Des drones au service d'une agriculture de précision
De nombreuses solutions sont actuellement proposées pour une agriculture de précision, plus compétitive, plus respectueuse de l’environnement et facilitant le travail agricole. Elles sont le fruit d’un mariage réussi entre le numérique et la robotique qui révolutionne déjà le quotidien des agriculteurs.
Par Mourad Hamdan
Si le numérique s’est installé dans les champs pour mieux gérer les fermes, il a été suivi récemment par une large gamme de capteurs intelligents autonomes, placés dans ces mêmes champs, embarqués sur les engins agricoles ou sur des drones, permettant ainsi d’optimiser les traitements grâce à une meilleure connaissance des besoins du sol et des plantes.
Le traitement de données obtenues permet d’évaluer les besoins au quotidien, suivre l’état des sols et gérer les risques. L’agriculteur peut ainsi connaître au mieux les besoins en arrosage et les besoins spatiaux en engrais ou en produits phytosanitaires, pour ne traiter que les parcelles nécessaires.
Pour mener à bien ses tâches quotidiennes, l’agriculteur du XXIème siècle dispose désormais d’un arsenal qui va des capteurs connectés (permettant de mesurer la température de l’air, l’hygrométrie, la pluviométrie, la température du sol… et fournissant l’information météorologique et agronomique à la parcelle en temps réel pour aider à la prise de décision) aux systèmes embarqués sur les tracteurs permettant d’optimiser les réglages des pulvérisateurs de produits phytosanitaires (réduction de l’ordre 15 à 20 % des quantités épandues) en passant par les logiciels paramétrés permettant une gestion complète de l’exploitation via des solutions open source. Cette panoplie est à la base de l’efficience et de l’efficacité agricole !
Si les satellites servent déjà à suivre les évolutions des cultures, les drones ont pris la relève et s’appliquent à l’optimisation des intrants. Lancé à la main, le drone effectue son vol en mode automatique. Equipé d’un capteur quadri-bandes qui mesure le pourcentage d’énergie solaire réfléchie par la culture par rapport à l’énergie solaire incidente, il photographie et enregistre la lumière reflétée par le feuillage (réflectance).
Cet enregistrement concerne la couleur des plantes dans quatre parties distinctes de la lumière (vert, rouge, proche infra-rouge et infra-rouge). Le capteur de lumière corrige les variations d’éclairement et s’affranchit des passages nuageux. A partir de la "vraie" couleur des feuilles obtenue après ces corrections, des informations agronomiques inédites sont produites, comme la biomasse, l’azote absorbé et la matière sèche.
Une fois ces données enregistrées, elles sont entrées dans un modèle agronomique qui va les traduire en cartographie de besoins de la culture. La carte est délivrée en 4 jours maximum, après analyse et vérification par un ingénieur agronome. Elle résume les mesures et constitue un véritable «scan» de l’exploitation. Elle fournit des préconisations pratiques pour traiter au mieux les cultures c’est-à-dire avec l’apport d’engrais le plus juste.
Quel avantage par rapport aux satellites ?
Les satellites ne voient pas à travers les nuages surtout lorsqu’ils sont persistants. Raison pour laquelle certaines cartographies ne peuvent être réalisées. De plus, ils font le tour de la terre et ne passent pas toujours au-dessus de la parcelle lorsque l’agriculteur en a le plus besoin. Le drone est donc plus avantageux que le satellite au moins sur 4 points :
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Son altitude : il vole en dessous des nuages à 150 m d’altitude ;
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Sa disponibilité : il peut être présent sur la parcelle à n’importe quel moment et en particulier lors de l’analyse de la végétation (qui dépend du développement végétal en rapport avec la courbe de croissance de la plante) en vue de la définition précise des apports azotés ;
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Sa résolution : si les images satellites ne permettent pas de différencier les pousses, les capteurs des drones par contre le permettent aisément grâce à une résolution qui peut atteindre 1,5 cm par pixel ;
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Son coût : le service offert par le drone est bien moindre que celui du satellite à surface balayée égale.
La robotique au service de l’agriculteur
La robotique est mise au service de l’agriculteur à qui incombe la lourde tâche de gérer l’exploitation dont il est responsable. Si le robot n’a pas pour mission de remplacer l’intelligence humaine dans les fermes (du moins pour le moment), il est néanmoins conçu pour assurer les tâches routinières ou pénibles pour lesquelles l’agriculteur perd aujourd’hui un temps précieux !
L’aide qu’assure la robotique à l’exploitant agricole se traduit dans les faits concrets et a une incidence directe sur la gestion. Elle est à l’origine des prises de décision pertinentes synonymes de gestion performante en vertu de laquelle la valeur créée est maximisée. Appliquée au calcul des besoins en engrais optimisé, on obtient le processus suivant : «une fois les images recueillies par le capteur embarqué, elles sont transmises pour être traitées par des modèles agronomiques de conseil. Ceux-ci prennent en compte cinq années d’expérience, durant lesquelles plusieurs milliers d’échantillons de végétation en laboratoire ont pu être analysés, pour comparer les images prises aux propriétés physiques des plantes ayant fait l’objet d’un échantillonnage. Après analyse des images, l’agriculteur reçoit la carte du besoin en engrais de sa parcelle».
