdits par les autorités du salon avant même qu’il ne commence.

Et ce n’est pas fini : « Des agents rodent encore pour inspecter les stands » indique l’écrivain et éditeur, Bachir Mefti. « Cette année, la censure est allée trop loin : ils ont même interdit des livres d’auteurs officiellement invités par le comité d’organisation » s’insurge un éditeur algérien. Des exemples ? L’islamologue tunisien Youssef Seddik, l’écrivain algérien Mohamed Kacimi et l’essayiste sud-africain Mandla Langa. « Vous-êtes les bienvenus, mais pas vos livres », commente amèrement Sofiane Hadjadj des éditions Barzakh. Autre auteur algérien touché de plein fouet par la censure, Boualem Sansal et son dernier roman Le village de l’Allemand (Gallimard).

Mais comment fonctionne cette censure ? « Nous exprimons d’abords des réserves qui n’ont touché que 1% des titres », explique une source du ministère de la Culture qui a requis l’anonymat « pour des raisons de sécurité ». « Une commission d’agents du ministère de la Culture et de celui des Affaires religieuses étudie les listes envoyées par les éditeurs — au début de l’été dernier — ensuite, si l’éditeur ne se manifeste pas, on n’octroie pas d’autorisation », continue-t-il, imperturbable. « Ils regardent les titres et dès qu’il y a le mot “djihad”, “sexe”, “paradis”, “judaïsme”, etc. c’est interdit. Sans réfléchir », témoigne un éditeur.

C’est ainsi que l’ouvrage L’esprit des lumières du penseur Tzvetan Todorov est passé à la trappe : « parce que la traduction arabe “rouh” (esprit) a été assimilée à un vocable religieux », dit Bachir Mefti. « Devant le flux d’ouvrages, les autorités s’attaquent à la forme en limitant arbitrairement les titres. C’est le lecteur qui est aussi pénalisé. Des gens viennent de plusieurs wilayas pour profiter des baisses de prix et là, ils trouvent des catalogues amputés », indique l’éditeur et écrivain Lazhari Labter. Isabelle et Fabienne, de l’association Editeurs sans frontières — représentant une vingtaines d’éditions du sud de la France — sont abattues.

« Ils nous interdisent une trentaine de livres, soit un cinquième de nos titres », disent-elles, dont Qui sont les barbares de Youssef Seddik, Ma mère, l’Algérie de Jean Pélégri, des ouvrages de sociologie de la série Enquêtes, Alger la Noire de Maurice Attia, certains titres des ouvrages sur les villes algériennes de la collection Grandini et, comble de l’ironie : 10 balades à Alger et Alger, un passage dans la lumière des éditions Bec en l’air. Sauf que ces deux titres sont également co-édités avec Barzakh en Algérie ! Autant que Tuez-les tous de l’algérien Salim Bachi -—paru chez Gallimard — lui aussi interdit mais déjà traduit et publié en Algérie.

« C’est une bureaucratie incroyable », renchérit Ismael de la maison d’édition libanaise Dar Alarabiya Lilmaousouat. Une bonne partie de ses encyclopédies pour enfants sont toujours bloquées par les douanes. « Pire, j’ai des livres qui sont bloqués depuis l’édition précédente du Salon », s’emporte-t-il. Coincé dans une aile du Pavillon central de la Safex, l’éditeur libanais de référence Dar Al Saqi — leur catalogue comprend le grand poète Abbas Beydoun, Mohamed Arkoun, Samir Amine, Adonis — parle d’une dizaine de livre saisis.

Parmis ces titres : le roman inspiré de l’affaire Khalifa Ibratouriyet arrimal de Salah Chekirou, journaliste algérien et ancien cadre de l’ANEP et qui était membre du comité d’organisation. Las de faire l’aller-venue entre les stands et les organisateurs, Isabelle et Fabienne des Editeurs sans frontières envisagent de ne plus revenir au SILA après cinq ans de participation. « Ce serait une perte importante pour nous, regrette Fabienne, c’est enrichissant de rencontrer un public aussi connaisseur et de qualité. Dommage. »

Par Adlène Meddi (EW)

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Commentaires (9) | Réagir ?

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anonyme

à jila. je pense que aqvayli a toute la liberté de pensée sur tout et rien en même temps. c'est sa propre conception et philosophie. il a le droit de ne pas y croire à rien ou même d'inventer son propre dieu. je ne sais pas pour nous les êtres on se met à la place d'un juge. c'est toi l'ingrat dans l'histoire parce que tu veux faire la justice et substituer à dieu.

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sayfi

Ce n’est pas une question d’athéisme JILA mais c’est vrai partout ou la religion fut utilisé comme outil pour gouverner. Le résultat fut catastrophique. Les occidentaux nous dépassent de bcp car après les terreurs commises par l’église de l’époque ils ont vite tout séparé tout on respectant leur religion mais nous je crois qu’on a payé et on payera tant que les mentalités ne changent pas. Marx avait raison : la religion est l’opium du peuple

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