Cessons de fumer du thé ; brûlons nos vaisseaux !

Les manœuvres des locataires d'El Mouradia agitent les Algériens.
Les manœuvres des locataires d'El Mouradia agitent les Algériens.

Le coléreux billet que Hakim Laâllem nous livre en ce jeudi 17 mars est l’illustration même de l’impasse de nos élites. "Tranché", "radical", "sans retenue", "final" même ! C’est pour moi un excellent prétexte pour revenir sur une question déterminante celle du positionnement de nous autres modernistes algériens.

Par Mohand Bakir

Au cœur du billet de Hakim Laâlam la vérité incontestable sur le caractère morbide et mortifère du marais Bouteflikien, il le dénonce comme la mort programmée et certaine de notre nation et de son Etat. Dans son élan il propose au prochain régent d’opter pour autre chose que de camper au milieu de ce marais : il faut mener le bateau Algérie sur l’une ou l’autre des rives de ce marécage ! En substance il formule le vœu de voir le prochain régent choisir entre l’Algérie de Benghebrit et celle de l’islamiste Laribi !

Nous revoilà encore une fois à ces lubies nées dans l’intermède qui a séparé le départ du Cabinet Merbah de l’arrivée du gouvernement Hamrouche ! Choisir entre une Algérie moderne, démocratique et sociale et une autre théocratique, inégalitaire soumise au partage divin des fortunes et infortunes. Depuis le temps que cette classe politique cherche à arbitrer entre ces deux projets, il faut voir qu’elle n’a réussi qu’à entretenir le marais

Pourtant Hakim Laâlam et ses éditeurs ont souvent écouté des argumentaires qui étayent l’exclusion mutuelle qui régit les rapports entre ces deux pôles de l’impasse algérienne. Des plaidoyers, pour sortir du marais pour aller vers le salut qui est dans la seule République Moderne. Le projet islamiste, régression globale, est assurément, en début et en bout de course, l’enterrement du projet Algérie. Il ne peut être considéré comme une issue possible.

L’hybridité, que dénonce Hakim Laâlam, caractéristique essentielle du système algérien vient justement de cette façon de considérer l’islamisme comme une option acceptable. L’islamisme, donnée sociologique que d’aucuns s’empressent d’ancrer dans le champs politique, se pose en négation totale du projet national. Pourtant, des "penseurs" d’officines, tel M Burgat, en arrivent à tenter de nous le vendre en marqueur de la phase "ultime" des processus de libérations nationales. Phase où espèrent-ils nous rompons radicalement avec la modernité pour replonger dans orientalité sclérosée ad vitam aeternam. L’islamisme et ces maîtres d’officines partagent l’ardent désir de tordre le coup aux processus de libération émergeants de nos velléités d’appropriation de la modernité humaniste et rationaliste.

Les détracteurs de notre aspiration à la libération font tout pour transformer une pesanteur sociologique en alternative politique C’est pour cela qu’ils chargent le projet moderniste de toutes les tares qui résultent des compromis même qu’impose l’injection de l’islamisme dans le champs politique. Un cercle vicié qu’il faut absolument casser.

Le choix n’est pas, comme Hakim Laâlam semble le croire en désespoir de cause, entre tel ou tel rivage, mais entre rester au sortir de ce qu’il appelle le «mix», qui est l’hybridité mortelle du système. Les modernistes se doivent de prendre l’irrémédiable décision de mettre le feu à leurs navires, nos navires. Tant que nos amarres resteront attachées aux quais du système en place il nous sera impossible d’assumer notre projet. La perspective du salut est donc dans l’inévitable confrontation frontale avec le système et l’islamisme ; la double rupture. Or nous ne pouvons les confronter et les vaincre que si nous ne sommes plus partie au compromis. C’est à nous de casser l’hybridité, simplement en en sortant. Il n’y a pas d’hybridité sans notre acceptation d’être l’autre pôle pendant de celui que constitue l’islamisme. C’est cette simple vérité qu’il nous faut méditer. D’ailleurs, nous le voyons bien dans le billet de Hakim Laâlam : Aribi d’un côté, Benghebrit de l’autre, Bouteflika n’existant que comme résultante de ce mixe.

Sortir de l’hybridité signifie-t-il pour autant s’en remettre à on ne sait quel arbitrage entre le projet moderne et la théocratie ? Parce que l’enjeu correctement formulé s’entendrait ainsi : couronner ou avorter le projet d’intégration nationale ? Si l’on arrive tous à comprendre cela, quel est, dès lors, ce moderniste qui refuserait de mettre le feu aux vaisseaux ? Quel est ce patriote qui accepterait de demeurer au Palais du docteur Saadane, de Zighout Youcef ou sous les tentes de Zéralda ? L’authentique combat démocratique est celui qui construit ce front unis des modernistes. Il faudra certainement cesser de fumer du thé pour que notre éveil soit autre chose que de doux mirages dans l’enfer de l’hybridité…

M. B.

Renvois

1- Chez nous, devant un partage, on propose bien à celui qui veut en bénéficier d’opter pour le partage de l’homme -équitable – et le partage divin, comme dirait Belkhadem qui ne se croit pas là pour remédier à cette iniquité : "il fait le riche et le pauvre"

2- Toute réalité sociologique a-t-elle pour vocation d’être transposée dans le champ politique ? Le vol, le racisme, le machisme, le régionalisme,… sont autant de réalités sociologiques qui perdurent dans notre société.

3- Depuis le début des années 1992, le système s’emploie à édulcorer la radicalité de confrontation avec l’islamisme. "Tragédie nationale", "fitna", et autres pensifs toxiques contrarient la prise de conscience et nous fourvoient dans l’impasse.

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Commentaires (6) | Réagir ?

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chawki fali

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valuable information

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mhand said

la terreur, la prison et l arbitraire sont toujours d actualité, ici , monsieur! rien n a change, depuis 62, du moins en bien.

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