Dix ans après la charte, la réconciliation reste introuvable en Algérie

Madani Mezrag et ses acolytes est l'autre facette de cette impossible réconciliation entre bourreaux et victimes.
Madani Mezrag et ses acolytes est l'autre facette de cette impossible réconciliation entre bourreaux et victimes.

Il y a dix ans ce mardi, l'Algérie adoptait une charte de paix et de réconciliation nationale. Après les violentes années 1990, le texte devait permettre aux terroristes qui quittaient le maquis d'éviter les poursuites judiciaires. Certains dénoncent l'impunité pour ceux qui ont tué, mais aujourd'hui, les autorités estiment que l'objectif est atteint : la paix est revenue et le terrorisme est affaibli. Les associations de victimes s’estiment, elles, les grandes perdantes.

Environ 25 000 hommes dans les maquis dans les années 1990. Entre 700 et 1 000 aujourd'hui. Pour Akram Kharief, spécialiste des questions de défense, si le terrorisme est moins important, c'est en partie grâce à la politique de réconciliation nationale. "Ça a clairement fait baisser l’activité terroriste dans le pays, qui avait baissé du fait des négociations qui avaient été ouvertes du temps du président Liamine Zéroual, analyse-t-il. L’avantage de l’adoption de cette charte, c’est que jusqu’à aujourd’hui en 2015, elle permet toujours aux terroristes de trouver une voie de sortie dans le cas de négociations ou dans le cas d’une cessation de combat."

Argument électoral du président Abdelaziz Bouteflika, c'est le retour de la paix et de la stabilité que défend Merouane Azzi, avocat et président de la cellule officielle d'aide à l'application de la charte. "Bon sang, peut-on dire que la charte a échoué quand on sait qu'elle a permis à 15 000 personnes de réintégrer la société ? La réconciliation est d'abord une loi, et depuis toujours, les lois ont été incomplètes et ne peuvent satisfaire tout le monde", soutient-il.

Au-delà de l'amnistie, la charte permet la prise en charge de certaines victimes. Une prise en charge jugée insuffisante et qui va être élargie.

Mais du côté des associations de victimes, le son de cloche est bien différent. Elles s'estiment les grandes perdantes de cette charte. Officiellement, 7 000 personnes ont été victimes de disparitions forcées. Alors chaque mardi, inlassablement, une trentaine de femmes viennent manifester le long de ce boulevard avec un portrait de leur enfant, arrêté dans les années 1990 et depuis porté disparu. "Je voudrais bien la réconciliation nationale, mais pas sans nos enfants. Il faut d’abord qu’ils relâchent les prisonniers qu’ils ont arrêtés", exhorte cette femme.

Hacene Ferhati, l'un des porte-parole du collectif, voudrait que la vérité sur le sort des disparus soit dévoilée publiquement. "Le mot réconciliation ça signifie quoi ? Ça veut dire mettre les victimes et leurs bourreaux face à face, et qu’ils discutent ensemble. C’est ça la vraie réconciliation", lance-t-il.

Les autorités répètent que la charte est juste et propose une indemnisation pour les familles de disparus. Une mesure insatisfaisante pour Mouloud Boumghar, professeur de droit. «On se retrouve dans une situation où même en connaissant l’identité de l’une des personnes qui a participé à l’arrestation, la famille peut porter plainte contre elle, mais le juge est obligé de déclarer la plainte irrecevable, explique-t-il. Le texte est contestable, vraiment très contestable. Il n’est pas très contesté parce qu’on considère qu’on n’aurait pas pu faire différemment.»

Dans un rapport publié ce week-end, l'ONU estime que 3 000 cas n'ont toujours pas été traités et se dit déçue de l'attitude d'Alger face à la question des disparus.

RFI

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Guel Dring

Depuis quand un malentendu est-il réglé par le choix d'une seule partie ? Quand il y a un règlement de litige, il se fait sur la base d'un consensus et non par référendum.