Quelles perspectives pour l'Algérie entre 2016 et 2020 ?

Les vannes de la rente risquent d'être fermées en 2016
Les vannes de la rente risquent d'être fermées en 2016

Que sera l'année 2016 ? Sur le plan financier elle sera plus difficile que celle de 2015. Il s'agit de dresser un tableau objectif et de dire la vérité à la population algérienne. Personne ne détient la vérité, ni le monopole du nationalisme. La vision dictatoriale du passé à vouloir imposer une politique sans concertation et dialogue productif est terminée, pouvant conduire le pays à une impasse. C’est à ce titre que je recommande au gouvernement quelques pistes afin qu’il ne commettre pas les erreurs du passé devant lier la sphère financière et la sphère réelle, la dynamique économique et la dynamique sociale, l’efficacité économiques par la libération de toutes les énergies créatrices et une profonde justice sociale (non l’égalitarisme), n’étant pas l’antinomie de l’efficacité économique.

1.- L’erreur de croire que la politique industrielle fondée sur la matérialité (vision essentiellement mécanique) est la seule voie pour dynamiser la production et les exportations hors hydrocarbures alors que nous sommes à l’ère de l’immatérialité et au primat de l’économie de la connaissance, devant prendre en compte le poste services au niveau de la balance des paiements. Certains responsables ont besoin d’une mise à niveau culturelle pour tenir compte de la nouvelle réalité du monde turbulent et en perpétuel mouvement.

2.- L’erreur de croire que la règle des 49/51% est la seule solution pour réduire les importations autant que le passage du Remdoc au Credoc ce qui a été démenti par la réalité. Les importations sont passées de 35 milliards de dollars à 60 milliards de dollars fin 2014, depuis la mise en œuvre de cette procédure tout en freinant les IDE. La majorité des ambassades occidentales et opérateurs étrangers ont affirmé que pour les PMI/PME créateur d’emplois et de valeur ajoutée ne viendront pas avec cette règle. Elle peut s’appliquer pour les segments stratégiques, pour le marché intérieur et non pour le marché mondial contrôlé par quelques firmes multinationales, segment qu’il s ‘agit de définir, avec précision, car historiquement daté, actuellement l’Algérie supportant tous les surcoûts. Un bilan, sans complaisance et vision idéologique, s’impose.

3.- L’erreur de confondre privatisation et démonopolisation (investissement nouveau du secteur privé) pour favoriser un cadre concurrentiel, tout monopole étant source de surcout et de gaspillage, mais qui rencontrera de fortes résistances, les gagnants de demain n’étant pas ceux d’aujourd’hui sous le couvert du slogan bradage du patrimoine national, mais en réalité pour préserver des intérêts de rente.. La réussite du processus de privatisation suppose un minimum de consensus social étant un acte avant tout politique et non technique qui est une cession partielle ou totale de capital qui peut être facteur de croissance à condition qu’elle concoure à dynamiser le transfert technologique et managérial. Et qu’elle permette des profits tenant compte également du Good Will (la demande potentielle), car continuer dans l’assainissement répété des entreprises publiques de plus de 70 milliards de dollars entre 1971/2014 est suicidaire. La privatisation de par l’expérience réussie dans le monde suppose des unités sinon aà court terme ou à terme sinon aucun repreneur sérieux n’est à attendre. Pour ma part je privilégie la démonopolisation. Pour la privatisation l’on devra privilégier la cession au profit des travailleurs et des cadres. Pour éviter toute mauvaise interprétation à des fins politiques, le secteur hydrocarbures (Sonatrach), Sonelgaz ne sont pas concernés par le nouveau code d’investissement régis par des lois spécifiques et ne dépendant pas du département ministériel de l’industrie..

4.- L’erreur de croire que le capital argent résout les problèmes alors que les deux fondamentaux du développement du XXIème siècle face à la mondialisation sont la bonne gouvernance et l’économie de la connaissance, le captal argent n’étant qu’un moyen, richesse virtuelle qu’il s’agit de transformer en capital productif. Si cela était vrai les pays pétroliers qui ont accumulé des centaines de milliards de dollars seraient développés. Aussi Combien d’entreprises publiques et privées consacrent leur chiffre d’affaires à la recherche développement ?

