L'Etat despotique, entre légendes et réalités (IV)

En violeur de la Constitution, Bouteflika ne peut s'ériger aujourd'hui en réformateur.
En violeur de la Constitution, Bouteflika ne peut s'ériger aujourd'hui en réformateur.

De nombreux citoyens et journalistes soutiennent le discours anti-salafiste, du ministre des affaires religieuses, Mohamed Aissa, alors qu’en réalité, aussi respectable qu’il soit, il fait partie d’un système despotique et corrompu.

L’Etat républicain et l’instrumentalisation de l’islam politique

Au-delà de la sincérité de ses propos, son action idéologique s’insère dans une démarche globale : légitimer l’action et mesures du pouvoir en place. La stratégie du système, c’est d’exiger de Mohamed Aissa de produire une cohérence idéologique avec les mesures anti-démocratiques et néolibérales du système despotique en place, recherchant par la même occasion de maintenir l’islamisme politique et sa base sociale, dans une position que le pouvoir peut contrôler et instrumentaliser.

Le ministre des affaires religieuses fait sortir des archives du gouvernement un ancien dossier, celui de l’ouverture du haut comité islamique, une version d’El Azhar Egyptien. Voilà l’approche et le consensus du pouvoir actuel quant à sa manière de régler la crise profonde qui traverse société et institutions de la république. On n’est plus dans la perspective d’un Etat de Droit qui consacre la séparation du politique et du religieux, pour guérir le mal à la racine. En mettant à profit les leçons de la tragique décennie noire qui a endeuillée toute l’Algérie et pour longtemps. La nouvelle constitution, selon la version du ministre des affaires religieuses, consacrera le «haut comité islamique», une instance religieuse qui n’est pas autonome de l’Etat, chargée de l’«interprétation du texte religieux dans la société».

La perspective à l’ordre du jour : l’Etat démocratique et social

Dans un contexte international qui porte une économie en pleine crise et des solutions dangereusement radicales, où la marge de manœuvre des états nationaux (des pays en développement) qui résistent à «l’encerclement» est réduite et malgré l’émergence des BRICS comme un nouveau pôle d’équilibre international des forces et le recul de l’hégémonisme de l’empire américain, quel serait, dans le cadre d’une projection, la place et le rôle d’un grand pays, en termes de dimension historique et de réelles capacités de développement, d’une Algérie dirigée par un état despotique qui n’a pas, par instinct de préservation, construit une économie productive et des institutions modernes ? Autrement dit, quelles sont les possibilités d’un sursaut national des forces patriotiques, aussi bien de l’état que de la société, qui déclencherait une alternative de rupture et non un partage de privilèges dans le système, dans la perspective d’un état démocratique et social, seule et unique voie de secours d’une Algérie moderne ?

Toute la société est en attente de décisions symboliques, institutionnelles et politiques de ruptures dans la perspective de la refondation de l’Etat, vers une deuxième république. L’Algérie est en manque d’un véritable projet de société, démocratique et social, et d’un état républicain qui assure la cohésion de la nation, considérant que la mesure de l’officialisation de Tamazight, en tant que langue nationale et officielle, s’inscrit naturellement, dans cette perspective. Mais, l’affaiblissement et la marginalisation des organisations démocratiques et des partis de gauche, explique en grande partie le désarroi idéologique dans la société et le «flou» dans les perspectives de sortie de crise. C’est à partir de cette analyse, que commencent le travail d’éclairage politique et le rassemblement des patriotes modernistes et de gauche.

Il faut, justement, mettre en évidence, que le tableau n’est pas aussi noir qu’on le pense. Et que toute la responsabilité des élites est de faire découvrir à la société, à ses collectifs de militants, ce qui est émergent, dans le cadre de la nouvelle société en gestation, ces rayons d’espoir qui ne sont pas apparent à la société. Dans ce sens, l’appel des militants de gauche et des courants modernistes à un changement radical ne peut être assimilé à une approche nihiliste qui fait abstraction de tous les progrès économiques et sociaux accumulés, au cours de ces 50 années d’indépendance. Aussi, une grande confusion est entretenue par les tenants du pouvoir politique, entre «le système despotique», appelé historiquement à disparaitre et l’Etat, ses institutions et toutes les réalisations économiques, sociales et culturelles. Justement, c’est ce système qui dévalorise, avec ses prédateurs, ses méthodes de gestion contraires aux principes universels et sa police politique, toutes ces potentialités, particulièrement les précieuses ressources humaines, acquises avec l’argent du peuple et au moyen d’énormes sacrifices.

La conclusion de la contribution, «Appels à l’armée et transition démocratique», des quatre grands universitaires et chercheurs algériens, Madjid Benchikh, Ahmed Dahmani, Aïssa Kadri, et Mouloud Boumghar, dans laquelle on se reconnait, s’inscrit en droite ligne de notre réflexion et mérite d’être rappelée : «En réalité, Il ne sert à rien de proclamer, le pluralisme politique, syndical et associatif, des élections libres, une justice indépendante tant qu’existent en fait une police politique qui conduit à une pratique politique qui n’a rien à voir avec le système décrit par la Constitution». D’où le préalable de «la dissolution des différents rouages qui organisent la surveillance et le contrôle politique, en particulier la police politique sous toutes ses formes».

Ainsi, la construction d’un rapport de forces favorable à une telle entreprise «ne peut être mené qu’avec une action en profondeur des syndicats, des partis politiques, des associations et des groupements informels de différentes sortes dans les régions, dans les villes et dans les campagnes, dans les universités et les lieux de travail. En soulignant que «Sans cet engagement de fond, long et difficile, les ouvertures opérées par un système autoritaire n’aboutissent dans le meilleur des cas, comme on l’a vu avec la Constitution de 1989 et les quelques réformes qui ont suivi, qu’à une démocratie de façade pour cacher l’emprise des détenteurs du pouvoir réel qui décident de mettre fin à ces expériences dès qu’ils estiment qu’elles remettent en cause leurs intérêts».

Dans le même ordre d’idées, le rapport de Missoum S’bih sur la réforme de l’état mérite d’être repris par les experts et actualisé à la lumière des changements internationaux et des évolutions locales. Il ne suffit pas de concevoir le projet et l’architecture du futur état de droit, fut-il le meilleur et le plus adapté. Il faut surtout définir, par quels chemins pacifiques, on doit y arriver. C’est là une des tâches essentielles des élites républicaines, civiles et militaires. Face aux partisans d’une économie néolibérale, parasitaire et spéculative, qui ampute l’Etat algérien, de ses dimensions historiques et constitutionnelles «Démocratique et Populaire», s’organise patiemment un Front patriotique de la Résistance et un mouvement de gauche qui traversent l’état et la société et captent toutes les forces patriotiques de la nation et ses élites. C’est le principal enjeu politique de l’étape actuelle.

Mustapha Ghobrini, universitaire, militant MDS.

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Mehdi marekchi

Qu'a t'il l vu; une belle dame dénudée