Le 3 Mai et la liberté de la presse en Algérie

Les journalistes algériens ont payé un lourd tribut durant le terrorisme
Les journalistes algériens ont payé un lourd tribut durant le terrorisme

La dette du lourd tribut des journalistes assassinés

Mourir pour avoir écrit des dires n’était certainement pas le projet des chevaliers de la plume de la taille de Tahar Djaout, Youcef Sebti, Zineddine Aliou Salah du quotidien Liberté, Mohamed Dorbane, Allaoua Aït Mebarek et autres martyrs de la presse algérienne. Cette presse qui fête ce 3 mai le bonheur de respirer le vent de la liberté n'en a pas fini avec la lutte. Cependant marquer ce jour, aujourd’hui revêt autant de sens que durant les années de terreur, quand prendre son appareil photo, son calepin et son stylo pour témoigner signifiait résister à la terreur et risquer sa vie.

Le 3 Mai, la Journée de la Liberté de la presse. Écrite en lettre d’or sous d’autres cieux…, c'est aussi l’heure du bilan annuel des atteintes contre les hommes et femmes de plume qui se battent pour faire éclater la vérité de nos maux sociaux et déviances humaines, de par le monde et particulièrement en Algérie. Depuis l’ouverture du champ médiatique, beaucoup d’épis furent fauchés durant la tragédie rouge, et la moisson de la mort fut des plus ravageuses sur la terre libre de notre pays pour voir renaître demain, une presse indépendante, fière de sa mission mais consciente de sa responsabilité morale envers son lectorat et la société dans son ensemble. Alors quand les lignes se transforment en barreaux privant de liberté des journalistes, l'heure est venue de se poser des questions d’une importance capitale pour le devenir du projet de développement humain commun dans notre pays, car si la loi du temps de Mouloud Hamrouche, peut être considérée comme une grande avancée dans la législation nationale, puisqu’elle a ouvert le champ médiatique et a permis l’émergence de plumes foisonnantes de talents, elle doit impérativement être soutenue à chaque instant. Plus connue comme loi de l’information, elle a fait son chemin en Algérie au milieu de tant d'embuches et d'interdits les plus sournois pour consacrer "l’indépendance de la presse", condition sine qua non pour offrir une opinion objective aux lecteurs loin des pressions partisanes ou du chantage de la publicité. Comme les autres titres, Liberté a payé un lourd tribut pour la liberté d'expression, dont quatre de collaborateurs furent assassinés par les groupes islamistes armés.

Ceci dit, il est maintenant légitime de se poser la question surtout pour la nouvelle génération de journalistes qui ne connurent pas les affres des années de plomb et de peur, sur quel héritage pourrait-elle bâtir un journalisme d’un nouveau genre, libéré des fantômes qui hantaient les esprits et serraient les poings des auteurs de tribunes enflammées contre la barbarie terroriste et comment s’acquitter de la lourde dette contractée par nos prédécesseurs pour, simplement, dire la réalité ; comme la célèbre citation de Saïd Mekbel, mort assassiné le 3 décembre 1994: "…La vérité est comme la justice, elle a besoin de témoins… même les tous petits témoins qui peuvent écrire des choses qui restent et qui durent." Le sacrifice pour un noble métier ne s’apprend pas à l’école du journalisme, ou sur le rebord de la table d'une cafétéria du coin, mais bien sur le terrain quotidien des reportages et enquêtes, parfois périlleuse au nom de l’éthique journalistique. Car, selon RSF (Reporters Sans Frontières), les journalistes jouent un rôle crucial d’information, d’observation et de témoignage dans les manifestations, événements par essence d’intérêt public. S’inscrivant dans la lignée de 2013, l’année aura été marquée par une intensification de la violence à l’encontre des acteurs de l’information couvrant ce type de rassemblements dans le monde. Sans doute après l’émergence du "Printemps arabe".

D’après la responsable de RSF de la région Afrique du Nord, plusieurs procès de journalistes ont eu lieu en 2015 en Algérie, le dernier en date est celui de Mohamed Chergui poursuivi pour blasphème et dont le procès était prévu pour le 11 avril 2016. Une autre affaire plus récente date est du 1er avril 2016 où des journalistes ont été agressés physiquement et verbalement lors du meeting d'un parti politique. De telles pratiques devraient bien évidemment être bannies de notre société.

L’écriture journalistique demeure cet exercice de recherche d’un perpétuel équilibre entre le rapport fidèle de faits constatés et le traitement des informations recueillies sur tel sujet dans divers domaines (actualité, locale, culture, international, etc.). Le tout est de savoir maîtriser ce savant mélange codifié du"charabia politique" afin de le traduire à la langue de Molière pour les lecteurs attentifs encore à l’écrit sur papier.

