Usurpation contre constituante

Le président avec son cercle rapproché.
Le président avec son cercle rapproché.

Entre euphorie et ferme démarcation le projet de révision constitutionnel, c’est le moins que nous puissions dire, ne laisse pas indifférent.

Annoncé comme l’œuvre majeure du chef de l’Etat (après sa monumentale mosquée ?), ce texte finira d’achever ce qui pouvait rester de défendable dans la constitution algérienne. Tout lecteur averti se rend vite compte que ce "couronnement" des quatre mandats de Bouteflika, a toutes les spécifications de l’acte d’accusation de cette longue gouvernance. Mais cela importe-t-il dans ce régime ? La fin justifie toujours les moyens et il n’en est pas à une contradiction près.

Touffue à l’extrême, elle rend le texte fondamental surchargé et illisible. Elle l’ouvre sur toutes les dérives et le charge de réels dangers. Emaillée de professions de foi, d’annonces formelles, dans cette constitution (la réalité patrimoniale de l'Etat empêche de considérer ce texte dans le statut de projet) l’essentiel des libertés et des droits énoncés sont lestés d’une suggestion à l’élaboration de textes d’application. Nous sommes loin de la rupture espérée de proclamation d’une seconde république. Je m’arrêterai à deux point qui illustre bien la mystification de cette révision.

Qui ne se souvient de cette promesse faite par si Abdelka que jamais tamazighit ne sera officielle ? Il la tient en nous faisant croire que nous avons eu raison de lui. Dans son texte, la question des langues devient un inextricable imbroglio qui se nourrit du refus entêté d’un traitement sérieux la question identitaire. L’Algérie, partie intégrante de l’Afrique du Nord, est un pays Amazigh. La conquête musulmane y a introduit des éléments culturels : islamité et arabité ; comme par la suite la conquête française y a ajouté la francité. Mais, est-ce pas pour autant que notre identité doit être appréhendée comme un assemblage arbitraire de Legos : arabité, islamité, amazighité ? Historiquement, la fable de l’arabisation par l’islam est autant un mensonge qu’une usurpation. Si arabisation il y a eu, elle est assurément un fait colonial d’aliénation et de dépersonnalisation. D‘ailleurs, Napoléon III, empereur des français n’a pas eu à faire d’effort pour faire sienne cette politique. Cette constitution perpétue les lubies d’assimilation et de hiérarchisation. L’arabe y est langue d’actes officiels, alors que l’officialité de seconde catégorie de tamazight reste abstraite. Pour le besoin, les rédacteurs inventent un pensif : langue officielle de l’Etat ! Mais qu’est-ce cet Etat ? S’il est à ce point distinct da la Nation et du peuple quels liens entretient-il avec ces catégories ? Terrain hautement glissant que les petits esprits qui ont calligraphié ces lignes ont lubrifié à souhait.

Jusque-là nous connaissions la redoutable efficacité de la notion de constantes. Ce projet la conforte cette nuisance par l’introduction de la morale comme règle constitutionnelle. Penser, réfléchir, créer, inventer, doivent être conforme aux constantes, à la religion musulmane, à la morale, à la culture de "la Nation". Ali Belhadj, Hamadache, Djaballah, Mokri et autres n’en demandaient pas tant. Tout est régenté. La recherche académique, la réflexion sur la Nation, sur le peuple. Les maquillages n’y changeront rien. L’approche, autoritaire, répressive et démagogique, révèle une telle petitesse de la réflexion qu’il en devient indécent de qualifier cette rédaction d’acte constituant.

L’état définitivement délabré de cette constitution rend plus que jamais nécessaire la lutte pour la convocation d’une assemblée nationale constituante. Processus de rupture qui doit d’abord liquider le système militaro-bureaucratique en place et lever l’hypothèque théocratique. En 1988, le système a réussi le tour de force de se régénérer à la faveur d’un pseudo processus démocratique dont il était le pilote. Aujourd’hui, aidé par une classe politique (démocratique) trop empressé à engranger des "acquis", il risque de rééditer le coup à un niveau hautement plus élevé.

Mohand Bakir

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Commentaires (3) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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Bachir Ariouat

Depuis 1962, nous vivons sous l'usurpation du pays, des lois, et de tous qui va avec, le pays, même le peuple il est usurpé par leur mafieux. prouvez-moi le contraire.

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