Dieu, le vin et les rivières de… femmes !

Dieu, le vin et les rivières de… femmes !

C’est un des paradoxes de notre islam : Nous suivons ce que le Coran nous interdit et nous interdisons ce que le Coran nous invite à consommer ! Nous avons montré dans notre dernier article "Le Dieu vivant s’est éclipsé pour nous rendre libres !", combien nous avons déformé la religion du Prophète, une religion vivante fondée sur l’exercice du pouvoir direct par Dieu. Après la mort du Prophète, nous avons créé une nouvelle religion, en lui forgeant une chari’a que nous avons inventée de toutes pièces et en l’imputant à Dieu et à son Prophète. Une des lois que nous avons fabriquées, c’est l’interdit du vin. Nous allons montrer combien cet interdit est injustifié, et même contraire à la théologie du Dieu vivant.

Par Mondher Sfar

La preuve la plus manifeste de cette contre-vérité nous est fournie par le Coran lui-même qui fait du vin un signe divin (âyat) que Dieu en personne a offert aux hommes : "Des fruits des palmiers et des vignes vous faites des boissons enivrantes (sakaran) et une bonne source de revenus (rizq). En cela il y a certes un signe (âyat) pour un peuple qui raisonne !" (16,67)

Quel bel hommage pour les boissons enivrantes en général, et pour le vin en particulier ! Ce bienfait, Dieu l’a élevé au rang d’un signe divin, en utilisant le même terme arabe âyatqui désigne les paroles du Coran lui-même ! Le vin est hissé par Dieu au rang du Coran, au rang de Ses paroles, symbolisant Sa grâce.

Et l’islam pratiqué de nos jours se refuse en quelque sorte de boire les paroles divines en refusant de boire le vin. L’Islam rejette la grâce divine et un de ses importants signes ! Il le rejette et le déclare impur et déclare impur celui qui boit la grâce divine ! Quelle impiété (kufr) ! Quelle inconséquence !

Comment en est-on arrivé à ce paradoxe ? En créant une chari’a artificielle en rupture avec le Dieu vivant et avec sa parole. On a cherché dans le Coran des passages pour justifier l’interdit en détournant leur sens évident : "Ô vous qui croyez ! le vin (khamr), le jeu de hasard (maysir), les stèles (‘ansâb), les flèches divinatoires (‘azlâm), [ne sont que] souillure (rijs) [faisant partie] de l’œuvre du Démon. Alors, évitez-les, peut-être serez-vous heureux. Car, dans le vin et le jeu de maysir, le Démon veut seulement susciter entre vous l’hostilité et la haine, et veut vous détourner de l’invocation d’Allah et de la prière. Cesserez-vous [de vous y adonner] ?" (5,90-91)

Si le vin est un signe divin, cela n’autorise cependant pas l’abus. En demandant aux Croyants d’éviter le vin, cette injonction est loin de vouloir faire du vin une impureté, mais seulement cette impureté advient en cas d’abus du vin, en cas d’ivresse qui fait détourner le Croyant de l’invocation de Dieu et de pratiquer la prière. C’est l’ivresse qui est la manifestation du Diable à l’instar de sa manifestation dans le jeu du hasard (maysir) des flèches divinatoires, qui constituent des menaces à l’ordre public.

La chari’a a détourné le sens de cette attitude vigilante vis-à-vis du vin, en la dirigeant contre le vin et non contre son usage abusif qui est, lui seul, la manifestation du diable. Ce qui est confirmé dans cet autre verset : "Ô vous qui croyez ! N’approchez pas la prière en état d’ivresse (sukâra) afin que vous puissiez savoir ce que vous dites." (4,43) La tradition nous précise même que cette mise au point a été formulée après qu’Ali, le cousin et gendre Muhammad, ait fait la prière en état d’ébriété et changé les termes d’un verset (Cf. mon livre L’autre Coran, paru cette année, § 148). Appeler les Croyants à ne point pratiquer la prière en état d’ébriété, ce n’est tout de même pas une interdiction de boire du vin, nous en sommes loin ! C’est pourquoi le vin a posé un gros problème pour la jeune communauté naissante : comment concilier sa consommation avec le respect du culte de Dieu pendant la prière.

C’est la question posée au Prophète : "On t’interroge [toi Muhammad] sur le vin et le jeu de hasard. Réponds : ‘Il y a en eux pour les gens un grand péché (ithm) et des bienfaits. Mais leur péché est plus grand que leurs bienfaits’." (2,219) Nous voyons pourquoi le vin et le jeu du hasard constituent un grand péché : par le risque qu’ils représentent pour l’ordre public, et pour le vin, le risque de commettre un péché en faisant la prière. Et les bienfaits du vin ne sont nullement révoqués : ils sont même rappelés !

Le poète Hassân ibn Thâbit, un des compagnons les plus intimes du Prophète, expliqua dans un de ses poèmes la doctrine du Messager de Dieu : "Quant au vin, n'en sois pas un forcené. N'en goûtes que ce qui est habituel [d'en goûter] /Ainsi tu auras la tête saine et sans maux. (…) Bois le vin ce qu'il t'en est donné de boire / et sache que toute bonne chose est vaine !" Ici, ce poète reflète parfaitement la doctrine musulmane telle qu’elle a été enseignée par Muhammad.

