Hocine Aït Ahmed, ou l'homme qui aimait trop l'Algérie

Aït Ahmed.
Aït Ahmed.

"La chute des grands hommes rend les médiocres et les petits importants. Quand le soleil décline à l'horizon, le moindre caillou fait une grande ombre et se croit quelque chose." Victor Hugo

Hocine Aït Ahmed aimait l'Algérie, mais l'Algérie officielle ne l’aimait pas. Depuis son exil suisse, après son évasion de la prison d'El Harrach en 1966, il la regardait, comme une femme rêvée et inaccessible, se faire maltraiter par des tyrans et des faussaires.

Il souffrait à distance, échafaudait des plans pour la secourir, écrivait des discours et des livres, provoquait des réunions, interpellait les forces vives de la nation. En vain.

Les officiels restaient sourds, ignoraient ses avertissements, méprisaient ses opinions, narguaient son action. Isolé, il a vu quelques-uns de ses compagnons de lutte - Krim Belkacem, Mohamed Khider et Mohamed Boudiaf - se faire éliminer par les barbouzes du régime. Malgré les déceptions et les menaces, Hocine Aït Ahmed continuait à résister. Car il aimait trop l'Algérie, envers et contre tous.

Trois vertus sont rares chez les politiques : les convictions, le courage et la vérité. Hocine Aït Ahmed, quoi qu'on puisse lui reprocher, n’en a jamais manqué durant sa longue vie de combattant. Avec bravoure et cohérence, il a défié durant de longues années le colonialisme français avant de faire face à un colonialisme intérieur, la junte militaire d'Alger et ses pions qui ont confisqué l'Indépendance au peuple.

Hocine Aït Ahmed est de la trempe des grands révolutionnaires de ce monde : il n'a pas retourné sa veste, aucunement menti à ses partisans, jamais été corrompu. Il a fait ce qu'il fallait, souvent avec fougue et sincérité. Pris dans les mailles de l'exil, en aucun cas il n'a cédé à la lassitude.

Il n'a cessé de s'opposer, de dénoncer, d'écrire, de crier, d'avertir, de souffrir… avant de partir dignement comme il a vécu, en homme libre, sans rendre les armes, les mêmes idéaux chevillés à la tête, le même amour de la liberté noué aux tripes.

Fidèle à ses valeurs de Kabyle et proche des "petites gens", il a émis le vœu, en rendant l'âme, de reposer dans le village qui l'a vu naître, Aït Yahia, près de son ancêtre et poète Chikh Mohand Oul-Hocine, loin du cimetière glauque d'El Alia où sont enterrés les dignitaires du régime.

Il est certes parti avec du chagrin et de la colère, mais il savait, en grand amoureux de la la Grèce antique et comme Euripide, que "le temps révèle tout : c'est un bavard qui parle sans être interrogé".

En effet, souvent l'histoire dévoile les imposteurs. Elle rend justice à ceux qu'on a trahis. Tôt ou tard, elle célèbre les grands hommes et montre les abjections des "nains". Hocine Aït Ahmed est entré dans la postérité. Les générations futures lui érigeront un panthéon, brandiront son portrait et se raconteront le fascinant roman de sa vie.

Karim Akouche

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Commentaires (5) | Réagir ?

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moh arwal

Quoi qu' il ait fait comme erreur (erraros umano es) il a été le seul à approuver la plateforme de la soumame, à s'opposer au groupe de tlemcen durablement sans faillir, a fonder un parti d'opposition fort (FFS iwar) tombeur du parti unique. Personnellement je n'oublierais jamais le geste symbolique qu' il vient de lancer comme dernier message a la generation en dispositon dans son testament son enterrement au coeur de la haute kabylie, loin du carré ou ronflent certains cochons de la politique comme ben bella, boumedienne. ali kafer. boussouf. Rien que pour ça il ira droit au paradis Allah irahmou !!

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Hend Uqaci Ivarwaqène

C'est vrai que lui, il aimait l'Algérie ! Normal, il était lui même une exception.

D'ailleurs personne n’a dit qu’Aït Ahmed était un homme ordinaire ! Et personne n’empêche ses amis de l’encenser. Mais dans la vie de cet homme il ya, comme dit l’adage, à boire et à manger !

Mais peut-être que ce n’est pas le moment d’ouvrir les placards, il y a un deuil à respecter !

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albert smail

Tu veux chercher et trouver des os dans un foie gras limpide ! Vas- y chiche, déballe tout maintenant tant qu'on y est , c'est le moment ou jamais ! car passée la période de deuil, les gens vont vaquer à leur occupation et passer à autre chose et il n y aura personne pour écouter tes déballages, mon ami Iverwaqene !

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Massinissa Umerri

Et meme a chiller, ay avarchen. Si ce n'etait la mega (lomanie), ma petite Kabylie m'aurait suffie. Pour elle j'aurais negotie', je me serais fait avoir pour secourir sa liberte'. Mais helas, j'ai connu les vagues de l'Atlantique, le sommet du Djurdjura j'ai appercu le fond de la brousse Africaine, les pyramides Egyptiennes et au-dela, j'ai appercu les torches de petrole brulantes de l'Arabie.

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Alors respectez le deuil, personne n'est infaillible dans la vie, avant de suspecté quoi que ce soit, lorsque on sait pas, on la ferme.