A propos de Chafik Mesbah, de Bouteflika et de l’Armée DEUXIEME PARTIE : L’ARMEE POUVAIT-ELLE DONNER UN ATATÜRK ?

A propos de Chafik Mesbah, de Bouteflika et de l’Armée  DEUXIEME PARTIE : L’ARMEE POUVAIT-ELLE DONNER UN ATATÜRK ?

En vertu d’un jugement émotionnel qui innocente les généraux pour motif de « candeur », Chafik Mesbah regrette que l’Armée n’ait rien vu venir : « C'est comme cela que les chefs militaires s’étaient trouvés, en 1992, armés, pour affronter la crise, d'un patriotisme intuitif, sans cette capacité d'anticiper le futur grâce à l'accès raisonné à la logique des phénomènes historiques, politiques et économiques. » D’où, selon lui, qu’elle ait raté le virage historique de 1992. L’auteur regrettant à ce propos « qu'aucun des chefs militaires ne soit parvenu à jouer le rôle que tenait Kemal Atatürk, dans l'enfantement de la Turquie moderne », et « que les services de renseignement n'aient pu faire émerger un Ernesto Mélo Antunes, capable d’une « jonction salutaire entre forces armées et forces vives du pays, créant les conditions de la consécration du système démocratique. » L’auteur élude quatre points capitaux. D’une part, la mutation d’une « Armée de libération », qui a confisqué le pouvoir en 1962, vers une espèce de « famille » unie par le pouvoir absolu et la rente et décidée à s’éterniser au pouvoir au prix de l’étouffement social. D’autre part, et conséquemment, l’édification d’une démocratie et d’un Etat moderne n’ont jamais été au centre des préoccupations d’une institution qui est passée. Ensuite, l’Armée ne pouvait donner un prolongement démocratique à l’indépendance ni à 1992, ni encore moins générer un Melo Antunes, car elle est, depuis toujours, porteuse d’un projet politique hégémonique et d’une conception rentière de la conduite des affaires économiques nationale. Enfin, l’Armée, en 1992 déjà, songeait, non pas à un essor démocratique, mais à la réconciliation avec les islamistes, d’où le choix de Bouteflika. Il nous faut observer la vraie nature de la hiérarchie militaire et des services de renseignement pour en saisir les vraies responsabilités dans l’échec national. L’on ne pourrait arriver à comprendre puis à dépasser l’impasse du moment si on ne la rattache pas à la main mise du pouvoir par les militaires depuis 1962 et si on absout nos caudillos de leur responsabilité historique dans l’impasse d’aujourd’hui. Ainsi, quand il cite l’appel du général Lamari, alors chef d'état-major de l'ANP («Nous, militaires, avons accompli notre mission. Aux autorités civiles d'accomplir la leur»), une question s’impose : à quelles « autorités civiles » s’adressait le général ? Celle du pouvoir illégitime en place depuis 1962 ? Et de quelle société attendait-il le relais ? Celle qui a été décimée depuis cinquante ans sans répit ? Car ce n’est pas verser dans l’outrage à l’institution que de dire que l’armée a toujours eu un projet : perpétuer « la famille » au pouvoir depuis 1962, quand par la désignation de Ben Bella par l’etat-major de l’ALN, elle a confisqué le pouvoir au GPRA. Ce n’est verser dans l’outrage que d’avancer qu’elle a méthodiquement décapité toute élite dissidente durant un demi-siècle de répression qui, de l’assassinat d’Abane par le Malg à la persécution des démocrates, des berbéristes, des communistes, du mouvement féminin, a vidé le pays de son tonus. En agissant comme « famille », elle a depuis toujours, empêché l’alternance et permis au système de se régénérer dans l’hégémonie. C’est donc restituer l’histoire que de conclure que c’est l’Armée, celle des frontières et du MALG, qui a enfanté ce système autoritaire et clanique qui se décompose aujourd’hui dans « le sinistre économique, l'effritement de la cohésion sociale, la conjoncture sécuritaire délétère, l'influence extérieure sans cesse grandissante. » ? On peut certes imputer ce séquestre du pouvoir par les chefs militaires, à une certaine persistance de la « bleuite » et supposer que, dans le contexte de l’époque, l’intention de l’état-major de l’ALN et du MALG était de garder les leviers de commande après l’indépendance, pour éviter qu’ils ne tombent entre des mains « incertaines. » On pourrait même convenir que l’Algérie n’est pas le seul pays où le pouvoir est conçu comme un butin de guerre que le dictateur croit avoir conquis en mettant sa tête sur le billot. Il reste que cette confiscation du pouvoir a créé, au sein de l’institution militaire, le goût du fauteuil avec toutes ses perverses attributs : l’ivresse du règne absolu et celle de l’enrichissement facile…D’où le fait que cette usurpation du pouvoir, qui a toujours pris des formes brutales et putschistes, s’est dramatiquement prolongée jusqu’à nos jours au prix d’une exclusion massive des nouvelles générations et d’une indigence fatale dans la gouvernance du pays. Et c’est là, dans cette généalogie d’une famille monarchique, dans cette filiation du despotisme et dans l’obstination à s’accrocher aux commandes , qu’il faut chercher les causes qui ont fait « qu'aucun des chefs militaires ne soit parvenu à jouer le rôle que tenait Kemal Atatürk, dans l'enfantement de la Turquie moderne », et « que les services de renseignement n'aient pu faire émerger un Ernesto Mélo Antunes, capable d’une « jonction salutaire entre forces armées et forces vives du pays » : l’Armée n’a jamais vu l’intérêt de créer les conditions de la consécration du système démocratique qui l’aurait exclu de la cabine de pilotage ni encore moins de consacrer la laïcité, fondement de la Turquie moderne d’Attaturk. La laïcité est la cible prioritaire car elle débarrasserait de ces différentes allégeances et réhabiliterait les principes de la citoyenneté laïque et de l’égalité fondamentale entre citoyens.

