Changement à la tête de Liberté : un lifting pour «vendre» les présidentielles de 2009

Changement à la tête de Liberté : un lifting pour «vendre» les présidentielles de 2009

Pour n'être que le président du Front national algérien (FNA), Moussa Touati ne pensait pas un jour inspirer sa manchette à un grand quotidien ni encore moins arracher ce titre conquérant à son éditorialiste «Il était temps !» Il n'a fait, après tout, que postuler, le premier, à une compétition présidentielle que tout le monde a fini par oublier... Seulement voilà : en amour comme dans l'espace, c'est toujours le premier homme qui compte. Et même s'il n'est pas un gros lièvre, Moussa Touati reste quand même le premier lapin à être sorti du chapeau et à ce titre, il devient aux yeux de la nouvelle équipe de Liberté, qui a pour mission de crédibiliser les élections de 2009, le Gagarine des présidentielles 2009 ! Le ménestrel qui annonce la fête dans la dechra endormie, le lampiste providentiel qui ouvre le chemin au candidat du RCD ! Et puis, le journalisme ne consiste-t-il pas, selon la formule de Mark Twain, à annoncer la mort de Dupont à des lecteurs qui n'ont jamais entendu parler de Dupont ?

Et tout est dit dans l'éditorial au titre sans équivoque : «Il était temps !» Le rédacteur, qu'on a connu plus subtil, passe précipitemment à table : «Que Moussa Touati annonce sa décision de participer à l'élection présidentielle est un frétillement dont il faut se réjouir. Qu'importe le rang qu'il occupe sur la scène politique. L'essentiel est d'y mettre de l'animation.»

De l'animation ? Voilà qui est bien nouveau pour un scrutin dont on attend surtout qu'il soit autre chose qu'une kermesse ! Et une kermesse, de surcroît, pour faire réélire Bouteflika ! Car l'éditorialiste ne se fait aucune illusion : «Evidemment, une décision du président Bouteflika de se lancer dans la course ôtera du suspense à la compétition. Même s'il s'est personnellement montré critique sur son propre bilan, cela ne diminue en rien sa carrure et le triomphe sera sûrement au bout de sa campagne.»

Vous avez bien lu !

Et surtout, tout compris...

Alors oui, en cette période olympique, l'essentiel reste, plus que jamais, de participer, et l'ombre de Coubertin surveillera le scrutin aux côtés de deux ou trois députés belges !

En journalisme, une aventure en valant une autre, souhaitons quand même bonne chance à nos collègues dans celle qu'ils ont l'audace de vouloir mener : convaincre les Algériens de participer à un scrutin qu’ils savent joué d'avance !

Bouteflika, je ne sais pas, mais Pirandello, j'en suis sûr, leur sera reconnaissant !

En jouant leur propre comédie à l’intérieur de la grande comédie du pouvoir, nos confrères redonnent vie, avec brio, à la grande innovation du dramaturge sicilien, le jeu du «théâtre dans le théâtre» c’est-à-dire celui où l'illusion théâtrale constitue le sujet même de la pièce.

Pirandello avait reçu le Prix Nobel pour cette invention qui n’avait rien d’original : donner libre cours à son imagination plutôt que de suivre des règles désuètes imposées par le réalisme. Et nos confrères, un siècle plus tard, le ressuscitaient, démontrant, au détour d'un édito, à un auditoire charmé par ces rapports complexes entre auteur, acteur et personnage, à quel point art, illusion et réalité s'entremêlent. Du pur Pirandello ! Quel bel hommage à l’homme de théâtre sicilien qui, avant de mourir, nous avait prévenus : «La vie est pleine d'absurdités qui peuvent avoir l'effronterie de ne pas paraître vraisemblables. Et savez-vous pourquoi ? Parce que ces absurdités sont vraies.»

Pirandello aurait aimé imaginer l'élection de 2009, conçue par nos amis et par Saïd Sadi : «Vous avez raison : le scrutin est organisé à la mode scélérate. La réalité vous oblige au boycott et nos ambitions à la parodie. Alors laissez-nous faire mine de vous informer de ce que vous savez déjà : nous n’avons que vous pour faire l'apologie d’un scrutin dont vous vous moquez royalement !»

Et le public, conquis et bouleversé, sortira de ses poches les bulletins de vote pour essuyer ses larmes.

Comment s’étonner qu’aujourd’hui, l’une des pièces de Pirandello qui remporte un succès à Paris s’intitule Les grelots du fou ?

M.B.

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Commentaires (28) | Réagir ?

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journaliste

ce qui me choque, c'est le retournement extraordinaire de ce journal (LIBERTE) qui, après avoir servit avec un zèle sans limite l'éternel démocrate du RCD a tourné le virage pour servir avec autant de zéle sinon plus, le DRS. d'ailleurs, il n'est pas étrange de lire des articles comme "pourquoi le prix Nobel échappe à "Boutef"….

alors, il faut bien dire que ce journal aujourd'hui est plus nuisible que ceux ayant déjà vendus leurs âmes. en fait, il n'est pas rare aussi de rencontrer des journalistes de ce quotidien à bord des Mercedes des Services même devant la maison de la presse.

pour ma part, je souligne que si la ligne change, un journaliste doit toujours se garder de vendre son honneur pour un salaire minable ou des bières qu’il pourra toujours se faire payer par un ami. on peut toujours travailler dans un journal inféodé comme "Liberté" sans pour autant exceller dans le zèle qui leur est connu.

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Mostefa

Permettez moi de vous conseiller de vous rappeler que "la critique est aisée, mais l'art est difficile... ". Il faut bien peser à construire quelque chose, non?

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