La bonne nouvelle est arrivée avant la célébration de la journée internationale de la liberté de le presse, concernant l’acquittement en appel du journaliste Mohamed Chergui, lors de l’audience de délibération dans l’affaire consignée contre le rédacteur en chef du quotidien Al Djomhouria, avait été condamné en première instance le 27 novembre dernier, à une peine de trois années de prison avec sursis et une amende de 200.000 dinars.

L’avenir de la presse algérienne

Les nouvelles dispositions de la Constitution interviennent à point nommé pour "le mis en caus"’ dans l’affaire de diffamation du prophète Mohammed (QSSSL), dans le cadre de l’aboutissement des projets de dépénalisation du délit de presse, pour trouver de nouvelles solutions pédagogiques au respect de la déontologie journalistique. Comme l’explique Boubakeur Hamidechi dans sa récente chronique, "3 mai : presse sur la défensive et affaire d’El Khabar"’, "le reproche courant qui est fait à la «prose imprimée» insiste en particulier sur la transgression de la déontologie qualifiée sans nuance de pire tare de la presse".

Selon l’ONU, le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse lors de son assemblée en 1993, suivant la recommandation adoptée lors de la vingt-sixième session de la Conférence générale de l’UNESCO en 1991. La date du 3 mai permet d’informer les citoyens sur les atteintes portées à la liberté de la presse. Dans des dizaines de pays à travers le monde, des publications sont censurées, condamnées, suspendues ou tout simplement n’ont plus le droit de paraître, alors que des journalistes, des rédacteurs en chef et des éditeurs sont harcelés, attaqués, détenus ou même tués. La Journée de la liberté de la presse permet de célébrer ses principes fondamentaux à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession. Et l’objectif de ce genre d’événement est entre autre, d’attirer l’attention sur la difficulté que représente l’exercice du métier de journalisme au quotidien et notamment l’accès à l’information libre qui reste à améliorer sensiblement sur le terrain au niveau régional et local.

À ce propos au niveau de la wilaya de Mostaganem, la fête de la presse est chaque année célébrée dans la joie, convivialité et rencontre de la "famille journalistique" qui demeure jusqu’à aujourd’hui désunie, victime de conflits "extraprofessionnels" dont le plagiat qui gangrène le journalisme local n’arrange en rien la situation, pratiqué par de pseudo-journalistes opportunistes et sans conscience.

Par ailleurs, le 3 Mai ne doit pas être résumé uniquement au festoiement culinaire de gâteaux et limonades dégustés lors des cérémonies officielles en présence des hautes autorités de la wilaya, mais plutôt à des débats entre journalistes sur l’état général de la presse et les discussions sur les préoccupations socioprofessionnelles des correspondants qui aspirent à un meilleur cadre de travail et le surpassement des difficultés auxquelles sont confrontés les correspondants et leur relation de travail vis-à-vis des patrons de presse. Un célèbre journaliste interrogé lors de la journée de célébration du 3 mai, l’an dernier déclara : "Il faudra certainement profiter de cette journée afin de méditer l’état réel de la presse dans notre région et réfléchir sur les moyens à mettre pour améliorer la qualité des informations fournies et leur traitement médiatique". Le grand défi qui se posera dans l’avenir pour le journalisme algérien est bien celui de garantir une assurance contre les poursuites judiciaires des correspondants, pièce maîtresse de tout journal national ou régional.

AS. Mohsen

(*) REBELOTE ARTS & LETTRES

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Commentaires (1) | Réagir ?

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samir boularbeh

les mains qui suent pour faire pousser la vérité, les pieds qui courent aprés la réalité des faits, pour couvrir le moindre évenement, qui sillonent touts les lieux pour glorifier touts les droits, qui pietinent la boue et la poussière pour tenir haut la liberté d'expression, qui marchent sous les chaleurs ardentes d'été, sous les froids sévères d'hiver, qui ne se rendent pas aux immenses obstacles, ceux qui ont fait de l'information une sacrée mission, invistigateurs du journalisme qui arrivent jusqu'aux bouts malgré tout, photographes qui mettent le citoyen au centre des evenements, ceux qui evitent la partialité, ceux qui sont collés à leurs bureaux pour battre les notices, ceux qui aboutissent à la vérité avec leurs analyses et leurs synthèses, ceux qui veillent la nuit pendant que les autres sont dans de profonds sommeils, ceux qui se sont sacrifiés et ceux qui se sacrifient encore, ceux qui s'absentent de leurs enfants, de leurs foyers, de leurs amis, ceux qui meurent pour dénoncer le moindre abus, martyrs de l'information lachement abattues qui pèsent sur la conscience de la magistrature.

A vous tous mes sincères félicitations pour ce grandiose jour.