Election au RND : Belkacem Mellah, combien de divisions ?

Belkacem Mellah est-il un simple lièvre d'Ouyahia ?
Belkacem Mellah est-il un simple lièvre d'Ouyahia ?

Il vient d’officialiser sa candidature à l’élection à la tête du RND qui se déroulera, à l’occasion d’un congrès, en mai prochain ; il estime être le candidat le plus capable d’apporter le changement dans le parti.

Et la compétition ne lui fait pas peur : "Je me présente parce que je pense que l’intérêt du RND commande qu’un autre candidat qu’Ahmed Ouyahia soit placé à sa tête". Lui, c’est Belkacem Mellah. Il n’est pas connu comme redresseur encore moins comme opposant à l’actuel secrétaire général par intérim dont il n’a jamais pris ses distances. Sa participation à l’élection souligne, selon ses dires, "son envie de peser plus lourd dans sa formation politique". En a-t-il les moyens ?

Il a commencé déjà par quitter ses fonctions de directeur de la communication du Premier ministre, non sans mettre dans l’embarras ce dernier qui a été soupçonné, un temps, d’être derrière sa candidature. Pour gêner Ouyahia. L’intéressé s’en défend.

Ses motivations se résument en une seule phrase : "Le secrétaire général du RND est désigné, jusqu’à maintenant, par une signature et déchu de la même manière. Le moment est venu, a dit Belkacem Mellah de tourner la page du plébiscite et de franchir une nouvelle étape, celle de l’urne !". Ses soutiens, il dit faire confiance aux militants et compter aussi sur l’appui des membres fondateurs du parti, sans oublier le coup de pouce de la famille révolutionnaire dont il est issu, en sa qualité de fils de chahid. Son programme, hélas, n’est pas contenu dans un livre, pourtant, c’est à la mode. Il dit, toutefois, "ne pas vouloir mener une guerre contre Ouyahia avec lequel il n’a pas de différents". Sa campagne électorale, il l’a mènera, selon ses dires, "à l’américaine", en se rendant dans toutes les wilayas du pays.

L’homme, faut-il le dire n’en est pas à sa première tentative de prendre les rênes du RND. Il s’est présenté contre Abdelkader Bensalah, avant de décider de se retirer à la dernière minute, au motif que "ce dernier était l’homme du consensus capable de garantir la stabilité du parti» et de démentir, dans la foulée, l’information selon laquelle «la décision fut dictée d’en haut".

Un lièvre Belkacem Mellah ? Beaucoup sont amenés à le croire, car en ce moment tout semble sourire à Ahmed Ouyahia qui devrait être élu "haut la main" ! Ses adversaires disaient pourtant que le parti était dans la tourmente. Et la logique aurait voulu qu’un parti en bute à d’aussi violentes contestations de redresseurs comme celles entreprises par un certain Yahia Guidoum, soit balayé lors des élections, ce qui n’a pas été le cas. Au contraire, avec Ahmed Ouyahia à la barre, le RND connait une renaissance politique et son chef s’apprête même à investir le palais du gouvernement ! Au grand dam de ses adversaires et à leur tête Amar Saâdani qui a usé de tous les subterfuges pour l’en empêcher.

"Ouyahia partez !"

Pour Ouyahia, faut-il le rappeler, les choses sont d’autant plus faciles que même sa meilleure «ennemie» ne se présente pas contre lui ! Dans un passé récent, elle dénonçait, avec rage, ce qu’elle appelait «la dérive autoritaire du parti» qu’elle définissait comme le «Rassemblement National Dictatorial» ! Nouria Hafsi, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a même qualifié Ouyahia de "despote". Auteur du fameux brûlot "Ouyahia, partez !" (*), elle semble avoir fait amende honorable depuis en répondant déjà, à son invitation de dialoguer, sous ses auspices, au siège de la présidence de la république, du projet de la constitution. Elle lui a même serré la main. Lui, évidemment, n’a pas boudé son plaisir et encore moins sa revanche. On l’aura compris, Nouria Hafsi n’a pas l’intention de "dézinguer" Ahmed Ouyahia. N’est pas Nadine Morano qui veut !

En tous les cas, ce qui apparait comme probable aux yeux des observateurs, c’est que ni elle, encore moins Belkacem Mellah ne présideront aux destinées du RND. Et ce n’est pas leur faire offense que de l’écrire, car de deux choses, l’une : ou les opposants à l’actuel Secrétaire Général du parti, n’ont pas de prise sur les militants, qu’ils ne pourront pas, en l’état, inverser l’ordre des choses et surtout empêcher Ouyahia de disposer pour la suite de sa carrière de l’appareil du RND, ou leur fronde ou leur opposition de façade ne tiennent, sans doute, qu’à des considérations personnelles.