‘Bois le vin ce qu’il t’en est donné de boire !’ et n’en abuse point, pourrions-nous ajouter. Où est l’exécration que la chari’a a fini par entourer un des signes et une des grâces des plus emblématiques offertes par Dieu aux Croyants les plus pieux : leur faire goûter aux délices d’une boisson enivrante, ici-bas en attendant pour les plus pieux de la goûter au Paradis, où elle leur est servie non pas par tonneaux, mais par des rivières entières !

Quelle impiété (kufr) en effet notre chari’a commet-elle en nous faisant douter de la pureté religieuse du vin, alors même que ce vin est servi sans retenue dans le lieux le plus pur qui puisse exister : au Paradis, le lieu de séjour du Dieu, qui incite ses élus à faire compétition dans l’ivresse : les élus, nous dit le Coran, "se mettent en compétition pour [boire] des coupes [dans le Paradis] où il n’existe ni bavardage ni agression (ta’thîm)." (52,23). L’abus du vin au Paradis ne peut avoir les effets négatifs qu’il peut avoir ici-bas ! Car c’est un vin excellent, servi par "ruisseaux (nahr), volupté pour les buveurs» (47,15) et où le Seigneur des Croyants "les abreuve d’une boisson très pure» (76,21), d’un "vin rare et cacheté - son cachet est de musc - : que les amateurs se le disputent ! Un vin mêlé d’eau du Tasnîm, - source à laquelle boivent les Proches [d’Allah]." (83,25-28) Et "on leur fera circuler des coupes d’un [vin] limpide, clair, volupté pour les buveurs, ne provoquant pas de maux de tête, inépuisable» (37,45-47).

Si le vin était une impureté comme la chari’a le prétend et comme elle nous l’enseigne, comment explique-t-elle que Dieu se permette de l’introduire dans le lieu le plus saint qui soit, et incite les plus pieux des Croyants à le consommer sans modération ?

Il y a plus. Quand le Coran énumère les interdits alimentaires, il n’a jamais cité le vin dans ces énumérations, comme dans La Vache, versets 172-173, qui est une des dernières sourates révélées. Plus important encore, dans le verset 3 de la Sourate La Table où Dieu annonce solennellement la clôture de la législation (inni atmamtu ‘alaykum ni’matî wa radhaytu lakum al-islâma dînan), aucune mention du vin n’y est faite dans sa liste des interdits alimentaires !

Et comme pour mieux insister sur la légitimité du vin, Dieu dit dans le verset 5 de la même Sourate : "Aujourd’hui, les bonnes choses vous ont été rendues licites. Et les aliments des Gens du Livre vous ont été déclarés licites, et vos aliments sont déclarés licites pour eux." (5,5) Quelle preuve plus éclatante pour la légitimité du vin que de déclarer que ce que les Juifs et les Chrétiens consomment est licite pour les Croyants ! Or la boisson la plus solennelle et la plus révérée consommée par les Gens du Livre, c’est le vin ! On voit jusqu’où la chari’a, attribuée faussement à Dieu, nous trompe sur la volonté de Dieu, et contre toute évidence !

Et Dieu n’a pas hésité à manifester sa colère contre ces forgeurs de faux interdits alimentaires : "Et ne dites pas à propos de ce que vos bouches profèrent mensongèrement : ‘Ceci est licite et ceci est interdit’, dans le but de forger le mensonge contre Allah. Ceux qui forgent du mensonge sur Dieu, ne réussiront pas. Un moment de répit leur est laissé, et ils auront un tourment cruel." (16,115-117)

Les Compagnons du Prophète n’avaient pas écouté ces menteurs qui propagent des faux interdits, et la Tradition elle-même, malgré ses manipulations des sources, nous laisse voir clairement qu’ils aimaient bien jouir des bienfaits du vin. Le futur Calife Ali, on l’a vu, en était amateur. Hassân, le poète et ami intime du Prophète l’a chanté. Et si Dieu a consacré des rivières de vin aux Elus, en promettant de le leur servir lui-même, c’est dire combien le vin était apprécié avant que la chari’a ne se manifeste pour nous en dégoûter, sans crainte de commettre là une impiété condamnée sévèrement par Dieu. La chari’a a réussi à avilir à nos yeux le vin, sans craindre de tomber dans le kufr, le mépris des bienfaits divins.

La chari’a a même réussi cet exploit incroyable de nous faire dégoûter même le vin promis au Paradis : aucun musulman pieux ne rêve de boire du vin au Paradis ! Seule la femme a échappé miraculeusement aux foudres de la chari’a : elle reste à consommer sans modération, ici-bas comme dans l’au-delà. Il n’y a plus de rivières de vin ! Il nous reste fort heureusement des rivières de femmes…

M. F.

Mondher Sfar est un théologien tunisien

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Commentaires (30) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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khelaf hellal

Quand à la femme, elle est la deuxième moitié de l'homme pour faire un tout équilibré. Une deuxième moitié qui quand elle vient à manquer , elle fait de lui un handicapé de l'affection, un obssédé et un névrosé qui ne se reconnait pas ou un fanatique qui cherche son autre moitié qu'il a cristallisée pour en faire son graal et sa récompense eternelle. Des riviéres de femmes ce n'est pas ce qui manque dans ce monde réel dans lequel nous vivons ce n'est pas la peine de faire la guerre à l'humanité pour y parvenir. il ne faut pas non plus consacrer la quantité au détriment de la qualité.

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