Chahine, sommes-nous Arabes ? Extrait de la chronique de M. Benchicou dans El-Khabar Hebdo

Aujourd’hui, je ne vous écris dans aucune langue.
Aujourd’hui, je vous écris avec un langage universel que j’ai volé de ma prison. Il se moque des lois de la grammaire et des postulats de la syntaxe.
C’est à El-Harrach que j’ai appris qu’il y avait au dessus de la langue, au dessus du français, au dessus de l’arabe, qu’il y avait la magie d’un langage des êtres abandonnés, qui est, parfois aussi, celui de l’espoir. Et c’est mon codétenu Malek, l’homme qui parlait aux chats, qui me l’a enseigné.
C’est par ce langage universel que fut décrétée spontanément, la sympathie de 3000 prisonniers d’El-Harrach à un journaliste dont ils n’avaient, pour la plupart, jamais lu aucun texte mais dont ils avaient décrypté, par le langage du cœur et l'alphabet de la raison, un attachement commun à une vie blessée.
A ma sortie, je l’ai emporté.
J’ai aussi emporté de la prison deux leçons sur moi-même.
D’abord que je n’étais, finalement, que mon propre traducteur.
Le traducteur de mes propres abstractions !
Je transcrivais en français des images conçues dans notre vaste dialecte, le dialecte des anxiétés intimes et des fantasmes chuchotés, avec des fragments de l’enfance, quelques images volées aux ancêtres et tous nos secrets inavouables, nos peurs anciennes, la mémoire de Sidi Abdelkader et celle de tous nos talismans, parfumés des senteurs de toutes nos nostalgies….
Que ces mots au parfum intuitif de notre terroir, soient dits en français ou en arabe ne changeait rien à l’affaire.
J’appris aussi que, en arabe, en anglais ou en français, la seule plume libre est celle qui reçoit l’investiture des masses et que sa gloire est d’être traitée d’insurgée.
Ce n’est pas la langue qui détermine une plume, c’est le chemin qu’elle prend : en arabe ou en français, il faut prendre parti pour le clan des parrains aux grosses Mercédès ou pour les gens sans souliers.
On accédera alors à la magie de faire battre des cœurs solitaires au rythme de nos mots incertains.

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C’est en prison que je sus le malheur d’être Arabe.
Et l’honneur de vouloir le rester.
Le malheur d’être fils de ces patries qui ont peur de se regarder dans un miroir pour ne pas se désirer, comme dit Kabbani.
L’honneur de savoir que nulle part dans le monde on ne souffre comme les Arabes d’avoir entendu Abou-El- Kassem Echabbi :
«Tu es né sans entraves comme l’ombre de la brise
Et libre telle la lumière du matin dans le ciel
Pourquoi accepter la honte de tes chaînes ? »
Nulle part dans le monde on ne compte autant de plumes en prison que dans les prisons arabes.
Parce que grand est le besoin de lumière.
Mais mon fils le sait-il ?
Alors, inscris !
Inscris qu’avec l’argent du pétrole ils ont construit des mosquées pour abriter leurs mensonges et des prisons pour enfermer les consciences.
Inscris qu’avec les torches des derricks ils ont brûlé les livres, incinéré nos plumes et dressé un bûcher pour leurs serments.
Inscris que pour de redevenir beaux et ivres, ils ont prolongé la nuit et ressuscité la mort...
Inscris !
Je suis Arabe
Ecrivain arabe
Journaliste arabe
Poète arabe
Sans nom de famille, je ne suis que mon numéro d’écrou.
Michel Kilo : numéro perdu à Damas !
Mohamed Abou : numéro maudit à Tunis !
Kareem Amer : numéro oublié au Caire !
« Patient infiniment » dans un pays où tous
Vivent sur les braises de la Colère

Inscris que c’est ainsi depuis la nuit des temps…. Zayni barakat !
Gamal Ghitani, pourquoi le Grand-Caire empeste-t-il toujours la mort et la prison, la prison où est Kareem Amer ?
Inscris qu’ils rêvent de reconstruire Babylone, Sodome et les palais abandonnés sur les haillons de notre honneur, sur les murs de nos silences et sur les tombes de nos martyrs !
Quand annonceront-ils la mort des Arabes ?
Pourquoi, dix siècles plus tard, Ahlam Mustaghanmi a-t-elle crié : « L'écriture en arabe est une vocation tragique » ?
Et j’entends Kabbani pleurer sa patrie « qui considère que le Poème est un tract clandestin Rédigé contre le régime »
Et j’entends Kabbani hurler : « Je veux sortir de la République de la Soif Pour pénétrer dans celle du Magnolia! »

La chronique intégrale est à lire en arabe et en français dans El-Khabar Hebdo paru jeudi 7 août

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Commentaires (56) | Réagir ?

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Ami Ange

Il n'y a aucun mal à revendiquer son identité dans un monde en perdition.

Mais cependant, être berbère ou arabe dans un pays musulman relève de la pire des tragédies pour la nation qui se nourrit de la culture de l'islam.

Je rappelle que le concept du panarabisme est né sous la houlette des ennemis de l'islam qui en voulant légitimer leur intrusion sur les terres des musulmans se sont targués d'être les descendants de ceux qui se sont introduits avant les arabes, à savoir les romains. Ils sont même allés pousser le culot de faire prétendre aux nord-africains que leurs ancêtres étaient gaulois car la Maurétanie et la Numidie faisaient partie de la préfecture des Gaules, avec tout le respect que j'ai pour les "gaulois".

Le même scénario se reproduit aujourd'hui même en Palestine en qualifiant les palestiniens d'"arabes", avec le sincère respect que j'ai pour les arabes, ils confortent les idées sionistes de ce que les hébreux sont les habitants héréditaires alors que les palestiniens d'aujourd'hui sont les descendants des cananéens, des philistins, des hébreux aussi, des perses, des berbères, des latins, des germains, des arabes, des turcs et j'en passe... qui sont devenus MUSULMANS par la suite. La question est ailleurs mes amis et la vérité est là. Rappelez-vous le travail insidieux qu'a entrepris Lawrence "d'Arabie" pour escamoter (à juste titre pour ce moment là) l'empire ottoman en levant "el moustaaribine" et quelques fanatiques wahabites et pervertir ainsi ce qui allait devenir la fausse vitrine de la culture musulmane.

Mais la vraie culture musulmane s'enracine non pas dans l'ethnicisme géographique stérile mais dans la rationalité avec laquelle la science glorifie le miracle de la création de Dieu l'Unique vers lequel tout converge.

Ressaisissons nos esprits, nous ne sommes pas antagonistes, donc nous ne sommes pas ennemis. Je n'ai aucun mal à louer Dieu en Kabyle, en arabe ou en français (les 3 langues de ma culture) je le fais souvent d'ailleurs. Je suis fier de recevoir dans mon kabyle 60% de vocabulaire "arabe" mais savez-vous que l'arabe utilise un pourcentage incalculable d'hébreu, d'araméen, de grec, de persan et (tenez-vous bien) même de berbère... mais Bon Dieu quel mal y a-t-il à cela?

En attendant, le feu est dans la maison et on continue à tergiverser comme les byzantins sur le "sexe des anges".

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karim haizeri

mo-ha-med !! encore une de tes naïvetés!! Mahaut, saoudienne !tu y a cru! je suis sûr qu'elle est algérienne 7ora bent el a7rar. C'était par ironie qu'elle t'a dit qu'elle est saoudienne. Elle t'a montré la lune et tu a regardé son doigt. hahaha.

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