La Turquie vise l’EI, mais tue les Kurdes

Le PKK cible de la Turquie
Le PKK cible de la Turquie

L’offensive de la Turquie contre l’État islamique a toutes les apparences d’un écran de fumée destiné à cacher à la communauté internationale l’entrée en guerre du président Recep Tayyip Erdogan contre une partie de sa population. En attaquant à répétition et avec force et les Kurdes, le gouvernement turc veut les massacrer, sauver ses amis de l’EI et mettre les forces de la coalition devant un fait accompli.

Lors de sa rencontre le 24 juillet avec le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, le secrétaire de la Défense américain, Ashton Carter, a décrit le combat des Kurdes irakiens contre le groupe État islamique comme un «modèle» à suivre. Pourtant, le soir même, la Turquie bombardait les positions kurdes de ce pays. Les F-16 turcs ont mené des raids dans le nord de l'Irak et bombardé le PKK dans les monts Kandil. Ils ont en fait bombardé à plusieurs reprises des positions de la guérilla kurde à Avaşin, Basya, Behdinan, Gare, Haftanin, Metina, Qandil, Xakurke et Zap. Cela malgré le fait qu’Ashton Carter tente actuellement de construire avec les Kurdes une force capable de gagner sur le terrain en Irak et en Syrie où les islamistes se sont emparés de vastes régions. La Turquie joue donc double jeu et a ajouté un nouvel échelon à sa coopération avec les partisans de l’État islamique en Syrie et en Irak.

La Turquie intensifie actuellement son offensive contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan. Les forces turques viennent de ce fait de mettre fin au cessez-le-feu qui tenait depuis 2013. Recep Tayyip Erdogan semble avoir définitivement enterré le processus de paix débuté à l'automne 2012 pour contenir la rébellion qui a fait 40 000 morts en Turquie depuis 1984. Ces frappes contre les forces kurdes en Irak surviennent de plus alors que les États-Unis et la coalition comptent sur leur soutien pour reconquérir d’autres villes en Irak. Les Kurdes irakiens ont d’ailleurs aidé la coalition à repousser les jihadistes des zones frontalières du Kurdistan et ont repris le contrôle de la ville pétrolière de Kirkouk.

Ces faits laissent supposer que la Turquie tente actuellement de faire avec les Kurdes ce qu’elle a fait à ses Arméniens. Pourquoi ne le ferait-elle pas? L’histoire passée et récente de la Turquie montre qu’elle a réussi à commettre un génocide sans avoir à subir les foudres de la communauté internationale. Elle se sent donc autorisée à continuer ses actions en s’assurant que les cris des victimes ne dépassent pas les bruits ambiants pour qu’ils n’alertent pas les autres nations.

À court terme, il serait donc temps de doter le plus rapidement possible les combattants kurdes, qui reçoivent des armes de la coalition, de missiles sol-air de dernière génération. Si la coalition n’est pas prête à les aider, ils pourront le faire eux-mêmes. À plus long terme, seule la communauté internationale a suffisamment de pouvoir pour obliger la Turquie à poursuivre le processus de paix kurdo-turc engagé en 2012.

En agressant de la sorte ses Kurdes, ceux d’Irak et de Syrie, la Turquie ne fait pas que nuire aux efforts de la coalition contre les forces de l’EI. Elle commet aussi un crime contre l’humanité qui devrait être jugée par la cour pénale internationale. Rappelons que la Turquie n’a pas encore reconnu le génocide arménien qui est pourtant vu comme un fait incontestable un peu partout dans le monde. Devant une mauvaise foi si évidente et les actions qu’elle pose, il est évident que la Turquie n’a pas appris du passé. Elle s’en est tirée avec un premier génocide contre les Arméniens et ses dirigeants semblent décidés à en commettre un second contre les Kurdes si cela sauve leur pays.

Étant donné les actions extrêmement violentes que commet la Turquie contre ses Kurdes, la communauté internationale a dépassé le stade ou elle pouvait donner la proverbiale chance au coureur. En fait, le proverbe qui serait plus à-propos dans ce cas-ci serait : "Si quelqu’un te trompe une fois, honte à lui. S’il te trompe deux fois, honte à toi."

Michel Gourd

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Commentaires (4) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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khelaf hellal

"L'ennemi de mon ennemi est mon ami " c'est dingue ce que la Turquie de Erdogan peut ressembler à l'Algérie de Bouteflika.

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