Les tâches qui attendent le nouveau ministre de l’Enseignement supérieur

M. Tahar Hadjar, ministre de l'enseignement supérieur.
M. Tahar Hadjar, ministre de l'enseignement supérieur.

Ces tâches auxquelles il va devoir s’affronter sont d’autant plus lourdes à gérer qu’elles résultent d’un cumul de problèmes et de dysfonctionnement pédagogique de plusieurs années qu’il hérite désormais de ses prédécesseurs, en particulier, de Rachid Harraoubia, qui aura "régné" à la tête de ce département ministériel durant quasiment onze ans (2002-2013), sans qu’il ait jamais pu œuvrer à l’essor de l’université dont l’enseignement et la recherche ont connu sous sa direction une véritable stagnation.

Par Ahmed Rouadjia (*)

En dehors de sa politique d’imitation et d’importation de concepts exogènes, tel que le LMD, ou ces notions pompeuses que sont "l’Assurance qualité", et "l'enseignement de qualité" (al-jawda), dont il aimait à se gargariser, ce Ministre n’avait fait que gérer le MESRS non pas selon les réquisits scientifiques, mais d’après une logique politicienne empruntée au FLN dont il était plusieurs fois membres influent et député. Pour lui, le MESRS dont il était alors le patron incontesté, devait être gérer comme une structure politique et ajustée selon cette vision partisane, et non selon les exigences requises par le développement de l’enseignement et de la rechercher dont le MESRS devait être le lieu la rampe de lancement.

L’héritage empoisonné et la manière de le gérer

Le nouveau ministre hérite donc d’un legs onéreux, lourd à gérer. Outre le LMD dont l’échec patent n’est contesté que par ceux refusent de voir la réalité en face, il y a le plagiat qui s’est prospéré à l’ombre de l’administration de Rachid Haraoubia dont l’entourage immédiat avait joué un rôle néfaste en ce sens. En fermant les yeux sur cette pratiquer, le ministre en question et son entourage, s’en sont faits les complices conscients ou inconscients. De 2002, date de sa prise de fonction à la tête de ce département, à sa «démission» intervenue en 2013, ce Ministre s’est montré en fait d’un laxisme incroyable à l’égard des plagiaires dont le nombre s’est accru dans de proportions alarmantes. Dans une série d’articles que j’ai publiés en 2008, j’avais fait état de ce plagiat «sauvage» qui, à travers la politique du LMD, élève des individus médiocres au rang de docteurs et de professeurs d’universités. En dépit de la sévérité apparente de la loi, reflétée dans le Décret exécutif n°2003-279 du 23 août 2003 fixant les missions et les règles particulières de l'organisation et de fonctionnement de l'université, le plagiat qui en est visé n’a nullement été enrayé. Que dit ce décret ? En son chapitre 8, article 24, il stipule expressément qu'il «… est considéré comme faute professionnelle de quatrième degré le fait pour les enseignants chercheurs d'être auteurs ou complices de tout acte établi de plagiat, de falsification de résultats ou de fraude dans les travaux scientifiques revendiqués dans les thèses de doctorat ou dans le cadre de toutes autres publications scientifiques ou pédagogiques». En effet, le plagiat a été longtemps l'une des spécialités néfastes de beaucoup de nos étudiants et chercheurs qui n'avaient aucun scrupule à copier les autres, à «pomper» leurs pairs. Les nombreux mémoires de magistères, de thèses de doctorats de troisième cycle et d'Etat que nous avons pu lire ici et là témoignent en effet d'un honteux «pillage» d'œuvres célèbres. Outre ce plagiat «sauvage» et ce remplissage désordonné, il y a ces «méthodologies» confuses employées dans les mémoires et qui prétendent encadrer des problématiques scientifiques. Il était temps, enfin, de mettre en sourdine ce pillage inadmissible et partant préjudiciable à la qualité de l'enseignement et de la recherche. Mais si dissuasif qu'il puisse être, cet article sur le plagiat pourrait facilement ne pas être respecté tant l'encadrement de qualité et les mécanismes de contrôle efficaces demeurent cruellement faibles. Si certains plagiats sont facilement détectables, parce que trop voyants ou trop «grossiers», d'autres sont en revanche plus «subtiles», car éparpillés dans le mémoire tandis que les références et les sources réelles sont escamotées ou attribuées à des auteurs autres que ceux consultés, ce qui est une manière astucieuse de donner le change.»