5.- L’erreur de croire que les infrastructures constituent le fondement du développement devant méditer les bulles immobilières notamment des Etats Unis d’Amérique et plus proche de l’Algérie de l’Espagne. Le risque est d’assister avec la chute de la dépense publique à des faillites de bon nombre d’entreprises du BTPH dans les années à venir du fait du rétrécissement du pouvoir d’achat des algériens, la majorité voulant un logement social.

6.- L’erreur de croire qu’un changement d’organisation résout les problèmes des entreprises et de l’économie : l’Algérie a procédé depuis l’indépendance politique aux sociétés nationales, puis aux fonds fonde de participation de l’Etat, puis aux holdings, puis aux sociétés des participations de l’état et actuellement aux groupes industriels. Or, l’Algérie en 2015 avec les dérivés, 98% des exportations relèvent des hydrocarbures et important 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% Sans vision stratégique, une cohérence dans la politique socio-économique évitant le changement perpétuel de cadres juridiques, et l’adaptation aux nouvelles mutations mondiales en termes de cout et qualité, il ne faut pas s’attendre au miracle.

7.- L’erreur de croire qu’une politique monétaire peut dynamiser l’économie : pour preuve le dollar était coté 5 dinars un dollar vers les années 1970, puis 45 dollars après le rééchelonnement de 1994, et actuellement 107 dinars un dollar et l’économie algérienne est toujours mono -exportatrice montrant que le blocage est d’ordre systémique. Les recettes économiques pour une économie de marché structurée (politique keynésienne de la demande globale) ont souvent un impact pervers au sein d’une économie sous développé dualiste.

8.- L’erreur de croire que face à cette situation, avec le dérapage du dinar que le capital argent de la sphère informelle représentant selon les méthodes de calcul entre 40/50% de la masse monétaire en circulation, serait déposé au niveau des banques. Or, n’existe pas de sentiments dans la pratique des affaires, tout agent économique pour se prémunir contre l’inflation, reconvertit son épargne soit dans les devises, dans l’or, dans l’immobilier ou l’achat de terre agricole.

9.- L’erreur de croire tant à une action positive de l’OPEP qu’un à un retour du cours du pétrole à prix constants de 90/100 dollars dans les années à venir. Or, l’OPEP représente seulement 33% de la production mondiale commercialisée, 67% se faisant hors OPEP. L’entrée des USA qui exporteront en Europe (pétrole/gaz de schiste dès 2017) de l’accroissement de la production de l’Iran, de l’Irak avec la stabilisation au Moyen Orient et de la Libye en Afrique du Nord, les nouvelles découvertes dans le monde notamment en méditerranéen orientale, le Mozambique qui sera fin 2016 le troisième producteur en Afrique, Mozambique qui sera le troisième producteur en Afrique fin 2016 bouleversent la carte énergétique mondiale. Il s’agira d’éviter l’erreur stratégique de raisonner sur un modèle de consommation énergétique linéaire, devant assister à un nouveau modèle de consommation énergétique au niveau mondial reposant sur un Mix énergétique dont les énergies renouvelables. Car si l’Inde, la Chine et les pays en voie de développement avaient le même modèle de consommation énergétique, il faudrait cinq fois la planète terre. Le prix de cession du pétrole ( le prix du gaz étant indexé) est fonction fondamentalement du taux de croissance au niveau mondial assistant à de faibles taux de croissance des pays développés, à un taux de croissance en berne des pays émergents dont la Chine, le Brésil, l’’argentine, et à un moindre degré l’Inde, et surtout du nouveau modèle de consommation énergétique au niveau mondial.

10.- L’erreur de croire à une paix sociale fictive grâce aux subventions généralisées mal gérées et mal ciblées représentent avec les transferts sociaux presque un tiers de la production intérieure brute(PIB). L’Algérie ne peut plus continuer dans cette trajectoire quitte à aller vers un suicide collectif. L’on devra cibler les catégories les plus défavorisées et les segments que l’on veut dynamiser à travers la création d’une chambre nationale de compensation qui réalisera des péréquations intra-socioprofessionnelles et intra-régionales pour un espace équilibré et solidaire. Mais dans la conjoncture actuelle faute d’un système d’information fiable, qui s’est totalement effrité, il faut aller graduellement. Je préconise une institution stratégique de planification sous l’autorité du président de la république ou du premier ministre, une erreur de politique économique faute d’informations pouvant occasionner des pertes se chiffrant en dizaines de milliards de dollars.

