Nouvelle constitution : une petite porte pour tamazight et de gros verrous pour protéger l’arabe

Des subterfuges linguistiques polluent l'officialisation de tamazight.
Des subterfuges linguistiques polluent l'officialisation de tamazight.

Ceci est une première réaction au sujet de l’annonce de l’officialisation de tamazight.

L’avant-projet de révision de la constitution est porteur d’une bonne et d’une mauvaise nouvelle en ce qui concerne l’officialisation de tamazight. La bonne nouvelle est que la question de l’officialisation de tamazight continue d’avancer, même si les pas contenus dans le texte de l’avant-projet demeurent extrêmement hésitants. Sur un plan purement symbolique, le statut officiel de tamazight est reconnu et une Académie de la langue amazigh est créée auprès du président de la république, voulant dire qu’elle n’est pas indépendante de la sphère politique.

Une première lecture rapide de l’article 3 Bis de la nouvelle constitution qui énonce le statut officiel de tamazight peut donner l’impression qu’il y a une avancée considérable en la matière. C’est vrai qu’il énonce que «tamazight est également langue nationale et officielle». Notons bien au passage l’usage de l’adverbe «également». Ce "également" permet d’annexer l’article 3 bis à l’article 3 qui stipule que "l’arabe est LA langue nationale et officielle". Cette annexion révèle l’intention des rédacteurs de ce texte de maintenir tamazight dans un rôle second par rapport à l’autre langue officielle qui est l’arabe. Un autre détail de style mérite également d’être souligné, c’est la présence de l’article "la" (L’arabe est LA langue nationale et officielle) qui énonce déjà la prémisse de l’inégalité de traitement des deux langues officielles. Tous ces subterfuges linguistiques traduisent un parti pris certain pour la langue qui a été la seule sur le terrain linguistique officiel depuis l’indépendance de l’Algérie.

L’autre indice de parti pris, on ne peut plus clair, est dans l’entrée en matière de l’article 3 qui énonce que "l’arabe demeure la langue officielle de l’État". Le lecteur moindrement initié aux questions de langues officielles verra très vite qu’une langue n’est pas réellement officielle si elle n’est pas la langue utilisée par les institutions de l’État, en particulier dans un pays où tout le pouvoir est très centralisé et que les institutions locales sont quasiment des coquilles vides. Si l’arabe est la langue officielle de l’État et que tamazight ne l’est pas, on est alors en droit de se poser la question suivante : Si l’arabe demeure LA langue officielle de l’État, tamazight est langue officielle de qui ?

Un autre subterfuge réside dans le mandat qui est donné aux institutions qui prendront en charge les deux langues maintenant dites officielles.

Pour l’arabe, "un Haut conseil est chargé notamment d’œuvrer à l’épanouissement de la langue arabe et à la généralisation de son utilisation dans les domaines scientifiques et technologiques, ainsi qu’à l’encouragement de la traduction vers l’arabe à cette fin".

Pour tamazight, "une Académie qui s’appuie sur les travaux des experts, est chargée de réunir les conditions de promotion de tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle". On lit bien concrétisation à terme et le texte ne donne aucune indication de la longueur de ce terme.

Notons bien une autre discrimination dans le traitement des deux langues. L’une (l’arabe) doit s’épanouir et être généralisée, malgré les 54 ans d’arabisation à coup d’investissements colossaux, l’autre (la petite nouvelle dans l’officialité) doit encore patienter pour voir son statut de langue officielle se concrétiser à terme. Posons-nous aussi une autre question : Si l’arabe doit continuer d’être généralisée, quelle est la place prévue pour tamazight ?

Ce projet de constitution pose d’autres questions sur lesquelles je vais revenir au fur et à mesure que le débat sur ces questions avance.

Docteur Hocine Toulaït,

Expert en politiques linguistiques au Canada

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Commentaires (18) | Réagir ?

