Règle des 49/51%, droit de préemption, surfacturation et débats idéologiques stériles

En lieu et place de la fuite en avant, un débat sérieux sur les orientations économiques du pays doit être lancé par le gouvernement.
En lieu et place de la fuite en avant, un débat sérieux sur les orientations économiques du pays doit être lancé par le gouvernement.

Le patriotisme économique s’assimile-t-il au tout Etat ou à un rôle plus accrue de l’Etat régulateur ? L’intelligence supposant l’adaptation aux situations (prenons exemple sur la Chine fondateur du communisme), je déplore qu’aucun débat public sérieux n’ait eu lieu sur le futur rôle de l’Etat en Algérie, débat indispensable pour éclairer la future politique économique et sociale et éviter des débats stériles, sans portées opérationnelles.

1.- La règle des 49/51% instaurée en 2009 a-t-elle permis la réduction de la dépendance économique ?

La valeur des importations a été de 20,048 milliards de dollars en 2005, de 21,456 en 2006, de 27, 631 en 2007, de 39,479 en 2008, de 39,294 en 2009, de 40,473 en 2010, de 47,247 en 2011, de 47,490 en 2012, de 55,028 en 2013 58,330 en 2014. Il s’ensuit que selon le CNIS (Centre National sur l'Information Statistiques des Douanes) que le solde de la balance commerciale a évolué comme suit (y compris les exportations hors hydrocarbures) : 24,989 milliards de dollars en 2005, 33,157 en 2006, 32,532 en 2007, 39,819 en 2008, 5,9 en 2009 (moment de la crise d'octobre 2008), 16,580 en 2010, 26,242 en 2011, 24,376 en 2012, 9,946 en 2013 et seulement 4,626 en 2014. L'excédent commercial important entre 2005 et 2008 a permis le remboursement de la majorité de la dette extérieure par anticipation.

Selon les chiffres des Douanes algériennes rapportés en date du 21 mars 2015, la balance commerciale de l'Algérie a enregistré un déficit de 341 millions de dollars entre janvier et février 2015 (deux mois) alors que durant la même période 2014 elle était excédentaire de 1,71 milliard de dollars. Mais la balance commerciale a peu de signification devant toujours prendre en compte la balance des paiements incluant les mouvements de capitaux y compris le mouvement des services, l'Algérie étant importateur net.

Ainsi, le solde de la balance de paiement qui s'établit comme suit : 29,6 milliards de dollars en 2007, 35,7 en 2008, 3,9 en 2009, 15,3 en 2010, 20,1 en 2011, négatif 7,2 en 2012, négatif 14,2 en 2013 et négatif de 15,9 en 2014. En effet, à ce montant des achats de biens à l'étranger, il faut ajouter les importations de services dont le montant selon les données de la Banque d’Algérie en 2014 a été de 11,7 milliards de dollars contre 10,74 milliards de dollars en 2013 contre pour 2006 4,78 milliards de dollars, 11,90 milliards de dollars en 2010 , 12 milliards de dollars en 2012. Si l'on prend en moyenne 11 milliards de dollars entre 2012/2014 de services, les sorties de devises y compris les transferts légaux de capitaux des compagnies étrangères (une moyenne de 5/7 milliards de dollars par an) ont été de 74/ 76 milliards de dollars en 2014 alors que les rentrées de Sonatrach au cours de 60 dollars en moyenne annuelle ne dépasseront pas 34 milliards de dollars et 27 milliards de dollars au cours moyen de 50 dollars, montant auquel il faudra soustraire 25% de coût pour avoir le profit net. Comme conséquence une baisse des réserves de change qui selon le FMI ont évolué ainsi en milliards de dollars : 110 milliards de dollars en 2007, 143,1 en 2008, 148,9 en 2009, 162,2 en 2010, 182,2 en 2011, 190,7 en 2012. Pour le gouverneur de la Banque d'Algérie, dans une déclaration en date du 19 mars 2015, les réserves de change de l'Algérie se sont établies à 178,94 milliards de dollars au 31 décembre 2014, et 159 milliards de dollars à mars 2015, contre 194,012 milliards de dollars en 2013 et clôtureront certainement à moins de 140 milliards de dollars fin 2015. Au rythme de la dépense actuelle et sans orientation de l’actuelle politique économique supposant une autre vision stratégique, le fonds de régulation des recettes fondra courant 2017 et les réserves de change horizon 2018/2019. Car 83% du tissu économique étant constitué de petits commerce/servies, le secteur industriel représentant moins de 5% du PIB et sur ces 5%, plus de 95% étant des PMI/PME peu concurrentielles de types familiales, la majorité des importations sont incompressibles. Et en 2015 avec les dérivées 98% des exportations proviennent des hydrocarbures et les besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% sont importés. Aussi, avec beaucoup d’acrobaties la baisse des importations de biens selon la LFC complémentaire 2015 n’a permis (en prévision) une baisse que de 5/7 milliards de dollars non compris les services et le projet de loi de finances 2016 devrait suivre la même tendance, une baisse drastique couplée avec la dérapage du dinar qui approche au cours officiel 107 dinars un dollar et 118/120 dinars un euro accentuant les difficultés de trésorerie de bon nombre d’entreprises avec comme conséquence le risque d’un processus inflationniste élevé pour 2016 qui pénalisera les couches les plus défavorisées.

