La pensée binaire, les extrêmes et l’issue suprême

La première usurpation est d'appeler l'Afrique du Nord ou Tamazgha, le Maghreb.
La première usurpation est d'appeler l'Afrique du Nord ou Tamazgha, le Maghreb.

Lire son côté sensible, poétique et littéraire, ou les écrire, est une manière de les éduquer en soi et autour de soi.

Par Mohand-Lyazid Chibout (Iris)

Les erreurs font partie de la vie, les affronter rime avec vivre, et vivre avec marquer son temps. Tout s’enclenche de l’idée qu’on a de soi : comment on croit être, comment être et comment croire pour être ? Eviter de tomber dans le piège de la pensée binaire ou celui du délire manichéen en appliquant la théorie du "tout ou rien" des extrêmes peut aider sa personne à fuir son syndrome narcissique, ses contradictions et ses incertitudes. Mais quand il s’agit de son identité sociale et discursive, là on peut parrainer lesdits extrêmes : soit on existe, soit on n’existe pas, car jamais on n’existe quand sa personne est sous la férule d’autrui. La liberté doit rimer avec son existence, son existence avec son histoire, et son histoire avec son appartenance à une légitimité. C’est tout un travail intérieur et institutionnel qui devrait se faire, associant conscience, évolution, instruction et maturité pour que la refonte accède à son état compact. Prendre conscience de son existence rime avec la prise de conscience de son identité. L’identité hybride n’existe pas, l’identité ne se bifurque pas, elle est innée, elle est sociale. L’Amazighité n’est pas à nier, elle est là ancrée dans la réalité de toute l’Afrique du Nord et à toutes les échelles.

La terre des Imazighen (pluriel de Amazigh, qui signifie "homme libre") s’appelle Tamazgha, et nullement Maghreb ou autres appellations péjoratives clonées aux goûts de l’envahisseur arabe ou autres aliénés occidentaux soutenant ces régimes couleur de la mort, fantoches et fantômes, totalitaires et hypocrites, islamistes et terroristes, ou soi-disant modérés de l’Arabie. Catalysant des conflits mortifères en utilisant la religion pour des fins politiques, ils ont réussi à semer un fatras d’incongruités dans les têtes des petites gens, comme ils continuent à hiberner et à endoctriner, à tort, des générations jusqu’à fabriquer des monstres. Ces connivences tous azimuts dans leurs calculs politiques se fomentent dans le secret, et c’est la fulgurance des uns face au côté besogneux des autres, c’est la prépondérance des uns face à l’apathie sous-jacente des autres, c’est la faiblesse substantielle des uns face à la dépendance matérielle des autres, associant intérêts et stratégies couleur de cette essence noire coulant dans leurs veines, d’où l’effacement progressif d’un État au profit de la composante sociopolitique, géopolitique et religieuse de l’autre. Cet autre obscur, confus, touffu trouvant refuge dans ses alibis religieux soutenus par l’ignorance crasse d’un peuple ayant pour seule religion des sentiments pieux à leurs égards, ce peuple développant inconsciemment son panurgisme par son instinct grégaire livré en pâture au mysticisme, tout en mettant un trait sur la liberté et sur la réalité humaine. Cet autre et alliés des régimes cossus s’enrichissant illicitement par leurs népotismes et gabegies tous genres sur le dos des prolétaires se levant tôt le matin et rentrant tard le soir, les yeux humides et les ventres creux.

Pour dorloter et se maintenir, ils savent choisir leurs mots bien que la souffrance aux conséquences ravageuses dans les esprits soit là. En instaurant la peur, ils fragilisent la société ; en corrompant les valeurs, ils sèment la xénophobie primitive, d’où le rejet de l’autre et l’instrumentalisation de soi. L’Algérie le vit, la Kabylie le subit, et l’ailleurs aussi n’est pas épargné. La corruption, leur vertu, est là ; la bureaucratie, leur norme, est là. Tout se transmet. Toutes les avancées érigées la veille, et de n’importe quelles natures soient-elles, sont perdues le lendemain. C’est l’ambition face à l’échec. C’est l’échec faisant appel à la désintégration et au manque de confiance en soi. L’individu est annihilé et se confond à son ombre. Rien ne rime. Tout bascule dans le néant. L’inertie est totale.