La Commission universitaire nationale (CUN) et ses dérives

Outre ce plagiat qui a fleuri du temps de M. Rachid Harraoubia et de son entourage, et qui a permis à quantité d’individus paresseux et sans scrupules de s’élever très haut dans la hiérarchie universitaire, il y a cette Commission Universitaire Nationale (CUN) dont les membres cooptés, triés sur le volet, et placés à sa tête, ont permis à leur tour aux «copains», et aux proches de devenir Maîtres de Conférences et de Professeurs d’Universités avec un ou deux articles publiés dans des revues confidentielles, locales ou régionales ! Certains membres de cette commission sont quasiment inamovibles, et bien qu’ils soient en majorité devenus eux-mêmes professeurs par le biais de ce traficotage de registres, de plagiats et de faux articles scientifiques, ils disposent cependant d’un droit quasi régalien pour faire échouer à «l’examen» des plus compétents qu’eux-mêmes. Les témoignages et les preuves qui attestent de la véracité de ces faits sont nombreux et pourraient à tout moment être divulgués pour les besoins d’enquêtes publiques éventuelles. Nous connaissons des compatriotes dont les compétences (physiques, chimiques, biologique, sociologiques, etc.) sont avérées, mais qui se trouvent «recalés» lors de chaque dépôt de candidature auprès de la CUN dont les petits fonctionnaires qui réceptionnent les dossiers au rez-de-chaussée du siège du MESRS se comportent envers les chercheurs qui présentent devant eux de manière désagréable, revêche et rébarbative ; ils regardent même de très haut le chercheur, et ce faisant, ils inversent les valeurs et les hiérarchies en se comportant comme si le destin, l’avenir même des chercheurs auxquels ils ont affaire, dépendant de leur bon vouloir ! Imbus de leurs petits pouvoirs d’administratifs, en même temps qu’ils se sentent frustrés et mal récompensés par la besogne fatigante et stressante qu’ils accomplissent au quotidien, ces petits fonctionnaires s’empressent de se «venger» en adoptant une manière tout à la fois agressive et hautaine à l’égard des chercheurs en quête de promotion….

Façonnés ou "formatés" à l’image de certains de leurs chefs administratifs qui regardent le chercheur comme une espèce de "larve", certains de ces petits fonctionnaires de la CUN donnent vraiment l’impression d’être eux-mêmes les "experts" desquels dépendent le sort réservé à chacun des candidats en proie aux angoisses liées aux sentiments de l’échec "anticipé".

Les recteurs des universités…

Le LMD qui rime avec fiasco, le plagiat et la CUN qui riment avec prime d’encouragement à la promotion des médiocres au détriment des meilleurs, telles sont les réalisations les plus saillantes accomplies par l’avant- précédente équipe ministérielle. En arrivant à la tête du MESRS, M. L’ex-ministre Harraoubia s’est employé à placé ses proches et ses hommes de confiance à la tête des universités, des centres et des agences de recherche. Le poste de chef de cabinet, de secrétaire général, et d’inspecteur général, sont confiés à des hommes d’autant plus "sûrs" qu’il pouvait compter sur eux sans éprouver le moindre souci. Parallèlement, et avec leur aide et conseil, il a choisi le profil de recteurs qui réponde le mieux à sa conception patriarcale de l’autorité, fondée celle-là, en l’occurrence, sur l’allégeance, les intérêts et les affinités tant politiques que régionales ou tribales.

