Togo : la ville de Mango en proie à des violences les 6 et 7 novembre

5 morts dus à la répression d'une manifestation au Togo
5 morts dus à la répression d'une manifestation au Togo

La ville de Mango (520 km au nord de Lomé) a été le théâtre de violents affrontements entre forces de l’ordre et manifestants hostiles à un projet de réhabilitation des aires protégées de la préfecture de l’Oti. Le bilan s’élève à 5 morts et plusieurs blessés.

Selon le récit du préfet de l’Oti, représentant du pouvoir central dans la région, les manifestants décédés le 6 novembre auraient tentés d’arracher les armes aux forces de l’ordre qui auraient alors tiré pour se défendre. Un manifestant grièvement blessé le 6 novembre aurait succombé à ses blessures le lendemain. Le samedi 7 novembre, deux personnes auraient également trouvé la mort, renversées accidentellement par un véhicule des forces de l’ordre.

Réhabilitation des aires protégées

Placé sous le parrainage du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) et du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), le projet de renforcement du rôle de conservation du système national d’aires protégées du Togo a été lancé en 2012. Ce projet de réhabilitation des aires protégées concerne quatre pays de la sous-région ouest-africaine, le Bénin, le Ghana, le Burkina Faso et le Togo.

Il s’agit notamment de borner des espaces destinés à la faune et la flore. Ainsi, les populations occupant illégalement ces zones seraient donc priés de se déplacer afin d’y préserver l’écosystème, dans un contexte international de plus en plus dominé par la problématique de la promotion de l’environnement. Le projet, exécuté jusqu’à 100 % dans certains pays comme le Bénin ou le Ghana, concerne au Togo trois préfectures, Kpendjal, Kéran et Oti. C’est donc dans cette dernière préfecture, que les manifestations violentes d’hostilité au bornage en cours sont localisées.

Les faits

Une association ne disposant pas de récépissé officiel appelle depuis quelques jours les populations de Mango et des environs à manifester contre le bornage en cours des aires protégées de la préfecture. En dépit de l’interdiction de la marche conformément aux dispositions légales régissant les manifestations dans le domaine public, un cortège constitué principalement de jeunes de la localité a violemment manifesté à Mango le vendredi 06 novembre. Les slogans visiblement hostiles au projet de conservation des aires protégées, doublés d’appels à la démission du préfet, le lieutenant-colonel Awade étaient proférés par la foule, déterminée à investir les locaux de la préfecture par la force.

Le cordon des forces de l’ordre déployé sur place a tenté de repousser la foule. Dans un cafouillage au cours du face-à-face, certains jeunes ont tenté de se saisir des armes des éléments des forces de l’ordre. Ceux-ci ont alors effectué des tirs de sommation qui ont malheureusement atteint mortellement deux manifestants.

Le lendemain, des manifestants sont allés arracher les dépouilles des deux victimes de la veille à leurs familles, qui conformément aux usages musulmans du milieu, devaient procéder à l’inhumation. Les dépouilles ont alors été déposées devant les bureaux de la préfecture par des jeunes surexcités. Dans la foulée, un véhicule des forces de l’ordre pris pour cible par la foule, a percuté accidentellement deux autres manifestants décédés dans la foulée. Il est à noter qu’un blessé du 6 novembre a également succombé, portant le nombre de morts à 5.

Contexte historique

Les événements des 6 et 7 novembre à Mango trouvent leur explication dans l’histoire contemporaine de la région. Dans les années 1980, une politique de protection de la faune du milieu avait engendré des abus de toutes sortes commis sur les populations. A l’époque, outre les expropriations forcées, des mesures draconiennes étaient appliquées par l’administration du préfet militaire. Jusqu’au début des années 1990, lorsqu’à la faveur de l’ouverture du pays à la démocratie, les populations riveraines ont décidé de reprendre les espaces desquels elles avaient été délogées. Conséquence, le milieu naturel des animaux est compromis. Et c’est pour remédier à cette situation que le projet de renforcement du rôle de conservation du système national d’aires protégées du Togo, financé par le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) avec l’appui du PNUD est mis en œuvre dans les pays précités.

Un groupe de travail des cadres de la préfecture de l’Oti, mis en place par le ministre de l’environnement et de la protection des ressources forestières a été chargé d’expliquer la nouvelle démarche aux populations, mission à laquelle le comité se dévoue depuis plusieurs mois.

Mais face à ce contexte historique douloureux, et surtout à un climat sociologique tendu dans la région, marqué notamment par des conflits de chefferie traditionnelle, des rivalités entre communautés..., le bornage en cours des aires protégées a réveillé les blessures du passé. La méfiance des populations face à un projet qui n’a rien en commun avec les mesures des années 1980 a donc mis le feu aux poudres.

Renforcement du dialogue

Tenu informé minute par minute de la situation dans l’Oti, le chef de l’Etat togolais a donné des consignes fermes aux ministres impliqués dans le dossier pour l’instauration d’un dialogue direct avec les populations. Le projet de renforcement du rôle de conservation du système national d’aires protégées du Togo est suspendu pendant la durée des tractations en cours afin de parvenir à un large consensus pour la mise en œuvre du programme.

Des sanctions conservatoires ont été prises à l’encontre des éléments des forces de l’ordre impliqués dans les évènements tragiques des 6 et 7 novembre. Parallèlement, une enquête judiciaire ouverte par les autorités doit situer les responsabilisé. La justice disposera des moyens nécessaires pour accomplir son travail dans la transparence afin de punir les éventuels coupables de bavures.

Le Togo souscrit régulièrement aux efforts internationaux en vue de la protection de l’environnement. Les autorités insistent sur le fait que les mesures prises en ce sens ne doivent aucunement porter préjudice aux populations, bénéficiaires direct des politiques environnementales.

C.P.

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