11.- Dire la vérité à la population car la majorité des membres du gouvernement, qui doivent avoir une moralité sans faille et être crédible, ne savent pas communiquer avec un langage simple et accessible à la population, la voie orale étant majoritaire en Algérie. A un cours de 60 dollars le baril, les recettes de Sonatrach serait de 34 milliards de dollars, et devant soustraire environ 20% de cout, le profit net serait de 27 milliards de dollars. ; à 50 dollars le profit net serait de 21 milliards de dollars ; à 40 dollars 15 milliards de dollars et à 20 dollars le profit net tendrait vers zéro. Comment mobilier les 100 milliards de dollars prévus par Sonatrach entre 2015/2020 sans compter les 20/30 milliards de dollars de Sonelgaz devant être attentif au vecteur prix 2020 pour voir s’il ya retour de l’investissement et éviter des pertes considérables.

12.- Dire la vérité à la population car la valeur du dinar qui comme toute autre monnaie dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité. Le dinar algérien est corrélé à 70% aux réserves de change qui eux-mêmes dépendent des recettes de Sonatrach. Si les réserves de change tendaient vers 10 milliards de dollars, la cotation officielle du dinar serait plus de 200 dinars un dollar et le cours sur le marché parallèle plus de 250 dinars. Cela aura des incidences sur le coût des entreprises et donc sur le pouvoir d’achat des algériens, augmentation des prix des produits finis et matières premières importées dont le montant a été de plus de 17 milliards de dollars en 2014 selon l’ONS. Egalement un impact négatif sur le taux d’emploi qui est corrélé via la dépense publique à 70% accroissant le taux de chômage avec une demande additionnelle de 300.000/350.000 demande par an en plus du taux de chômage actuel. Le taux de croissance devra être de 8/10% sur 5 à 10 ans pour atténuer les tensions sociales à venir. Les recettes de Sonatrach ont été de plus de 760 milliards de dollars entre 2000/2014 selon le FMI et les importations de plus de 575 milliards de dollars et le taux de croissance moyen n’a pas dépassé 3% alors qu’il aurait du être de 9/10%. D’autant plus qu’avec la forte consommation intérieure, l’Algérie risque d’être sans pétrole et gaz traditionnel horizon 2030 au moment où la population approchera 50 millions.

13.- Eviter l’illusion de dépenser sans compter car l’actuelle dépense publique, en rappelant que le montant des services est passé de 2 milliards de dollars en 2002 à 11/12 milliards de dollars entre 2010/2014), les importations de biens et services, ont été en 2014 de 70,3 milliards de dollars sans compter les 4/5 milliards de dollars de transferts légaux de capitaux avec une recette de Sonatrach de 59 milliards de dollars. Le déficit budgétaire prévu par la loi de finances 2016 serait au cours de 107 dinars un dollar est d’environ 35 milliards de dollars, le dérapage du dinar voilant l’importance du déficit budgétaire et le fonds de régulation des recettes calculé en dinars Car si l’on applique 75 dinars un dollar le déficit serait de plus de 45 milliards de dollars. Or la loi de finances 2016 prévoit un montant du fonds de régulation des recettes entre 17/18 milliards de dollars au cours de 60 dollars le baril en moyenne.

14.- Dire la vérité pour éviter les impacts du scénario de 1986 car au rythme des dépenses actuelles, le Fonds de régulation des recettes risque de fondre courant 2017, et les réserves de change horizon 2018. Car les actions contenues dans les lois de finances ne sont que de mesures conjoncturelles devant avoir une vision stratégique. Du fait du dépérissement du tissu économique productif, 83% de la superficie étant constituée de petits commerce/services (tertiarisation de l ‘économie), le secteur industriel représentant 5% du PIB et sur ces 5%, plus de 95% étant des PMI/PME peu compétitives, la compression brutale des importations d’une manière brutale occasionnerait la fermeture de la majorité des entreprises. Aussi les restrictions budgétaires pourraient voir une baisse d’environ 5/6 milliards de dollars fin 2015 et tout plus 10 milliards de dollars fin 2016, les autres rubriques étant incompressibles. L’on pourrait jouer également grâce à l’établissement d’un tableau de la valeur au niveau douanier afin de lutter contre les surfacturations afin de réduire la facture d’importation. Pour la réduction des quantités, et notamment à travers les licences d’importation (prévues par l’OMC, ce ne sont pas les anciennes licences des années 1970 du monopole d’Etat), cela concerne que quelques produits concurrentiels à la production nationale mais ces mesures ne sont que transitoires. Il ne faut induire en erreur l’opinion, la révision de l’Accord d’association demandée par l’Algérie ne concerne pas le cadre global mais l’assouplissement de quelques rubriques. Car en cas d’ouverture du marché européen que peut actuellement exporter l’Algérie en dehors des hydrocarbures dont d’ailleurs la part du marché du gaz est passée de 14% entre 2007/2008 à 8% en 2014 ?