Ce qu’il faut est une métamorphose sociologique. Pour préserver l’héritage à tous les niveaux ˗˗ ce qui serait nécessaire à notre survie ˗˗, il faut que cette nouvelle génération reconnaisse les siens, et ce, en axant ses objectifs sur comment faire de la politique autrement en associant éducation à chacun de ses mots, gestes et mouvements, tout en admettant aux éléments qui la constituent l’importance d’une cohésion et l’utilité d’une force commune, car tout se repose sur un socle, et quand celui-ci adhère à la surface, rien ne pourrait l’ébranler ! Agir autrement, c’est se dénigrer, c’est se renier, c’est commencer par trahir son individualité, ce qui mènerait au vain combat et à celui contre soi-même, car toute substitution de l’Amazigh par l’autre n’aura pour effet, à long terme, que la prédominance de cet autre. À ce stade, la lâcheté est consommée, l’être est consumé, le paria est né et l’apatride sur sa terre est nommé.

Le sang a beaucoup coulé. Les âmes sont meurtries. L’espoir, ce refuge auxiliaire, est banni. L’avenir, cette illusion protectrice, ne se prononce même plus. La pression sociale est là, le mal-vivre est là. Nous avançons à reculons : le tohu-bohu s’enregistre et les culs-de-sac à longueur de journée. Il faut se rendre à l’évidence : il n’y a rien à attendre du monopole de ce pouvoir fermé, ronceux et venimeux qui, en motivant les extrêmes, crée des divisions et des diversions sociales touchant le quotidien tout en provoquant des déchirures sous toutes les formes au sein de la population jusqu’à la rendre sclérosée, celui-ci même qui intervient à mauvais escient dans des liquidations et de l’arbitraire.

Pour durer face à tout, il faut se mettre en confiance avec soi tout en la semant autour de soi. Il faut inoculer cela dans les esprits : le pouvoir, c’est nous. Seulement, pour sortir de cet immobilisme et conflits intérieurs, marasmes et tourbillons, il faut s’éduquer autrement par une bonne instruction en acceptant avec lucidité la laïcité et la démocratie. Tout s’amorcerait de là. Certainement, toute chose a un début, et tout début à une chose est piquant, mais l’ouverture sur d’autres horizons plus cléments et intelligibles existe. L’évolution des mœurs et la détermination viendront de cette séparation de l’État du religieux, bien que cela demeure prégnant dans notre société, mais commençons par comprendre que nous rétrogradons au lieu de progresser. Dans la logique des choses, dans son fondement et esprit, la laïcité n’exclut pas la religion, au contraire elle l’invite, mais ce sont les courants islamistes qui font le contraire de tout. Et par les temps qui courent, elle se présente comme une alternative à la religion, et c’est ainsi. Les religions ne produisent pas la violence, mais sont violentes, à des degrés divers. Elles sont la source des interdits, telles les libertés individuelles et les frustrations sexuelles causant des troubles psychologiques, celles-ci mêmes qui laissent libres la venue et l’acharnement fertile des violences et désordres sociaux qui y pullulent. Et c’est un fait aux multiples effets et nuances que vivent les quatre coins du globe, mais que cela s’éduque par degrés et par étapes avant qu’elles ne soient infiltrées aveuglément et d’une manière bestiale dans une société jeune à tendance et d’apparence permissive. L’élévation va de pair avec la culture de l’esprit, et la culture de l’esprit avec civilité.