Certains recteurs qu’il avait lui-même placés à la tête de certains universités (Biskra, Batna, Khanchla, Sétif, Annaba, Msila…) ont joué un rôle plus que négatif dans le refoulement de bon nombre de cadres revenus d’un long exil. Mal accueillis et sciemment mal orientés, ils ont fini pour la plupart de regagner les pays étrangers d’où ils étaient venus. Outre les équivalences de leurs diplômes qui ne sont pas reconnus ou dont l’obtention traîne en longueur, ces expatriés, lorsqu’ils sont recrutés, se voient attribués un statut bien inférieur à celui qu’ils avaient à l’étranger. Ainsi, par exemple : un algérien qui a obtenu un doctorat d’université en France, et ayant accompli cinq ans ou dix ans d’enseignement dans ce pays en qualité de Maître de Conférences, et publié plusieurs ouvrages et articles scientifiques, il ne saurait être recruté en Algérie sur la base de ces expériences et qualifications, mais sur une base dont le point de départ est zéro «o» : maître assistant d’abord, pendant neuf mois avant de passer, ensuite, au grade de maître de conférences, et c’est seulement après cinq ans d’exercices d’enseignement qu’il pourra postuler au grade de professeur ! Qui plus est, les publications antérieures au grade de maître conférences "algérien" ne sont pas reconnues et ne sauraient donc être versés dans le dossier de candidature au grade de professeur de l’enseignement supérieur !

Outre ces obstacles dressés devant les porteurs de diplômes étrangers, il y a aussi le fait que certains recteurs se montrent fort allergiques aux «émigrés» devant lesquels ils dressent une foule de barrières. C’est le cas de l’actuel recteur de Biskra, le prénommé Belkacem Slatnia, qui a battu tous les records de longévité à la tête de l’université de cette ville. Or, ce Monsieur éprouve à la fois une antipathie déclarée contre les «émigrés» et une répulsion contre les «francophones», notamment ceux qui ne partagent pas sa vision étriquée du monde. Protégé de l’ex-Ministre dont il serait (un parent ? Un cousin ? ou un oncle ?), M. Slatnia a fait de l’université de Biskra non seulement un quasi fief féodal, mais une sorte de propriété privée sur laquelle il aurait droit de regard, ce qui l’autorise en effet à refuser au nom même de ce sentiment de possession qui l’habite le recrutement de certains expatriés, comme moi… Et de ce refus, il en tire même une certaine fierté doublé d’un sentiment d’honneur et de défi…

Certains enseignants et étudiants de Biskra comparent ce Slatina à un chef dynastique. En disant ceci, ils murmurent plus qu’ils n’élèvent la voie, de crainte de s’attirer les foudres de cet homme qui ne badine pas avec les principes de respect et de soumission dus à son rang de chef… Par chef dynastique, ils entendent la poigne de fer avec laquelle il gèrerait l’université de Biskra et la peur qu’ils inspire. Il serait selon eux impitoyable envers tous ceux qui se mettraient en travers de son chemin… On me donne l’exemple suivant, dernier en date : le 2 juillet 2015, en plein ramadan, M. Slatnia en personne ordonne, sans motif valable, aux agents de sécurité de bloquer totalement l’accès de l’université au public et aux étudiants venus pour retirer leurs diplômes de mastère et de s’inscrire, et comme pour s’assurer que ses ordres soient exécutés par les agents de sécurité, il place lui-même sa voiture en travers de l’entrée principale en se plantant lui-même à côté comme pour tenir à «l’œil» les agents qui se montreraient tièdes ou timorés face au mouvement de la foule qui, en refluant avait provoqué un grand embouteillage désordonné autour du rond-point et des rues alentour…

