Madani Mezrag, l'islamisme et les palinodies du pouvoir algérien (I)

Ahmed Ouyahia recevant Madani Mezrag.
Ahmed Ouyahia recevant Madani Mezrag.

Jamais pouvoir politique n’a autant inspiré l’hilarité et la compassion que celui-là qui nous parle d’interdire à Madani Mezrag le droit de créer un parti politique après l’avoir reçu à la présidence pour entendre ses propositions sur la révision constitutionnelle.

Par Mohamed Benchicou

"Nous ne permettrons à aucune personne impliquée dans la tragédie nationale de créer un parti politique. La loi sera appliquée avec force", a clamé, le ton solennel, Abdelmalek Sellal, en rappelant que l’article 26 de la charte et la loi électorale sont claires en ce qui concerne le retour des responsables du FIS dissous à la vie politique.

Mais alors en quelle qualité autre que celle d’homme politique, Madani Mezrag a-t-il été invité par le Chef de l’État lui-même à venir exposer son point de vue sur la révision constitutionnelle, à la présidence de la République ? En qualité de membre actif de l’association des boulomanes de Jijel ou celle de collectionneur de coquillages de la côte de Ziama Mansouriah ? C’était bien le même Mezrag "impliqué dans la tragédie nationale" qui a été pompeusement reçu ce jour-là par Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet de la Présidence ? C’est le même Mezrag, responsable du FIS dissous, interdit de toute activité politique qui, après cette audience au Palais d’El-Mouradia, a fait une déclaration publique à la presse, remerciant notamment le président Bouteflika pour son invitation et se disant "convaincu", qu’à travers la révision constitutionnelle, "d’aller vers une Charte globale", entendez par là, une Charte qui autoriserait le retour du FIS.

Comment l’irremplaçable Ahmed Ouyahia explique-t-il ce hiatus pour le moins singulier ? Par la rouerie. Contredisant le Premier ministre Sellal, le chef du RND introduit des nuances sémantiques qui finissent par ridiculiser le pouvoir. "L’État n’a pas interdit aux cadres du parti dissout d’exercer leurs activités et de tenir des réunions" !

"Exercer des activités et tenir des réunions", cela s’appelle faire de la politique, M. Ouyahia ! L’ancien chef du gouvernement ne sait plus comment exprimer le cafouillis au sein du pouvoir avec un président qui dirige sans consulter et dont il faut constamment rattraper les bourdes.

Les chefs islamistes ont compris qu’ils peuvent tout obtenir d’un pouvoir et d’une élite sans repères, sans âme et sans convictions, qui pratiquent la duplicité et la subornation des esprits comme seule stratégie politique. Nous ne semblons liés par aucun des serments faits aux martyrs, vite déposés sur des tombes, celles-là dont on ne se doutait pas qu’elles se mettraient à parler un jour : pourquoi avoir promis aux morts de les continuer et d’épargner leur terre de la graine intégriste quand, vingt ans après, des chefs islamistes appellent publiquement à tuer un écrivain nominé au Goncourt et revendiquent ouvertement de vouloir substituer, par les armes, à la République, un État islamique ?

Arrêtons les stériles indignations et regardons les choses en face : quand le chef de l’État envisage d’utiliser la nuisance islamiste pour neutraliser ses adversaires politiques, c’est que non seulement l’intégrisme n’est pas battu militairement, qu’il ne s’est pas contenté de "survivre", mais qu’il est déjà arrivé à la périphérie du Pouvoir. Il n’y a nulle part dans l’histoire des défaites qui aient engendré d’aussi avantageuses armistices pour le vaincu.

M. B.

À suivre

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Commentaires (7) | Réagir ?

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Humank Krups

vous avez remarquer que la plus part des politiques qui veulent du bien pour le pays ne sont jamais inviter par le pourvoir ils préfèrent nous imposer leur animaux nuisibles

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Aksil ilunisen

Une photo qui va suivre Ouyahia le serviteur des arabo-islamistes jusqu'a sa tombe.... surtout pas dans son village natal (Merci!). Elle rique de salir Jerjer un peu trop!

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