Agridrone et efficacité agricole
Classé dans la catégorie poids plume, un agridrone pèse environ 700 grammes et s’il arpente merveilleusement bien le ciel c'est pour y scruter la ou les terre(s). Il n’est pas admiré pour ses performances aéronautiques (bien qu’il survole 3 hectares en une minute) mais pour ses services agronomiques. C’est un engin volant qui cartographie les exploitations agricoles à des fins économiques et environnementales.
Au-dessus des champs de colza, de blé, d'orge ou de maïs, il mesure par télédétection certains indicateurs clés comme le taux de chlorophylle ou la biomasse... et par la suite, un logiciel agronomique en déduit la quantité d'engrais adaptée à chaque mètre carré. Il faut y voir un aéronef miniaturisé et intelligent sur lequel sont embarqués des capteurs.
Cette «intelligence aérienne» étend en quelques minutes à l’intégralité des parcelles ce que les agriculteurs ne peuvent traiter que sous forme d’échantillons localisés (analyser le besoin en engrais azoté des plantes, par exemple). Il reproduit ce qu’aurait fait l’agriculteur localement, mais à plus grande échelle.
Le grand défi que relève l’agridrone ne réside pas dans le fait d’établir de diagnostics. En fait il réalise le même diagnostic que celui que ferait l’agriculteur. Mais là s’arrête la comparaison ! En étendant à chaque mètre carré, en quelques minutes, et sans détruire la moindre plante le diagnostic sans faille, il permet à l’agriculteur de savoir exactement quelle est la quantité d’engrais à appliquer pour le développement optimal de sa culture.
Cartographie précise des exploitations
La réglementation très stricte en matière de réduction des apports en engrais et en pesticides pousse les agriculteurs à trouver des solutions technologiques qui permettent à la fois de cumuler une amélioration des performances de productivité, de qualité, tout en optimisant la performance environnementale de l’exploitation, ce qui correspond aujourd’hui à une vraie demande sociétale et réglementaire.
La cartographie des champs avec une précision inédite (à l’image d’une radiographie ou d’un scanner, grâce à des capteurs embarqués) permet de visualiser ce que l’œil humain ne peut percevoir. Elle ouvre la voie au suivi des plantes à des moments-clés de leur développement. Cette Technologie devient un véritable outil de management des fermes, un tableau de bord pour piloter les cultures grâce à l’ajustement des doses nécessaires des substances chimiques à utiliser.
Le résultat est triple : économies sur l’achat des produits sans faire baisser le rendement agricole, réalisation des apports pile à temps sur la base du fractionnement de la dose totale préconisée par les spécialistes et réduction du risque de pollution de la nappe phréatique.
Télédétection dédiée aux exploitations agricoles
La télédétection permet d’observer des indicateurs agronomiques pour chaque mètre carré de la parcelle sans avoir à faire de prélèvements destructifs. Le drone apporte une nouvelle façon de faire des prélèvements ou des observations sur terrain objectives.
Le capteur enregistre la lumière réfléchie par le couvert végétal dans 4 bandes distinctes à savoir : le vert, le rouge, la gamme spectrale du red edge et dans le proche infrarouge. Ces bandes ont été définies pour accéder à des informations agronomiques inédites (sur blé, orge, colza et maïs) concernant la biomasse, la densité foliaire et le taux de chlorophylle.
Le capteur permet une correction du signal en réflectance. De ce fait, les données sont beaucoup plus fiables qu’avec un simple appareil photo. Il prend en compte l’intensité lumineuse, la couleur de la lumière et l’angle d’incidence du soleil.
La fréquence d’acquisition des images par le capteur étant élevée, il est facile d’obtenir plusieurs points de vue de chaque mètre carré.
Le luxmètre intégré au capteur permet d’enregistrer l’intensité et la couleur de la lumière du soleil. Le capteur enregistre aussi les positions GPS de chaque photo ainsi que l’heure exacte de la prise de vue, ce qui permet de corriger la réflectance en fonction de l’angle d’incidence de la lumière.
La résolution des images dépend de la hauteur de vol qui peut être ajustée en fonction des besoins.
Avec une couverture de 3 ha à la minute, l’agridrone offre des solutions techniques de précision rapides à l’instar d’une cartographie de préconisations d’engrais à apporter et (pour bientôt) d’une optimisation des traitements phytosanitaires doublée d’une optimisation de l’épandage de ces produits.
Conclusion
Les biotechnologies (notamment vertes), la robotique et le numérique se sont invités dans le domaine agricole et comptent bien y rester durablement. Parler aujourd’hui de sécurité alimentaire sans y faire référence parait totalement décalé.
Les gros efforts à fournir pour infléchir, un tant soit peu, la courbe ascendante de nos importations céréalières doivent s’inscrire en priorité dans le sens de la maîtrise des technologies suscitées sous peine de voir le fossé du différentiel de développement agricole se creuser davantage à nos dépens.
Si notre secteur agricole demeure le seul à pouvoir assurer le relai en termes de croissance, il est impératif de lui consacrer la priorité en œuvrant à lui ouvrir au plutôt les voies salutaires de la high-tech.
Le seul mot d’ordre qui soit à même de susciter une adhésion au sein de notre monde agricole est le suivant : "Développons coûte que coûte notre filière céréalière et nos rêves d’autosuffisance ‘céréaliseront’ !"
M. H.
Mourad Hamdan est consultant en management
Principale source : Site Airinov
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oui
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