2.- Dépasser les querelles idéologiques stériles

En fait il s ‘agira de différencier les secteurs stratégiques historiquement datés, ce qui est stratégique aujourd’hui peut ne pas le devenir demain, des secteurs non stratégiques dont les PMI/PME dont la règle des 49/51% est inopérante avec l’introduction d’une minorité de blocage pour éviter les délocalisations sauvages. La véritable protection de l’économie nationale devra se faire en référence à des critères objectifs : balane devises excédentaire, transfert technologique et managérial profitable à l’Algérie. Et c’est dans ce cadre qu’il s‘agira d’introduire le droit de préemption non généralisable et cas par cas, loin de toute vision idéologique devant être pragmatique, la décision devant se prendre en conseil des ministres et éviter de s’enfermer dans une loi ou décret contraignant, vision bureaucratique du passé. Lorsque les USA ont interdit à certains pays du Golfe d’investir dans les ports américains, ils n’ont pas pondu de lois mais ont invoqué la souveraineté des Etats Unis d’Amérique. Les pays qui attirent le pus d’investisseurs sont les pays qui n’ont pas de codes d’investissement. Pour preuve, l’Algérie depuis l’indépendance politique a pondu plusieurs lois de réorganisations des capitaux marchands de l’Etat et plusieurs codes d’investissement et la situation est toujours la même, une économie foncièrement rentière. Ainsi, la règle des 49/51% qui devait réduire les importations n’a eu aucun impact. Bien au contraire, selon les données officielles des institutions internationales, elle a fait fuir bon nombre de capitaux étrangers, déclassée l’Algérie dans le monde des affaires et les quelques cas enregistrés l’Algérie ayant supporté les surcouts grâce à la rente des hydrocarbures. Où est donc la souveraineté nationale ? L’objectif est d’avoir une vision stratégique grâce à un Etat régulateur, fort de sa moralité, agissant comme un chef d’orchestre, conciliant efficacité économique et une très profonde justice sociale et d’encourager toutes les libertés et notamment la liberté d’entreprendre dans un cadre non monopolistique mais concurrentiel. Rappelons qu’un droit de préemption est un droit légal ou contractuel accordé à des personnes privées ou publiques d'acquérir un bien par priorité à toute autre personne et ce lorsque le propriétaire manifeste sa volonté de le vendre. Une préemption résulte soit de la loi, soit d'un contrat entre les intéressés. Par exemple, en droit des affaires, les statuts d'une société peuvent prévoir un droit de préemption sur les parts sociales ou actions de l'entreprise au profit des associés ou des actionnaires, afin d'éviter qu'une personne non agréée puisse acheter une partie du capital social. Généralement, le titulaire du droit de préemption a généralement un à deux mois pour faire connaitre sa réponse. À défaut de réponse dans ce délai, il est réputé avoir renoncé à son droit de préemption et le propriétaire peut alors vendre son bien librement, mais aux mêmes conditions. Si le bénéficiaire décide de préempter, il le fait aux conditions financières demandées par le vendeur. Toutefois, certains droits de préemption publics permettent au bénéficiaire d'offrir un prix inférieur à celui demandé par le vendeur (prix des domaines par exemple). En cas de désaccord persistant, le "juste prix" est alors déterminé par une autorité impartiale.