L’université de Biskra est «son bien». Sa deuxième demeure est son bureau. On l’appelle King (al-Malik) en raison de son affectation monarchique et sa conduite qui se veut princière.. Comme certains monarques de l’Europe occidentale, Slatnia gouverne son royaume par procuration. Il délègue une grande partie de son autorité à ses hommes de confiance pour expédier les affaires courantes de son royaume : le secrétaire général, le responsable des moyens généraux, le Vice-recteur chargé de la formation supérieure en graduation, la formation continue et les diplômes, et parmi ceux-ci, il faut citer un personnage clé en la personne de Monsieur Abderahmane Berkouk, doyen de la faculté des sciences humaines et sociales. Cet homme qui compense la faiblesse attestée de son CV scientifique, pour ne pas dire l’indigence affligeante de ses publications en la matière, par une démarche empressée envers Sa Majesté King, joue vis-à-vis de ce dernier le rôle d’ informateur et ne craint pas de lui «monter la tête» contre ceux qu’il déteste parmi ses pairs. Comme il a l’oreille de King, ce Berkouk n’éprouve aucun scrupule pour dénoncer et disqualifier les collègues qui lui font de l’ombre. Compte tenu de son rôle de délateur, de dénonciateur servile, il inspire tout à la fois peur et méfiance à bon nombre de ses pairs qui le fuient comme de la peste, et le seul en effet qui osait le défier était Omar Ferhati, ex-vice doyen de la faculté du droit de Biskra, promu il y a peu recteur de l’université d’El Oued Souf. Les deux hommes ne s’entendent guère en effet, et se vouent, pour des motifs qui tiennent, semble-il, à des questions de pouvoir et de préséance, une détestation réciproque, et Berkouk a tellement peur de Ferhati qu’il s’était efforcé, à maintes reprises, de se concilier ses bonnes grâces, mais en vain. Flagorneur et intrigant de bas étage, il ne semble trouver son bonheur qu’en semant zizanie, et discorde parmi les collègues. C’est sur le profil de ce type de personnes aux figures ternes, desséchées et pusillanimes, que fonde et prend, en grande partie, appui l’autorité de Slatnia. Mais cette autorité conquise «intra-muros» ne suffit pas pour que celui- ci puisse faire main-basse sur l’université. Slatnia avait appris à ses dépens que les notables de la ville de Biskra- ville étaient bien plus difficiles à apprivoiser et à «embobiner» que ceux des villages et des villes moyennes alentour : Tolga, El Ghrous, Bordj Ben Azzouz, Doucen, Foughala, etc. C’est auprès des notables de ces trente et un villes et villages environ formant une constellation autour du chef-lieu que Slatnia allait chercher reconnaissance et appui. Ces notables qui l’accueillent à l’occasion de ses «passages» fortuits ou programmés voient en lui l’aubaine qui permettrait à leurs enfants de décrocher leurs diplômes… Et en de telles circonstances, les échanges de services mutuels, les dons et contre-dons s’avèrent en effet inévitables car ils ressortent de la tradition hospitalière du monde rural de l’Algérie campagnarde…

Slatnia n’est plus celui des années quatre-vingt, qui coïncident avec l’époque des vaches maigres. A Constantine, quand il n’était alors qu’un simple maître assistant au corps aminci, rien ne présageait en effet qu’il allait devenir ce qu’il est advenu aujourd’hui : un homme au visage prospère, à la manière de Silène, avec une carrure imposante et le regard d’un homme comblé, du moins en apparence, de bonheur et de richesse. Sa posture elle-même donne l’impression d’un monarque pleinement rassasié. En effet, des indices nombreux et des témoignages récurrents, attestent de la conduite «dynastique» de cet homme qui s’est entouré à Biskra d’une équipe de fidèles et d’une clientèle fort élargie parmi les notables locaux et qui lui donnent de ce fait même du «poil de la bête». Mais ce qui est certain, en revanche, c’est que ce Slatnia aime les fastes et comme son collègue, l’ex-recteur de Msila, il prise le confort, le luxe, et les nuits dites «rouges» (al layali al hamrâ). Lorsqu’il venait pour assister aux réunions du Conseil d’Administration de Msila dont il était membre, M. Slatnia exigeait de son collègue Berhoumi que lui soit réservé une chambre avec une suite non pas à La Qalaa de Msila, mais à l’Hôtel El Gaid ou dans celui de Kardada de Boussaâda ! Pour lui, la Qalaa n’était pas un hôtel «propre», mais «sale»

Toujours est-il qu’ il court au quatre coin de la ville de Biskra des rumeurs, selon lesquelles ce recteur aurait constitué de manière illicite une grosse fortune grâce à sa rente de situation, et donc à son ancienneté à la tête de cet établissement. Slatnia, disent les mauvaises langues s’intéresse plus aux «marchés» qu’aux questions pédagogiques et à la gestion routinière de l’établissement qu’il confie à ses proches collaborateurs.

Or, comme la lutte contre la corruption et les corrompus ne ressort pas de notre compétence, mais relève d’autres instances spécialisées de l’Etat, nous allons passer outre en nous interrogeant néanmoins en nôtre qualité de citoyen sur la mission impartie à l’inspection générale du MESRS.

