Si on se fit aux actions qu'Abdelaziz Bouteflika mène actuellement, il ne semble pas prêt à céder le pouvoir. L’analyse de sa réforme de la constitution montre de plus qu’il n’a pas l’intention de prendre sa retraite ni de démocratiser son pays. Malgré le terrible état dans lequel il a mis l’Algérie, le président tente de terminer son mandat comme si de rien n’était. Si Bouteflika a mis dans la nouvelle constitution qu’il peut consulter la majorité au Parlement avant de prendre des décisions importantes pour le pays, il ne s’en est pas donné l’obligation. Il y est encore au-dessus des questions des élus du peuple. Bouteflika ne concède rien.

La vacance du pouvoir que l’on voit partout en Algérie actuellement n’est en fait qu’une illusion. Si on ne peut voir aucune action concrète du gouvernement quand on parle du bien-être de la population, de droits de l’Homme, de justice ou d’humanisme, tous les efforts qui ne sont pas mis dans ces domaines sont cependant investis dans une corruption institutionnelle massive et florissante. Les récentes détentions d’opposants montrent bien le manque flagrant de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice en Algérie. Le ministre de la Justice désigne les juges et leur demande régulièrement des comptes. De plus, le coup de force du pouvoir législatif à l'occasion de l'adoption de la LF 2016 montre qu’il n’y a pas plus de justice sociale. Les acteurs majeurs du gouvernement ne sont pas incompétents à gérer le pays. Mais ils sont trop occupés à se remplir les poches et celles de leurs amis pour vraiment gouverner. Le vrai moteur de l’Algérie en 2016 sera le même qu’en 2015, soit sa culture de pots-de-vin et de pistonnage généralisé. Il faut donc en arriver à la conclusion que la réforme rêvée et souhaitée du système algérien totalement pourri de l’intérieur ne se fera pas sous le règne de Bouteflika.

Que ce président ait pu triturer déjà deux fois sa constitution pour la coller à ses besoins est le premier élément qui milite pour le peu d’importance qu’elle a dans les faits en Algérie. Ce n’est finalement qu’un élément de plus qui lui permet de se justifier devant la communauté internationale pour des actes inadmissibles autrement que par le respect de ce document qui est fondamental dans l’autre pays. Il n’y a qu’à voir comment la Constitution des États-Unis, qui est pourtant vieille de deux siècles, lie encore les mains de leur président face au contrôle des armes à feu pour comprendre que nous ne sommes pas en face d’un document de ce type. En Algérie, tout le système de propagande aide à maintenir le gouvernement Bouteflika. Il donne une lecture biaisée de l'histoire du pays qui n’est pas conforme à la réalité. Inscrire la réconciliation nationale dans cette constitution, pourrait d’ailleurs viser à assurer l'impunité des criminels qui ont été impliqués dans la grande tragédie nationale. Cela pourrait soustraire à la justice tant Bouteflika que tous les membres de son clan advenant leur perte du pouvoir et l’arrivée d’un gouvernement démocratique responsable. Ce serait aussi une autre protection pour les égorgeurs extrémistes qui continuent dans l’ombre à l’aider.

Tant les médias algériens que les dirigeants des pays étrangers semblent d’ailleurs avoir bien cerné la situation et la voient comme une autre action d’une très longue suite destinée à permettre la survie du régime. Finalement, Bouteflika a écrit une nouvelle constitution qui lui permet de conserver tous ses pouvoirs. Il va la faire valider par ceux qui ont intérêt à le maintenir dans le siège de président. Après la réforme constitutionnelle, l’Algérie restera soumise au même système corrompu qui existe actuellement.

Michel Gourd