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Rabah Mansour

Si les dirigeants actuels avaient l'intention de donner un statut de langue nationale et officielle à Tamazight ils auraient reconnu la version moderne de cette langue appelée aussi"tamaamrith" en hommage au grand Mouloud Mameri qui a passé toute sa vie à travailler pour sa promotion. Mais hélas ils continuent à faire dans le bricolage en continuant à ressusciter en vain cette langue morte qu'est l'arabe dont la seule fonction est de véhiculer l'intégrisme religieux islamique. Arrêtez la mascarade au lieu de la doper si vous avez l'intention de faire de ce pays un pays moderne où il ferait bon vivre au lieu d'en faire un véritable enfer sur terre. La plaisanterie a assez duré comme ça, vous ne trouvez pas?

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samir boularbeh

Now we are free ! la fameuse chanson de lisa gerrard ce n'est que de la réthorique (ironie) parce que de libèrté je ne vois aucun concept plutot je vois une certaine dependance et un esclavagisme (corruption) l'opium de la majorité bien modelé et sur mesure; pour faire taire, pour faire croire, et pour faire oublier au citoyens les nobles objectifs que toute nation songe à atteindre, d'une nation à part entière, typique en matière de developpement, de progrés, et évolution dans la conception idéologique....

Quelqu'un qui attend de ce système clandestin, cérébralement en panne;un changement je dis pas radical comme le défunt Ait Ahmed soutenait mais partiel ou à la rigueur donner un signe de volonté pour améliorer et simplifier la vie aux citoyens, a peut-etre perdu la raison.

Le 3 bis, l'article est couronné par cette condition (les modalités d'application de cet article sont fixées par une loi organique) c'est bien explicite, donc avant de parler de l'article il faut parler de cette loi organique là, si non on aura absolument rien fait.

Passant à ce qui est vague et ambigue

-Les experts: sont-ils des chercheurs en langue amazighe, ou bien sont d'origine arabe qui vont transformer les termes arabs en termes amazighes tout simplement ce qui strictement intolérable comme ils ont procédé dans le passé avec les noms de nos villages partout et en kabylie en particulier par exemple ath ouarthilane -->beni ouartilane, ain el hammam????ex michelet, ain en arab veut dire oeil je me demande comment cette nomination est arrivée au coeur du djurdjura ou bien lala khadija (lala n'existe pas dans notre vocabulaire) si ce n'etait pas une invention du totalitarisme!!

-Les conditions de promotion:indefinies et non prècisées donc une pure ruse, tout sera relatif à ces conditions, c'est à dire si demain on revendiquera l'officialisation definitive ils mettront en cause ces conditions de promotion qui seraient pas reunies comme justification pour trainer dans le temps la suspention de la question de tamazight officielle.

-L'accademie sera placée auprès du président de la republique sachant que ce dernier et tamazight sont deux lignes parallèles et puis j'ignore les raisons de cette centralisation de tant de pouvoirs dans une seule institution, (la magistrature, la defense, les accademies, et pas mal d'autres institutions) et sachant qu'il a echoué partout où il avait intervenue, le meme président qui n'a aucun minimum de savoir accademique et scientifique et le comble c'est la contradiction qu'il y-a dans l'article meme : "l'accademie qui s'appuie sur les travaux des experts" est-ce-que le président de la republique est un expert?non, pourquoi il s'attribue alors cette institution et cette tache si complèxe.

Enfin l'hypocresie de certains amazighes qui ne cessent de pretendre la sacralité de leur langue mais dans les epreuves du bac decrochent les meilleurs notes en langue arabe mieux que touts les arabs, je me rappelle de l'epoque de la note eliminatoire au bac qui n'etait qu'une manière, une politique d'imposer la langue arabe pour les bèrbères et que s'ils avaient le choix auraient refuser de passer l'arabe en ces épreuves là, et pourquoi on laisse pas le choix aux berberophones la langue arabe aux epreuves du bac comme dans certains pays europeens par exemple aux non chrétiens on laisse le choix d'assister aux cours de relegion...

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