L’inspection générale de l’enseignement supérieur

Quelle est au juste la mission d’une inspection générale ? C’est d’enquêter sur le disfonctionnement, les prévarications ou la mauvaise gestion des deniers publics alloués aux universités. Elle pourrait aussi enquêter sur les méthodes pédagogiques ou sur le plagiat, etc. Ce poste d’inspecteur doit théoriquement échoir à un homme compétent, pondéré qui a le sens de l’écoute et de la mesure. Or, au lieu de cela, Monsieur l’ex-ministre Harraoubia a fait exactement le contraire : a relevé, sans crier gare, de ses fonctions l’ex-inspecteur général du MESRS, un homme honnête et compétent selon de nombreux témoins, pour le remplacer par un de ses protégés en la personne de Slimane Berhoumi, ex-recteur de l’université de Msila., et dont la sagesse et la mesure n’étaient pas son fort. C’était plus tôt un homme excité, agité, hargneux. C’est pourtant sur lui que Harraoubia avait jeté son dévolu ! En novembre 2010, ce Berhoumi qui n’a rien d’homme «pédagogique» est appelé paradoxalement à occuper les fonctions d’Inspecteur pédagogique au MESRS ! De cette date à la mi- mars 2014, il continu d’émarger sur le budget du trésor public en qualité de recteur de Msila, en bénéficiant de tous les avantages afférents à ce poste : 1. La prime de zone ; 2. L’indemnité du recteur, soit : 80. 000 dinars par mois auxquels s’ajoute son salaire : 250. 000 DA mensuels ! Pendant ces trois ans et demi, son successeur- Liazid Abbaoui-, se contentait de son salaire de professeur…et n’a d’autre pouvoir que la délégation de signature. Le vrai patron de l’université de Msila jusqu’à cette dernière date n’était pas M. Abbaoui, mais bel et bien M. Slimane Berhoumi qui cumulait les deux fonctions : recteur d’université et inspecteur pédagogique ! Grâce à des complicités internes et externes au MESRS, le décret de nomination du nouveau recteur avait été sciemment retardé de manière à maintenir illégalement en place Slimane Berhoumi à la tête de l’Université de Msila qu’il avait pourtant quitté trois ans et demi plus tôt ! Le nouveau recteur, quant à lui, il a accepté pour je ne sais quel motif obscur- inconscience ? patriotisme ? Esprit de sacrifice ?-de faire «le bénévolat évolutif», c’est-à-dire de travailler gratuitement pendant trois ans et demi pour permettre à son prédécesseur de se remplir les poches et la panse !!!

Au niveau du MESRS, silence. Au niveau local, idem. Berhoumi apparaît non seulement de facto, mais aussi de jure comme étant le recteur principal de l’université de Msila. Ses protégés locaux rient sous cape, se moquent du nouveau recteur auquel ils cherchent à lui mettre des bâtons dans les roues. Ils poussent même la section moribonde locale du CNES à mettre en difficulté le nouveau recteur…Quant à Berhoumi, il continue à donner, depuis son bureau d’inspecteur du MESRS, des ordres et des consignes, à ses protégés locaux dont la fidélité à l’égard du «chef» paraît indéfectible. Aux yeux de tous, Berhoumi est toujours le vrai «raïs» et cette conviction est renforcée par le fait qu’au niveau du comptable financier, M. Kaddouri Brahim, M. Berhoumi est légalement recteur puisqu’il apparaît comme tel dans ce qu’on appelle «l’ Etat B» qui comprend deux choses : l’état nominatif du personnel de l’université d’une part, et dans le Plan de Gestion, d’autre part.

Au-delà de cet épisode insolite, la question qui se pose est de savoir comment a-t-on pu confier le poste d’inspecteur pédagogique à un personnage qui n’est pas seulement aux antipodes de la pédagogie, mais qui fait fi entièrement de la moindre conduite civique et civile tant envers les subordonnés qu’envers les supérieurs ? Qui plus est, comment confier un tel poste destiné en principe à une «main propre» à une personne sur laquelle pèsent de lourds soupçons de corruption, et qui a entraîné par ailleurs devant les tribunaux locaux plusieurs dizaines de personnes dont certains pour motifs de corruption ? Ces actions en justice menées souvent de manière injuste à l’encontre des individus ne visent-elles pas à donner le change, à masquer ou à dérober aux regards le trafic ou l’agiotage dont l’ex-recteur aurait été l’auteur ?

