Fermez la Bibliothèque nationale !

Fermez la Bibliothèque nationale !

Par Abdelkrim Ghezali

Adonis n’est qu’un homme, mais c’est néanmoins un penseur libre qui exprime un point de vue dans un espace censé être réservé à la pensée, à l’intelligence, au débat et à la confrontation d’idées. L’inquisition a eu raison d’Amine Zaoui qui a eu le tort de sacraliser la liberté de dire, de réfléchir, de penser et de s’exprimer. L’inquisition a eu raison d’Adonis qui a cru qu’il pouvait penser librement en Algérie au moment où le pays est en train de vaincre ceux qui ont fait taire Djaout, Liebes, Boukhobza, Hasni, Alloula et tant d’autres hommes et femmes qui ont résisté par la parole, l’art et la plume à l’ordre inquisiteur rampant et qui semble connaître un retour en force. Zaoui est limogé à la veille du Salon du livre, à la veille d’une manifestation devant symboliser l’intelligence, la connaissance, le savoir et non le charlatanisme, la pensée unique, la pensée fossilisée et la médiocrité. Quand une nation se sent menacée par une pensée, elle prête le flanc à toutes les dérives et se prépare à se renfermer sur elle-même. Est-ce le cas de l’Algérie du troisième millénaire ? La diatribe menée contre Adonis rappelle celle menée par El Ghazali contre Kateb Yacine au lendemain de son décès en octobre-novembre 1989 quand la Télévision algérienne a permis à un homme de s’attaquer à un monument de la littérature algérienne, à un symbole de la résistance au colonialisme, à un défenseur de l’identité nationale et des masses laborieuses contre le capitalisme qui fait aujourd’hui encore des victimes à travers le monde. En 1989, l’Etat a cédé au conservatisme, à l’archaïsme et à l’obscurantisme qui ont provoqué une tragédie nationale et ouvert la voie à toutes les dérives, aux mercenaires de tous bords pour piller les richesses, le patrimoine et porter atteinte à la dignité de l’Algérien.

En 2008, l’Etat est en train de céder aux pressions du même courant qui veut faire taire toutes les voix libres, tous les débats qu’impose la conjoncture nationale et internationale pour que ledit courant soit l’unique voix qui berne le peuple et qui sclérose l’intelligence et le génie. Ibn Rochd sera encore tué une seconde fois par la bêtise humaine et par ceux qui refusent toute idée contradictoire et tout discours qui soulève des questions taboues. Le terrorisme intellectuel est plus assassin que le terrorisme armé car, quand on assassine les idées, on bloque toutes les perspectives d’émancipation sociale.

Le pire des sous-développements est celui des idées et non celui de l’économie car ce sont les idées qui définissent les idéaux, éclairent les lendemains sombres et déchirent le voile qui couvre les perspectives et les horizons prometteurs. Amine Zaoui a quitté les halls de la Bibliothèque nationale. Faut-il fermer la Bibliothèque nationale pour qu’il n’y ait plus de voix d’Adonis qui tonne dans ses salles et remplisse ses espaces de liberté ?
Ou faut-il interdire toute expression libre au sein de cette institution où se bousculent des voix imprimées dans des millions d’ouvrages à la gloire de la pensée, de la liberté et du débat d’idées ?

A. G. (Tribune)

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Commentaires (8) | Réagir ?

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elmenfi

Et si le "limogeage" de Amin Zaoui n'était qu'une tempête dans un verre d'eau? Malgré toute la considération que je peux avoir pour l’écrivain talentueux qu'il est, malgré l'attitude arrogante d'une Ministre de la culture capricieuse, malgré le tollé soulevé par une éviction -sanction, et quelles que soient les raisons de la décision de relever le DG de la Bibliothéque Nationale, je suis étonné de la direction et de la dimension prise par ce qui, en fait constitue un Non Evenement.

Il n'est pas question pour moi d'ergoter sur le "bien fondé" des pratiques arbitraires bien connues des "princes" qui nous gouvernent, mais il me parait indécent de me rallier à un combat qui ne concerne que des protagonistes qui tentent de régler des comptes personnels en nous utilisant comme des alibis corvéables.

Amin Zaoui savait pertinemment qu'il était sur un siège éjectable et ce dès son installation.

Qu'il ait commis un ou des faux pas, cela devait bien arriver un jour, qu'il n'ait commis aucune erreur, ne change rien au problème.

Ce qui intrigue par contre c'est cette levée de bouclier d'individus de grande qualité qui se sentent obligés d'apporter leur soutien à une cause dépassée.

Amin Zaoui interpelle les intellectuels et s'adresse au Président de la République. Pourquoi ? Pour montrer à qui veut l'entendre qu'il est victime "d'une infâme machination?".

Peut etre! Et alors? Est-il le seul' N'est ce pas ainsi que nos chers gouvernants ont toujours procédé?

Amin Zaoui, comme bien d'autres, et cela se comprend fort bien, se sent blessé dans son amour propre et tente avec l'énergie d'un pathétique désespoir, de rallier à son panache une Société Civile dont les regards se sont depuis longtemps détournés vers des horizons plus cléments.

La Ministre Toumi, Amin Zaoui, le général Massu, les Juifs et les islamistes, les nazis et les anti sémites, et Mohamed Benchicou ont tous été happés par un gigantesque tourbillon qui nous éloigne, nous les Algériens, des véritables enjeux en nous laissent dériver dans un mouvement collectif inconscient.

Qu’Amin Zaoui me pardonne. S' il a su marquer son passage à la BN et doit être félicité pour cela, sa place est aujourd'hui ailleurs. Qu'il continue à tremper sa plume dans l'encre de notre réalité en disant ce qui trouble tant l'Algérie, les Algériens, les Algériennes, en dénonçant les tabous, en révélant des vérités refoulées, enfouies, presque honteuses.

Cela, il est capable de le faire et lui vaudra tous les honneurs qu'il mérite.

Il n'a que faire des ors factices d'une République qui n'ose pas reconnaitre ses enfants.

elMenfi

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skhilos

ce qui ont critiquer adonis je parle des gardiens de temples auraient au moin lever leurs petit doigt accusateur d'un pouvoir qui a jeter les jeunes soit a la mere soit au suicide soit aux ordures de mouradia et clubs des pins monsieur chibane vous ete des mauvais exemples pour le peuple car vous ne prenez pas le risque que prenent les laics et les communistes, si vous voulez messieur precheurs hypocrites retrouver la confiance perdu descendz a la rue et criez liberté si vous pouvez bien sur

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