15.- Eviter la démagogie par une bonne communication gouvernementale, évitant les discours contradictoires entre responsables, ni sinistrose, ni autosatisfaction contredisant la réalité économique et sociale. L’Algérie avec une dette extérieure inférieure à 4 milliards de dollars, des réserves de change qui termineront à 140 milliards de dollars n’est pas dans la même situation que celle de 1986. Elle a les potentialités de surmonter cette situation difficile sous resserve d’un large front national tenant compte de toutes les sensibilités sans exclusive. Nous avons deux scénarios : soit aller directement au FMI en 2018 soit l’éviter par de profondes réformes structurelles afin d’adapter l’Algérie aux nouvelles mutations mondiales et aux nouveaux enjeux géostratégiques qui se dessinent dans notre région. Si les réformes de fond se réalisent en 2016, les effets positifs ne se manifesteront que vers 2020/2022. Tout retard engendrera des tensions à terme car en ce monde toute Nation qui n’avance pas recule forcément. Telles sont les quelques recommandations qui sous-tendent une nette volonté politique de changement et une moralité de ceux qui dirigent la Cité. Cela renvoie à des facteurs autres que l’économique, le politique, le social et le culturel solidaires.

Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, expert international

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Commentaires (4) | Réagir ?

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veriteAMER

Ce nouveau ancien prophète qu' est cet "expert" est plus insignifiant que le vent ! alors du vent !

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moh arwal

ses expertises donnent le vertige

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Messaoud MESSAOUD

belle analyse et belle capacité de propositions, monsieur le professeur Abderrahmane Mebtoul. je me mélange un peu les pinceaux avec tous ces chiffres savants, mais sur le fond je reteindrais certaines de vos propositions.

en premier lieu l'Algérie a des ressources humaines de qualité qui peuvent penser l'avenir autrement que sur le court terme. (c'est l'impression que j'ai en lisant une multitude d'articles, une impression de décisions prises en "réaction" et non dans "l'action".) pour une bonne gouvernance et dans un esprit de prospective, je pense qu'il faut commencer par cela, voir l'avenir sur plusieurs dizaines d'années. dans ma culture, un proverbe dit " agis mais ne t’agite pas", c'est un des problèmes, à mon sens de l'Algérie. cependant rien n'est perdu.

sans commenter tous les points relevés, ceux qui me paraissent prioritaires est le passage à une société de service, en complément de la société de production. à mes yeux la production a encore de beaux jours devant elle, le fait de penser que les intellectuels et les concepteurs suffisent et que la production peut être traitée à l’étranger (chez les bas salaires bien entendu), n'a aucun avenir. (on ne chasse pas les ouvriers et les travailleurs manuels de la société, ils en sont un des fondements)

sur l'argent roi, là aussi il y a une réflexion à mener, certains voudraient la grande bourse d'Alger comme celle de Londres, cette fameuse city qui règle tout est un leurre.

sur le fait de ne pas acheter la paix sociale est aussi un point important, c'est encore une idée de "réaction"

dernier point sur lequel vous insistez et je vous donne raison est la clarté de la communication face au Peuple. des décisions claires, de la transparence, les Algériens savent réfléchir, comprendre les difficultés de l'évolution du monde, il est nécessaire de leur expliquer clairement les choses sans auto-satisfaction, ni détresse notoire.

enfin, la balance extérieur, renouveler l'agriculture, le tourisme, les infrastructures, le numérique et tout cela en circuit courts.

l'Algérie a du talent, des ressources humaines compétentes, elle s'en sortira la tête haute pour le bien de tous, dans un cadre de respect du Peuple et dans une vision actualisée de l'avenir.

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