Qui pour desserrer le nœud du Moyen-Orient ?

Depuis cinq ans, le peuple syrien vit une insoutenable guerre.
Depuis cinq ans, le peuple syrien vit une insoutenable guerre.

Décider quoi et comment pour desserrer le nœud politique, militaire, humanitaire et «terroriste» de la Syrie ?

Une coalition militaire internationale à la fois contre Al-Assad et Daesh, les redoutables ennemis de Paris et de Washington ? Ce serait de l'ordre de l'impossible vu le poids politique, militaire et géostratégique extraordinaire de Poutine, allié de longue date de Damas! Autrement dit, une telle démarche mettra le feu aux poudres entre les grandes puissances et les poussera à une possible troisième guerre mondiale. Une trêve entre les parties belligérantes et un retour momentané à la normale comme envisagé dernièrement par Obama et Poutine ? Si cela permet de "soulager les souffrances des Syriens" pour reprendre les propres mots du locataire de la Maison Blanche, il n'en reste pas moins d'un impact très limité sur le quotidien de la Syrie. D'autant que les groupes islamistes, eux, n'en sont pas concernés. Et de toute façon ne s'y conformeraient jamais. Attendre qu'un miracle divin descende sur cette terre du monothéisme, en apportant son lot de bénédictions à des populations syriennes martyrisées durant plus de quatre ans de guerre d’extermination et d'usure? Rien de tout cela n'est, à vrai dire, à même d'étouffer les flammes de géhenne qui ravagent ce pays révolté. Et puis, enfin, à quoi toutes ces gesticulations occidentales peuvent-elles servir quand on sait que les enjeux recherchés sont dictés ailleurs en Russie, en Europe, aux Etats-Unis, en Iran, en Turquie et surtout dans les monarchies du Golfe, bailleurs de fonds du Printemps arabe ?

Qu'à cela ne tienne ! Loin de jouer les Cassandre, il est permis de dire que le malheur des «faibles» (les Syriens en cet exemple) ne compte pas trop dans la balance politique régionale, voire internationale conçue par les "grands" de ce monde. Cela est d'autant plus vrai que leur pays (la Syrie) pèse peu sur le plan énergétique. Le comble, c'est qu'aux remous des confrontations directes entre les milices de l'opposition et les forces loyales du régime baâssiste s'ajoute la paranoïa des attentats meurtriers de ces derniers jours. Ensanglantés, Damas et Homs ont assisté à des scènes macabres dignes d'apocalypse. Une vague de terrorisme qui sert, toutefois, d'arme de contre-propagande à Al-Assad. Tout compte fait, les Etats-Unis sont en pleine bifurcation de chemins par rapport au dossier syrien. Pour cause, l'implication russe dans le conflit a ramené les capitales occidentales dans de bons sentiments après qu'ils aient pourtant été très intransigeantes sur la condition du départ d'Al-Assad. Le train aura désormais changé de direction, c'est-à-dire, il faudrait bien négocier avec le patron de Damas pour espérer ne serait-ce qu'un début de solution. Cela, Paris et Washington le savaient pourtant et se le disaient tout bas depuis belle lurette, refusant seulement de l'accepter et de le crier sur les toits pour des raisons de stratégie et d'économie d'armement! Et avec l'entrée de l'Arabie Saoudite dans l'arène de la guerre, d'aucuns parmi les spécialistes avisés se posent la question suivante : ce pays va-t-il attaquer le Hezbollah libanais et l'Iran par exemple ou se contentera, faute de mieux, de combattre Daesh? Si cela est son unique objectif, comment saurait-elle y parvenir? Autant dire, réussir là où la France de Hollande, les U.S.A d'Obama et tous leurs alliés auraient failli! Et enfin, quel sera l'effet de cette intervention sur les prix des hydrocarbures ? Une dernière question tout aussi pertinente attire l'attention à savoir qui va délimiter le périmètre des opérations militaires des uns et des autres au moment où la Syrie étant devenue un capharnaüm à ciel ouvert? Les Russes qui ont une dent contre Erdogan vont-ils par exemple cette fois-ci franchir le pas, en faisant usage de la force contre les turcs? Ou se limiteraient-ils uniquement à fournir du ravitaillement et de l'armement aux Kurdes, pièce-maîtresse principale dans la lutte contre la nébuleuse de l'Etat Islamique (E.I)? Wait and see.

