La Kabylie est-elle vraiment assimilable ?

La Kabylie se bat depuis l'aube de l'indépendance pour son identité.
La Kabylie se bat depuis l'aube de l'indépendance pour son identité.

"Nos émotions collectives deviennent néfastes lorsqu'elles nous empêchent d'être lucides et entretiennent de dangereuses illusions." Michel Brunet

"Il est théoriquement insoutenable de dire que la Kabylie est exposée à la menace d’une assimilation de la population locale à cause de la programmation d’un concert de chant pour la journée du 8 Mars. Le mis en cause devra certainement s’étonner de découvrir, sans coup férir, après l’annulation de son spectacle, qu’il est aussi néfaste que l’était la politique d’arabisation de l’ex-président Boumediene.

Une mémoire courte ne retient pas les leçons du passé. Houari Boumediene, rappelons-le, a fait des pieds et des mains et mobilisé toute son intelligentsia au service du mal. Pendant tout son règne sur la maison Algérie il tenait à l’accélération le phénomène d’acculturation dans la capitale du Djurdjura. Les bidonvilles implantés dans la banlieue de Tizi-Ouzou sont encore une preuve vivante que nul ne peut ignorer. Aujourd’hui, force est de constater, cette politique n’a pas produit l’effet recherché.

Est-Il sage d’empêcher un spectacle sous le fallacieux subterfuge que cela fasse partie d’un complot pour éloigner les enfants de la région de leur langue et de leur culture ? Je ne le crois pas, personnellement. Exhorter la population à refuser l’autre nous guidera droit vers l’autarcie et vivre en marge de la mondialisation. Le combat identitaire amazigh est d’essence démocratique qui s’est toujours opposé aux extrémismes de toutes natures et origines. Il serait aujourd’hui donc maladroit, voire dangereux de reproduire les mêmes réactions que celles que nous avions rejeté et dénoncé depuis des décennies.

Pourquoi donc se recroqueviller et vouloir vaille que vaille couper les pans avec tous ceux qui nous entourent ? De simples pirouettes comme l’annulation d’un spectacle ne nous protégera pas contre l’assimilation si nous étions réellement dans ce cas de figure. La vulnérabilité de la Kabylie, au contraire, risque de s’accentuer si on la met dans une situation d’isolement. I aurait était plus judicieux de laisser le spectacle se produire par pédagogie, il aurait été probablement boycotté et passé inaperçu.

La conjuration dont certains internautes ont fait état, notamment dans les média sociaux , relève de la paranoïa collective qui consiste à voire le danger dans ce qui ne nous est pas semblable. L’abandon de sa culture au profit d’une autre n’est pas un soubresaut qui se concrétise en un tour de main.

Ceci nous amène à nous poser la question de savoir si la Kabylie, dans les conditions sociologique et politiques actuelles est un bon candidat à l’assimilation ! Voyons donc la signification du concept avant de répondre à la question. L'assimilation sociale est le processus à travers lequel un groupe d'individus, le plus souvent une «minorité», se fond dans un nouveau cadre social, plus large, qu'il s'agisse d'un groupe plus important, d'une région ou de l'ensemble d'une société. Michel Brunet historien et paléoanthropologue connue pour ses travaux sur les origines de l’homme va plus en détails puisque le diable s’y trouve : "l'assimilation résulte toujours du désir ou de la nécessité d'imiter les autres. Le cas est particulièrement évident chez un individu isolé dans un milieu étranger. Il ambitionne de se faire accepter. Il y parvient en se rendant semblable à ceux avec lesquels il est forcé de vivre".

De ce fait c’est le pauvre "Cheb chanteur" qui est dans une position à risque pas l’inverse. Il n’est pas exclu qu’il se fonde dans la société d’accueil, la Kabylie dans ce cas, surtout si le contact se prolonge et se répète. Ce qui risque de nous surprendre, au demeurant, c'est qu’il serait déjà des nôtres. A force de crier haro sur l’autre on finira par croire, à notre corps défendant que la Kabylie est assimilable, alors que l’histoire nous a démontré que l’un des paramètres qui la favorisent et la catalysent demeurent toujours étranger à la tradition locale, à savoir les mariages mixtes (voire le destin des immigres d’Emmanuel Todd). Si la Kabylie était assimilable cela fait longtemps qu’elle l’aurait été puisque le phénomène commence toujours par le désir de celui qui veut s’assimiler.

Les écueils qui menacent notre langue sans ailleurs. Ils sont dans les politiques mises en place par le pouvoir. Ce dernier entretient un espace médiatique délétère dans lequel le charlatanisme surplombe le rationnel, et c’est justement là où l’élite amazighe en général et kabyle en particulier ne semble pas arriver au bout de leur traversée du désert. Aucune production ni même des réflexions pour expliquer un tant soit peu les enjeux et les défis qu’il faut relever. Comme la nature a horreur du vide ce sont les extrémismes qui prennent le relais et du coup la matrice de nos valeurs s’effiloche pour laisser libre cours à l’indigence intellectuelle pour se répandre.

Cid Kacioui

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Commentaires (18) | Réagir ?

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chawki fali

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valuable information

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gtu gtu

merci

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