Quoi qu’il en soit, ses amis et ses protégés à Msila insistent tous sur le fait que Berhoumi Slimane est un «homme propre», sans taches ; il n’aurait jamais trompé dans la corruption, il serait lui-même un homme anti-corruption, bien que certains de ses amis auxquels il avait confié des postes sensibles au sein de l’université, fussent devenus de vrais hommes d’affaires…, et que d’autres, fussent devenus des professeurs d’université alors que, de notoriété publique, ils n’étaient et ne sont que de piètres figures…

Comment confier la fonction d’un inspecteur à un homme qui couvre et protège des plagiaires (dont on connaît les noms) pour devenir professeurs d’université ? Comment se fier à un homme lorsqu’il accordait toute sa confiance à des illettrés achevés pour équiper l’université et mener de grandes tractations financières ou commerciales ? A toutes ces questions, la réponse demeure incertaine et comme suspendue à une indétermination mathématique.

A qui imputer cet état de choses déplorable, sinon à ceux des responsables dont le choix a porté non pas sur des hommes compétents et intègres, mais sur des individus peu scrupuleux et pour qui l’intérêt personnel passe avant toute autre considération éthique. Doit-on dire, comme l’ont écrit certains observateurs que : «Les dix ans de règne de M. Harraoubia» auront marqué «à jamais l’Université algérienne"» ? Est-il juste ou exagéré de dire que : "Les scandales de corruption, de trafic d’influence, d’abus de pouvoir et même de mœurs font également partie du quotidien de l’Université algérienne qui est en train de "creuser"… sa tombe" ? Que dire d’autre ? Sinon que : «Voilà donc les 10 ans de règne d’un homme qui a transformé l’Université algérienne en véritable théâtre de… la mort. Au regard du bilan qu’il laisse derrière lui, il est évident que M. Harraouibia ne risque pas d’être regretté par le million et demi d’étudiantes et d’étudiants algériens".

Nécessité d’assainir et de réhabiliter la recherche

A défaut d’une grande refonte de l’université, on a besoin de petites retouches successives et d’actions concrètes de manière à assainir cette dernière, à l’expurger de ses éléments nuisibles que sont les parasites et les plagiaires de tous acabits. Par ailleurs, il serait souhaitable de réhabiliter les compétences nationales, de les valoriser en d’instituant un système national d’évaluation de manière à séparer le grain de l’ivraie. Car, sans système d’évaluation et de lutte constante, mais effective, contre le plagiat, il y a risque de voir l’université algérienne phagocytée par les médiocres. Elle en est déjà submergée. Il conviendrait d’encourager la mobilité des enseignants et des étudiants tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, car la captation des nouveaux savoirs et des découvertes scientifiques ne saurait s’obtenir que par ce biais. La Lettre d’Accueil exigée aux candidats au stage de courte durée à l’étranger et que M. le nouveau ministre envisage d’abolir, parce qu’elle constitue une circonstance «humiliante» selon lui pour nos compatriotes, devrait être remplacée par une formule plus souple, moins contraignante, de manière à rendre la mobilité des chercheurs plus facile qu’elle ne l’est à présent. Dans sa conception actuelle, la Lettre d’Accueil est une véritable servitude, car elle place chacun des postulats dans une position de quémandeur par rapport aux responsables des institutions étrangères sollicitées à en délivrer. Mais l’autre envers négatif de la lettre d’accueil, c’est que le fournisseur ou l’expéditeur étranger de celle-ci ne voit jamais arriver le «stagiaire» chez lui, et qui ne semble tenu par aucune obligation à rendre compte au hôte étranger, puisque ce qui paraît lui importer le plus ce n’est pas «le stage», mais le visas et le montant en devise obtenu de l’université.

La lettre d’accueil

Pour le citoyen "ordinaire" qui ne connaît pas les rouages de l’administration universitaire ni les idiomes dont elle se sert, il faut lui expliquer ce que signifie cette "Lettre d’Accueil" dont l’obtention ou non détermine et fixe le sort du candidat au stage. D’abord, il faut lui rappeler que l’Etat algérien a institué depuis fort longtemps une généreuse Loi accordant à chaque enseignant chercheur le droit d’aller en «stage» à l’étranger pour perfectionner ses connaissances, mener des recherches documentaires ou participer à des manifestations scientifiques. Ce stage est pris totalement en charge par l’université d’origine du candidat, et son obtention est subordonné, entre autres pièces requises, à la présentation d’une lettre d’Accueil dument établie par l’établissement hôte (université ou centre de recherche étrangers…).