A vrai dire, plus personne ne comprendra l'attitude ambiguë du Premier ministre Erdogan qui, au milieu de la tourmente, joue le pour et le contre sans qu'il se soucie, paraît-il, des dégâts collatéraux sur son pays. La probabilité du recours de l'O.T.A.N à l'article 51 de la charte de l'organisation ne lui fait-il pas peur ? Lequel article autorise ladite organisation à intervenir militairement en cas d'agression commise sur l'un de ses membres. Si un tel scénario venait à voir le jour, la Turquie serait directement aux prises aux impérialismes de l'Est (Russie) comme de l'Ouest (U.S.A et alliés). Ce qui l'empêchera de s'affirmer en tant que puissance géostratégique régionale (elle sera réduite à un simple jouet entre hyperpuissances). En tous cas, trois particularités surgissent de ces derniers développements de la crise en Syrie. La première est que les acteurs qui agissent de l'extérieur commencent maintenant à investir le terrain de l'intérieur. C'est ce que met en évidence la dernière sollicitation du ministre des affaires étrangères du Quai d'Orsay. Celui-ci aurait vivement incité la Russie à viser dans ses bombardements le groupe islamiste «Daesh» et ses filiales du Front al-Nosra (allié d’Al-Qaïda) et non plus, comme l'a-t-on constaté auparavant, les forces de l'opposition l'A.S.L (armée syrienne libre)! La deuxième est que le centre du conflit s'est déplacé en Libye. Les islamistes de Syrte, ville de l'ex-dictateur El-Gueddafi ont établi un parallèle historique avec le fief de Saddam à Tikrit. Les nationalismes arabes laïcs laissés en héritage par les deux leaders assassinés se sont, à ce qu'il paraît, transformés en extrémismes religieux. Au fait, après la défaire de la ville de Raqâa, Daesh se sent affaibli. Frappé au porte-monnaie des suites de la dernière crise énergétique mondiale, le groupe islamiste tente de tirer profit du jeu des déséquilibres des forces en présence sur le terrain. Mais jusqu'à quand cela allait-il durer ? Ni l'oncle Sam ni Moscou ne veulent de lui quoique les deux y voient en même temps une carte de Poker à jouer pour dissuader chacun d'eux d'avancer dans ses plans. La troisième est qu'une des conséquences indirectes du marécage syrien serait l'effacement ou plutôt la relégation de la cause palestinienne au second rang des préoccupations de la communauté internationale.

u début, tout le monde aura cru que la Palestine soit reconnue comme Etat par l'O.N.U en contrepartie de l'installation de l'Etat Kurde entre la Syrie et l'Irak, c'est-à-dire, à l'emplacement actuel de Daesh. Ce qui réglera à jamais ce nœud existentiel entre les Arabes et Israël. Lequel date, rappelons-le bien, de la deuxième moitié du XXe siècle. Une feuille de route qui aurait été fort prévue dès l'invasion de l'Irak par les Américains en mars 2003, c'est-à-dire, depuis la mise sur rails quelques mois plus tard par les néoconservateurs (les faucons) du bureau ovale du projet du Grand Moyen-Orient, mais vite abandonnée depuis en raison des rebondissements inattendus de l'occupation américaine.

Kamal Guerroua

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Commentaires (16) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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moh arwal

Ce qui se passe dans le monde artabo n'est pas le problème de l'Algérie terre amazigh.

Les arabisants doivent arrêter de nous confondre avec leur propagande destinée à nous mobiliser pour sauver l'arabisme en déclin à cause du terrorisme islamo-integriste dont ils sont les seuls générateurs et opérateurs.

Il y a en effet, beaucoup d'autres peuples musulmans dans le monde ou le terrorisme (produit exclusivement arabe) est pratiquement inconnu.

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