L’Etat ce n’est pas la répression judiciaire ni policière

Après l'achat de la paix sociale avec la rente pétrolière, le pouvoir passe à la méthode forte.
Après l'achat de la paix sociale avec la rente pétrolière, le pouvoir passe à la méthode forte.

Le divorce est consommé depuis belle lurette entre la population et un pouvoir qui ne veut ni entendre ni voir la triste réalité dans laquelle est encalminée l’Algérie. Ecrans de fumée et discours ronflants n'y pourront rien à cette cassure qui prend forme inévitablement.

Annaba était durant le week-end à feu et à sang. Une opération contre les vendeurs à la sauvette s’est transformée en une violente bataille de rues avec mise à sac de magasins, de banques et d’administration Des bandes de jeunes ont opéré toute la nuit pillant, cassant sans que les forces de l’ordre n’aient pu leur faire face. A Aïn Arnat dans la wilaya de Sétif des rues ont été occupées samedi par des manifestants, il y a quelques semaines c’est Constantine qui s’est soulevée. En Kabylie, un rassemblement pacifique à Iferhounène a été violemment réprimé par la police.

L’Algérie est sur une pente dangereuse. La société bout. Et les indices de cette lame de fond qui travaille la société algérienne sont de plus en plus manifestes. Au grand désespoir des tenants de la décision ce ne sont pas les discours rassurants, patriotards sentant la naphtaline qui pourront donner quelque assurance à une jeunesse qui ne se reconnaît plus dans la nomenklatura qui dirige à tâtons les affaires du pays. Pire encore, l’absence du chef de l’Etat rend le gouvernement et ses relais très nerveux et enclins à la manière forte.

La rente pétrolière en passe de se raréfier, le gouvernement et son donneur d'ordre, le clan présidentiel, choisissent la méthode policière avec son pendant judiciaire pour réprimer l'opposition.

Pourtant l’Etat ce n’est pas la répression et l’intervention tous azimuts des forces de l’ordre mais c’est synonyme d’une présence efficace des services publics, une justice impartiale et des collectivités locales et gouvernement soucieux de la gouvernance des affaires du pays. Et à quoi assiste-t-on en Algérie ? Une gouvernance clientéliste, une réalité qui trahit lamentablement les discours des officiels et une absence dangereuse de liant solide entre la société et les autorités.

Une justice sur commande

L’instrumentalisation de la justice est devenue la règle. Au mépris des juges et des avocats qui essayent de faire leur travail, le clan au pouvoir a vidé les instruments judiciaires et neutralisé les compétences pour faire de cette institution un bras répressif. Les exemples de manipulations sont légion. Ceux de corrompus protégés voire promus aux postes les plus sensibles ne manquent pas non plus.

Guérilla contre la presse

Le précédent du rachat du groupe El Khabar par Ness Prod et l’autre affaire pendante de KBC sont les dernières illustrations d’un pouvoir qui oublie ses promesses de justice et de liberté d’expression. Dans ces affaires comme dans bien d’autres (qui se souvient de la justice de la nuit au FLN ou de l’affaire Khalifa ?), il n’échappe à personne que les responsables aux affaires ont décidé de mener une guérilla contre ces deux journaux et par ricochet la liberté de la presse. Dans la foulée, un homme d’affaires, premier exportateur hors Sonatrach est la cible de ces attaques : Issad Rebrab.

La dictature par paliers

Ceux qui tiennent la décision ont procédé par pallier pour neutraliser les oppositions et les voix libres. Caporalisation totale des médias publics et parapublics avec un soutien actif et intéressé des chaines de télévision et journaux connus pour leur proximité du pouvoir puis étouffement des journaux dit indépendants avec la multiplication des entraves comme la suppression de la pub, intimidation et arrestations. Sinon comment expliquer cette espèce de chasse aux sorcières lancée ces derniers jours contre au moins deux quotidiens ? Que ceux qui s'étonne se réveillent ! En réalité, sur ce plan, il n’y a rien de nouveau, les tenants de la décision sont dans leurs pratiques habituelles puisque des quotidiens comme Le Matin, Djazaïr News ou Monjournal ont payé d’une interdiction pure et simple leur indépendance vis-à-vis du pouvoir.

Au sein de la société, le mouvement citoyen en Kabylie a été en 2001/2003 l’un des premiers à avoir connu une féroce répression avec un bilan de 129 jeunes morts et des centaines d’autres blessés par les services de sécurité. L’épisode a laissé une fracture profonde et une méfiance désormais irréfragable de la part de la société civile envers tous les représentants de l’Etat central.

La violence meurtrière qu’a connu la vallée du M’zab et son traitement exclusivement policier avec l’emprisonnement d’une trentaine de militants mozabites est symptomatique d’un pouvoir en manque d’imagination et de dialogue social.

Plus récemment encore, le mouvement des chômeurs du sud et la réponse également répressive apportée aux revendications de ces jeunes chômeurs est l’autre illustration de cette panne intrinsèque au pouvoir.

Aussi, au regard de ce qui précède, il est une certitude : l’Etat civil tant promis par les Sellal, Saadani et tous les saltimbanques n’est pas pour aujourd’hui.

Yacine K.

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Commentaires (3) | Réagir ?

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mhand said

on dirait que ces gens poussent a l embrasement, au chaos. car ces agissements de ces nervis du pouvoir actuels, n augurent de rien de bon. cela m étonne qu ils cherchent a construire, a apaiser, a bien faire, a unir le peuple.

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khelaf hellal

L'Etat est en train de ruer dans les brancards, il refuse de faire face à la crise économique et sociale qui le prend au dépourvu, qui le dépasse et le met à nu chaque jour qui passe, une crise qu'il a engendré lui-même de par ses fuites en avant, son ivresse du pouvoir et ses égarements politiques. le temps des fanfaronnades et de la frime dans les salons feutrés de l'occident est révolu, l'heure est désormais à la reddition de comptes et au passage aux aveux d’échec et de faillite. Mettre des bâtons dans les roues à l'émancipation et à la liberté de la presse, stopper des émissions satiriques de télévision privées en plein tournage, harceler des animateurs de chaine et un responsable de a culture ne sont que des opérations d'intimidation et de diversion pour nous cacher toute la profondeur de la Bérézina à laquelle il nous a mené. De situation difficile Le P. M. Abdelmalek Sellal est passé à situation très difficile pour ensuite avouer que la situation est très, très difficile. C'est le plongeon dans l'inconnu que l'Etat veut opérer à huis-clos sans témoins, sans la presse et les médias libres, sans les journalistes et les hommes de culture.

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