Une école des Arts et des métiers pour le futur de l’Algérie

Les métiers manuels sont délaissés en Algérie
Les métiers manuels sont délaissés en Algérie

Ils sont légion dans notre pays des bricoleurs s’évertuant menuisiers, ébénistes mécaniciens, tourneurs, électriciens, maçons. Et la liste est très longue, dont des clients se hasardent à solliciter les services et finissent par être, tantôt heureux, tantôt déçus par la qualité, la finition et l’arnaque.

Formés dans le tas, sans connaissance théorique aucune, travaillant souvent au pif et occasionnant des dommages irréparables et des dégâts matériels, parfois mortels, dus aux multiples malfaçons, à la supercherie et la négligence. S’en plaindre ? Mais à qui ? L’Etat est depuis fort longtemps absent.

En vérité, le monde du travail dans notre pays est chaotique, n’obéissant à aucune réglementation, encore moins à aucune loi pour exercer une quelconque activité. Il suffit d’avoir de l'entregent, une pelle et une brouette pour s’affirmer mouqawal-entrepreneur fort d’un passe-droit d’un véreux administrateur, un marché d’un quelconque projet est offert avec les conséquences désastreuses que l’on sait, couvertes par l’omerta acquise à coups de chkara et de prébendes. Des certificats de complaisance du «service bien fait» délivrés, faisant le bonheur d’un nouveau riche comme Crésus et occasionnant des malheurs, en toute impunité, à toute une communauté par les multiples imperfections et défauts. Les malfaçons de l’autoghoul en font foi. Ainsi va le monde dans cette Algérie, larguée à vau-l'eau depuis trois quinquennats, championne de la forfaiture et de l’incurie.

La valorisation des arts et des métiers a perdu de sa superbe. L’on s’en souvient des titres et autres accréditations obligatoires pour exercer un métier d’utilité public : maitre-boulanger, maitre-boucher, maitre-pâtissier, maçon, électricien, plombier certifiés, des serveurs de café sourire aux lèvres et chiquement habillés, etc. Des métiers autrefois exercés avec fierté et tant de raffinement, d’amabilité, de civilité et d’honnêteté. Le professionnalisme poussé à l’extase.

En vérité, la déperdition de ces valeurs ne date pas d’hier, mais elle a bien commencé au lendemain de la fermeture des C.E.T, ces collèges d’enseignement technique où l’art et la manière étaient enseignés, un cursus scolaire bien adapté à tel ou tel métier sanctionné par des diplômes (baccalauréat technique, ingénieur, etc...), des élèves à bras le corps accueillis par les usines de l’industrie allemande de l’ex-RDA.

Une fermeture sitôt supplantée par l’ouverture à travers tout le pays de centres de formation professionnelle, faiblement équipés et faisant dans le social, enrôlant cohortes de jeunes sans convictions et sans choix, subissant une formation cocotte-minute, faisant fi des règles d’hygiène et de sécurité dans les spécialités enseignées du moment, et lâchés ben conquérants dans le monde de travail pour l’appât du gain facile et de la bricole.

Sous d’autres cieux, l’embrigadement à un quelconque syndicat, un corps ou un ordre de métier est obligatoire aux fins de protéger telle ou telle spécialité des charlatans et des bricoleurs. L’Ordre des métiers, qui est géré par le secteur, se fait le champion des métiers et défend la cause de ses membres, permet à tous les gens de métier et à tous les employeurs de faire entendre leur voix, et protège l’intérêt public. L’Ordre a la responsabilité d’établir le champ d’exercice des métiers et de préparer les politiques et les procédures pour les métiers, de délivrer des certificats d’accréditation valable un certain temps, ponctués par de mise à niveau aux nouvelles techniques du métier.

L’objectif de l’Ordre est de mettre les membres du secteur des métiers spécialisés au même rang que les enseignants, les médecins et les infirmiers qui ont leur propre organisme de réglementation pour la profession. Pour honorer leurs talents, leurs savoir-faire et leurs professions, pour que demain l’on ne puisse pas stigmatiser dans les cours de justice leur respective déontologie. Comme il y a lieu de signaler les commissions d’utilité publique au niveau de chaque mairie pour, justement, veiller aux codes et règlements.

L’Algérie, au jour d’aujourd’hui, a-t-elle une main-d’œuvre hautement qualifiée, soucieuse de sa renommée, de sa technicité, de son honnêteté et de son apport dans l’édification du pays ? La doxa généralement admise est négative, compte -tenu de la médiocratie qui s’est installée dans le temps et dans l’espace, encouragée par l’impuissance des inspecteurs de travail, censés implémenter les lois de la république et revaloriser une main-d’œuvre qui a bâti L’Alhambra par le passé. La société civile à travers des comités de la protection des consommateurs ou des utilisateurs, pourrait exiger une documentation légale pour tous travaux, un contrat en bonne et due forme (certificat d’accréditation devis, matériels employés, durée etc...) pour justement se mettre à l’abri de l’arnaque et des surcoûts inexpliqués.

Autres temps, autres mœurs, diriez-vous ? Qu’importe, il est grand temps de revoir la politique du travail de notre pays en instituant des écoles des Arts et des métiers où l’excellence doit primer et élever le niveau des connaissances à la lumière des nouvelles techniques des métiers pour se mettre au diapason de ce qui ce passe dans le monde, et réinitialiser des métiers en déperdition tels que la dinanderie, la tannerie, la forge, autant d’activités prisées par le tourisme et très lucratives pour le petit peuple. L’après-pétrole commence maintenant, le temps de retrousser les manches, faire aimer le travail à l’Algérien et lui faire comprendre qu’il n’y a pas de sots métiers.

Brahim Ferhat

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