Ensuite, il convient de lui faire savoir que cette lettre d’Accueil a toujours été un casse-tête pour tous les postulats à ce stage, car se la procurer auprès des institutions étrangères requiert de multiples démarches harassantes, sans parler du fait que ces démarches placent souvent le chercheur algérien dans une position de "mendicité" vis-à-vis de l’établissement étranger dont beaucoup rechignent à la fournir en raison de l’imprécision ou l’inconsistance même des motifs argués par "le stagiaire" : celui-ci indique au destinataire de la demande les dates, par exemple, de son séjour "scientifique" à Aix-en-Provence, Bordeaux, Paris, ou Toulouse, etc., et son imprimatur ainsi que le titre de sa recherche.

D’autres établissement étrangers, quand ils consentent de bonne ou de mauvaise grâce à envoyer la lettre d’accueil en question, ils ne voient jamais ou très rarement le «stagiaire» se présenter au seuil de leurs portes ; d'ailleurs, la plupart de ces stagiaires n’en ont cure des stages et des manifestations scientifiques proprement dites, et ce qui les intéresse au premier chef c’est le montant de la bourse octroyée par le gouvernement algérien et la possibilité qu’offre cette bourse pour faire ses emplettes à Paris, Londres, Rome, Amman, le Caire…Il en est qui, avec cette bourse, achètent en effet des robes, des parfums, voire même des soutiens- gorges, et des slips couleurs cracheuses et style «sexy» à leurs épouses, quand d’autres s’offrent des divertissements dans ces capitales de «la déperdition» et de bonnes bouteilles de Scotch «à emporter». La recherche documentaire et l’achat d’ouvres utiles au savoir sont le fait d’une minorité de «stagiaires» austères et appliqués.

La bonne et la mauvaise lettre d’accueil…

Or, cette lettre d’Accueil de laquelle dépend l’acception ou le refus d’accorder le stage, selon qu’elle est versée ou non dans le dossier du postulat, place le chercheur national dans une position de «quémandeur» par rapport aux personnes et aux institutions étrangères qu’il sollicite, et bien souvent celles-ci ne comprennent pas très bien les motifs de cette demande pour plusieurs raisons : La première tient à la formulation même de la demande, qui s’avère linguistiquement défectueuse, et la seconde à l’imprécision du stage et des modalités d’accueil et de prise en charge, qui sont également mal explicités. La troisième raison, réside dans le fait que les institutions ou les personnes étrangères (professeurs, chercheurs, chefs de laboratoires) se montrent fort réticentes à livrer des attestations d’accueil à des «stagiaires-fantômes», à des personnes qu’elles ne voient jamais venir frapper à leurs portes… D’autres raisons rendent difficiles ou aléatoires l’obtention d’une telle attestation, à moins de l’acheter moyennant pièces sonnantes et trébuchantes. Selon nos informations, beaucoup de nos stagiaires n’hésitent pas à l’obtenir par ce biais.

D’autres difficultés sont à signaler : lorsque un stagiaire reçoit d’une institution étrangère, notamment européenne, une attestation d’accueil à en tête scannée, le Conseil scientifique de l’établissement universitaire algérien la refuse, de même il rejette comme non valide une lettre manuscrite signée par un professeur de renom.

Monsieur le ministre du MESRS, Tahar Hadjar, a bien relevé l’absurdité de cette lettre d’accueil qui humilie plus qu’elle ne relève l’honneur du chercheur national réduit qu’il est à s’aplatir devant les institutions étrangères pour l’obtenir…Encore faut-il savoir, une fois abolie, lui substituer une lettre d’accueil moins contraignante, plus souple et moins sujette à la vénalité et au marchandage…

Avec cette lettre d’accueil comme face à bien d’autres problèmes plus importants hérités d’une gestion chaotique, le nouveau ministre du MESRS n’aura guère ni le temps de chômer, ni le temps d’hésiter sur les actions à entreprendre. N’a-t-il pas donné d’ores et déjà quelques signes annonciateurs d’un changement progressif et graduel dans l’ordre institutionnel relevant de sa sphère d’action ?

A. R.

(*) Professeur d’histoire et de sociologie politique, université de M'sila

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