Acceptons-nous en admettant que nul ne pourrait faire à notre place ce que nous négligeons pour nous-mêmes. La laïcité doit d’abord s’appliquer aux politiques pour qu’elle soit ensuite transposée sur la société et dans l’école. En dehors des institutions, la religion sera toujours pratiquée dans la liberté, tolérance et volonté de chacun, comme il l’entend et de la manière avec laquelle il la conçoit, seulement que cela reste personnel et loin des affublements générés par les obligations et les soumissions. Et ne mélangeons pas foi, croyance, savoir, culture, raison et science, car c’est l’esprit qui croit et applique, c’est le cœur qui ressent et éduque, c’est l’œil qui voit et implique, c’est le moi qui complique, et c’est l’ignorance crasse qui abdique.

Les racines ont besoin de la terre pour tenir, et la terre a besoin de racines pour se maintenir. Les racines d’une fleur se développent dans la terre, et ses éclats s’émerveillent dans la clarté. De ces deux jonctions, et de cause à effet, la nature s’affiche et la relativité s’invite. Même si le chemin de la nuit est tortueux, la lumière finit toujours par éclairer celui attendu à l’aube. Seulement, il faut savoir encaisser en s’armant de patience bien que cela s’avère difficile à appliquer. En faisant de sa vie celle qui amortit les coups en sachant la garder résiliente face à celle projetée : défaillante et décevante, on pourrait atteindre le point où nous sommes en mesure de faire face à toutes les circonstances. Accepter et s’accepter, cela aide sa personne à surmonter les persécutions et le néfaste. Ne jamais se confiner dans son mutisme, car s’extérioriser en allant trouver refuge dans ce besoin de l’autre est nécessaire. C’est ce dernier qui pourrait nous extirper de ce marasme psychologique ayant pour conséquence et une seule : la déprime. On ne peut évoluer seul face à son image égocentrique. Le cas échéant, cela s’appelle narcissisme, et si narcissisme il y a, cela fera basculer sa personne dans la paranoïa. L’entraide est une thérapie qui améliore le quotidien de chacun. L’homme, par son intelligence, collabore à l’épanouissement de soi, ceci conduit à la création d’une société, et la société en se servant de lui, lui en se sentant utile, se qualifie à son nom. Toujours dans son utilité, l’homme se retrouve dans ses relations avec l’autre et la société se reconnait, dès lors, comme telle.

Tout ceci pour dire que personne n’est parfait dans cette dichotomie entre les penchants abscons et ceux lumineux, car, pour avancer dans ces zones d’ombre de la vie, il faut d’abord savoir où l’on va et quel objectif atteindre. Nier d’où l’on vient, c’est bannir son existence dans ce monde qui interroge et exclut. S’exposer au risque en se laissant guider par l’espoir, le courage et la volonté, cela s’appelle marquer son pas, et sur son chemin, sûrement des obstacles surgiront et auxquels il faudra faire face, mais il faut s’appliquer et s’impliquer en se reconnaissant dans la philosophie du roseau sachant s’incliner aux bourrasques sans se briser. Face à l’absurde, face à la réalité, des leçons seront tirées, on tombera comme on se relèvera pour continuer en associant intelligence et persévérance avec sa façon de voir, de concevoir et d’agir. Complice de sa gratitude en mettant en avant sa compassion et son acceptation face à d’éventuels échecs, si toutefois ils se présentent pour freiner ses élans, mais la compensation et l’équilibre viendront d’eux-mêmes afin de mettre le holà à cette conscience agitée, et ce seront eux qui ouvriront des perspectives aux choses nouvelles.

"Gardons-nous bien de suivre, à la manière des moutons, le troupeau de ceux qui précèdent en allant non pas vers où il faut aller, mais simplement où vont tous les autres. Car rien n’entraîne à de plus grands malheurs que de se conformer à la rumeur publique, en estimant que les meilleurs choix sont ceux du plus grand nombre, de se laisser conduire par la multiplicité des exemples – cela parce que nous vivons non d’après la raison mais dans un esprit d’imitation. […]", notait Sénèque in La Vie heureuse.

M.L.C.

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Commentaires (15) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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adil ahmed

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