Pour l’Algérie, il existe deux cas intéressant de droit de préemption dont il s'agit de faire le bilan sans passion, celui de Djeezy et du complexe d’El Hadjar alors que l'actuel ministre de l'industrie avant le retrait d'Arcelor Mittal, à sa demande, affirmait que c'était une réussite. Le bilan réel doit être fait par le ministre de l'Industrie. Ce droit de préemption a-t-il permis d’accroître les recettes de l’Etat et l’efficacité de ces deux entreprises ou au contraire les surcoûts ont-ils été supportés par le trésor public ? A ce jour, à l’instar de la règle des 49/51% aucun bilan à ce jour. Avec la baisse des recettes d’hydrocarbures et la pression d’idéologiques qui se targuent d’avoir le monopole du nationalisme, qui diabolisent le secteur privé national et international, l’Etat algérien ne peut plus subventionner à l’infini des entités non rentables.

3.- Eviter des déclarations nuisibles aux intérêts du pays

Face à des accusations de perte de souveraineté, sans une analyse objective de la situation socio-économique algérienne, concernant justement le droit de préemption, certains responsables allument le feu alors que l’Algérie a besoin d’un regard lucide. En effet, il est déplorable de constater des discours contradictoires de certains responsables avec des accusations publiques d’une extrême gravité qui portent préjudice aux intérêts supérieurs de l’Algérie ayant été contacté récemment par plusieurs télévisions internationales et institutions qui veulent savoir si ces propos sont justifiées. Je leur ai répondu que je n’avais rien à dire et qu’ils devaient s’adresser à ces responsables. Ces déclarations sont inopportunes en ces moments de grands bouleversements géostratégiques qui menacent l’Algérie qui a besoin de la cohésion de tous ses enfants sans exclusive et devant tenir compte de toutes les sensibilités. Par exemple le ministre des Finances qui avait déclaré que l’opération d’insertion d’argent de la sphère informelle donnait des résultats et voilà que le premier bilan avance 3,5 milliard de dinars soit 32., 7 millions de dollars au cours actuel alors que les données du Premier ministre sont de 37 milliards de dollars circulant dans la sphère in formelle et selon, certains organismes internationaux plus de 50 milliards de dollars moins de 0,1% (tout dépendant de la méthode de calcul voir Pr A. Mebtoul étude sphère informelle Institut français des Relations internationales - IFRI Paris décembre 2013 où sont exposés les différentes méthodes de calcul). Récemment encore, le ministre de l’Industrie après la déclaration tapageuse vis-à-vis d’un opérateur privé devant un étranger, lors de sa récente audition à l’APN, signe et persiste portant des accusations vis à-vis d’opérateurs privés notamment les concessionnaires les accusant de surfacturations allant parfois selon lui à 70/80%.

Non Monsieur le ministre du commerce…

Le ministre du Commerce avance un montant faramineux de transferts illicites de capitaux, soit 20 milliards de dollars uniquement 2014 sans compter les services, (non, M. le ministre, il n’y pas eu confusion dans vos paroles, vos déclarations faite à la chaîne III ayant été enregistrées et vous avez répondu deux fois à la question posée : est-ce que vous affirmez que c’est 20 milliards de dollars de transferts illicites et vous avez répondu deux fois oui), sans compter les services. Cela concerne plus de 70% des entreprises publiques qui sont les plus gros importateurs, la facture importante d'importation étant tirée de la dépense publique, les opérateurs privées y compris du patronat et du FCE, tous les ministères y compris celui de la défense nationale rappelant que plus de 85% des crédits octroyés proviennent des banques publiques. Pourquoi avoir jeté cette suspicion générale de "voleurs" à la majorité des opérateurs, en ces moments précis, où tous les cafés d’Algérie en parlent. S’il existe des preuves, dans un Etat de Droit, le ministre de l’Industrie et du Commerce, doivent saisir la justice.

Les déclarations contradictoires des responsables chargés de l'économie impose en urgence un grand ministère de l’économie nationale couplée avec celui d'un grand ministère de l'éducation nationale si l'on veut une visibilité et cohérence dans la démarche de la politique socio-économique. Personne n’a le monopole du nationalisme qui se définit en ce XXIe siècle, en ce monde interdépendant, impitoyable pour les faibles et turbulent, où toute nation qui n’avance pas recule, par la contribution des Algériennes et Algériens à l’accroissement de la valeur ajoutée interne qui devra être équitablement répartie, n’existant pas d’antinomie entre efficacité économique et justice sociale et par là contribuer à la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales.

Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, Expert International

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Commentaires (5) | Réagir ?

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adil ahmed

danke schoon

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Ahmed Umeri

Sans être expert en économie, la règle 49/51 est indispensable, pour protéger notre économie. Cette règle, ne l'oublions pas, a été instauré pour barrer la route aux escrocs, qui viennent dans notre pays, se remplir les poches, sans un seul Euro d'investi, c'est le cas de Chorafa, de Djezi

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