En définitive, ce qui agite tous ces impétrants, c’est l’ambition personnelle. Celle qui leur permet d’exister et surtout d’acquérir un poids politique. A la fin, ils annoncent leur ralliement au favori. Et Belkacem Mellah va, certainement, s’y plier en négociant une petite récompense. Un strapontin au prochain gouvernement que présidera Ahmed Ouyahia. Et le RND donnera l’illusion d’un parti démocratique, même si à la fin, c’est le plébiscite qui l’emporte !

De toutes les manières, les partis politiques algériens (**), le FLN et le RND principalement, continueront à cultiver «l’entre-soi» ; dominés par la quête de richesse et d’ascension sociale de leurs membres, ils n’ont pas, encore, vocation à faire entendre la voix de leurs électeurs. Le RND surtout, lui qui avait attiré vers lui de nombreux adhérents et autres transfuges du FLN, beaucoup plus motivés par des intérêts personnels que par des convictions politiques. La preuve, à l’approche de chaque élection électorale, le RND fait montre d’une activité fébrile inhabituelle. Cela s’accompagne, souvent, de crises au niveau local et donne lieu à des empoignades qui font la une des journaux. Il faut dire aussi que, majoritairement, les militants qu’attire le RND et dans une moindre mesure le FLN, sont très peu politisés. Il n’en reste pas moins que ces deux partis constituent le socle du pouvoir, même si celui-ci se trouve confronté à une contradiction qui lui est propre : celle de la recherche d’élus représentatifs de la population et qui, dans le même temps, accepteraient ses règles de jeu ! Or, un élu disposant d’une réelle légitimité électorale aura tendance à s’autonomiser du pouvoir dont il refusera les directives.

En attendant ces nouvelles règles de jeu, nos jeunes se désintéressent, de plus en plus, de la politique. Le CNES, d’ailleurs, s’est penché sur la question et a tenté dans un tout récent rapport d’apporter quelques éléments de réponse : "Au chapitre de la participation des jeunes Algériens dans les sphères sociale politique, les jeunes affichent leur aversion contre toutes les formes classiques de participation. Leur désaffection pour les organisations de la société civile et la politique en générale, est particulièrement édifiante", note le CNES pour qui, ala question du renforcement économique et social des jeunes nécessite une réponse globale et appelle les décideurs à être davantage à l’écoute des jeunes afin d’arriver à inverser cette tendance".

Tout un programme que n’arrivera pas à combler le Haut Conseil à la Jeunesse encore moins, le ministère du même nom, beaucoup plus préoccupé par le football que les jeunes et leurs besoins. Parenthèse fermée, et pour revenir au RND, il faut dire que malgré l’agitation médiatique et politique qui peut régner dans ses instances, le vote prévu à l’occasion du congrès du parti en mai prochain, peine à passionner la presse, encore moins les Algériens. Il est vrai aussi que l’on voit souvent les mêmes personnes qui, depuis des décennies président à la destinée de leur parti ! Ceux qui sont élus, députés notamment, s’accrochent à leur mandat le plus longtemps possible et font tout pour "rempiler". Au besoin, en recourant à la «chkara» ! Pour ce qui est également des plus hautes fonctions, les impétrants, en majorité des lièvres, se présentent avec opiniâtreté, une, deux, trois fois, voire plus !

En comparaison, un candidat, républicain ou démocrate aux Etats-Unis qui est battu, ne se représente plus jamais : il a eu sa chance, il n’a pas pu la saisir. La prochaine fois, ce sera le tour d’un autre. En Grande Bretagne, c’est automatique, le leader conservateur ou travailliste, qui a mené son parti à la défaite lors des législatives, est remplacé par un autre au cours du congrès qui suit l’élection. En France, c’est tout autre chose ! Mitterrand et Chirac ont été élus à leur troisième tentative. Cela ressemble à une prime à la persévérance qui finit par considérer leur obstination comme méritoire. Pour ce qui est de Jacques Chirac, on entendit nombre de citoyens dire à son propos, alors qu’il était face à Balladur "maintenant, c’est son tour.".

Au-delà du prochain congrès du RND qui, sans surprise, verra Ahmed Ouyahia triompher de son adversaire sans coup férir, les regards se fixeront sur 2017, mais aussi sur 2019 avec sa cohorte de candidats à la candidature : des farfelus certainement, mais aussi ceux qui y pensent chaque matin en se rasant. Et parmi ces derniers, il y a Ahmed Ouyahia.

Pour l’heure, il est en campagne à Mila et à Skikda où il a rencontré ses militants pour leur parler des problèmes du pays et, accessoirement, du congrès du RND qui se tiendra en mai. Et la télévision a montré les images d’Ahmed Ouyahia discourir en présence de son "concurrent" Belkacem Mellah, visiblement ravi d’être, confortablement, installé aux premières loges.

Ali Cherif

Renvois :

(*) : Le Soir d’Algérie du 20/05/2012.

(**) Lahouari Addi –Les partis politiques en Algérie-

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Commentaires (6) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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adil ahmed

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