Mohamed Benchicou

Troisième partie : LE CHOIX DE BOUTEFLIKA

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Commentaires (15) | Réagir ?

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Mehdi

@Mourad.

Une révolution, certe, mais elle sera cueilli par les islamiste illico presto. Ils sont organisés et n'attendent que ça. Leur organisation est telle que meme en occident, ils passent inaperçus alors qu'ils sont là et continuent leur macabres besogne en fesant croire à leur soldat du mal qu'ils iraient au paradis s'ils mouraient pour la cause islamiste. L'école algérienne a tellement embrigadé le citoyen que je me demande comment faire pour trouver une poignée de personnes qui pensent par eux même et qui ont forgé leur personnalité dans les grandes oeuvres issues des grands humaniste qui ont fondé les civilisations de nos jours. Le citoyen algérien a un code simple de raisonnement. Le voila, si tu n'est pas musulmans, tu es de mauvaises moeurs, tu es homo. Ils lient leur raisonnement toujours au bas ventre et impossible de penser autrement. Eh bien traiter à la moindre idée une personne d'homosexuel bien que je n'ai rien contre cette communauté, c'est faire avoeux de son homoséxuelité. Ces integristes et le peuple qui pensent comme eux, raisonnent ainsi. Vous n'êtes pas musulman, vous êtes alors de mauvaise moeurs. Pas vrai? Tout le monde les a entendu au moins une centaine de fois parler ainsi. C'est ce raisonnement forgé au sein de l'école algérienne fondamentale et fondamentaliste qui a fait que l'algérien n'ai pas un autre code plus élaboré de raisonnement qui lui permettrait de prendre le train de la civilisation.

J'ai dit donc que pour avoir une insurection, il faut plus qu'un soulèvement éparse que l'on voit aujourd'hui en Algérie.

Il faudra réflechir comment éviter que l'Algérie tombe une autre fois dans l'irrationnel et l'obscurantisme de l'islamisme qui se croit blanc comme neige alors qu'il recelle l'irrationnel, la non science, la pédophilie, l'embrigadement et ravit l'intelligence du citoyen qui n'existe plus par lui même mais accolé à une horde de barbus près à sortir ses poignard car elle a eu un message d'un hadith qui le lui a dicté.

L'Algérie doit être laïc pour nous faire sortir de ce grand malheur qu'est l'islamisme. Le soulevement viendra du peuple mais je crains que ce peuple ne tombe entre les mains des islamiste et lui offre à tout va, l'occasion de l'égorger comme ce fut le cas pendant les années de braises et les siècle précédents mais à ce moment là, les écrit étaient rares et les medias n'existaient pas. L'islamisme s'imposera par le génocide comme il l'a toujours fait. Le prophete lui même avoue son génocide à lui. Il a coupé 600 tête après les avoir vaincu. 600 tête de sa propre main. Comment peut -on encore croire que si Dieu existait, il offrirait la prophétie à un génocidaire.

Il faut que le pays soit laïc et que sa souverainté soit retrouvée. Il faut interdire tout intrusion de la religion dans les école et remplacer ces cours d'islamisme par des cours de civisme et d'éthique. Dans notre histoire nationale, l'éthique et le civisme est très présent et très subtil, au dela de toutes les religions. L'histoire doit parler, les historiens doivent effacer l'imposture installée par ce pouvoir depuis 1962 et éloigner toute relugiosité de la politique quelque soit cette religion. C'est le seul moyen de mettre le pied dans la civilisation.

Je m'excuse de la longueur du texte mais j'espère que le modérateur laisse passer.

Merci

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Mourad B

Je voudrais juste revenir sur un épisode important de notre tragédie des années 90 et qui est semble passer inaperçu (ou qu'on a intentionnelement ignorer ? meme de la part de Chefik Mesbah). On avait pas besoin d'attendre l'emergence d'un Attah Turk pour établir une démocratie puisque notre Kamel à nous était deja la, il s'agit de feu BOUDIAF. Ne voulant pas jouer le role de marionnette qui lui a été assigné il fut tout simplement liquidé par l'Armée. Ne cautionnant pas l'islamisme et voulant mettre fin à ce systeme maffieux et construire une démocratie digne de ce nom il venait de signer son arret de mort aux yeux des décideurs. J'avais envie de sortir de moi meme lorque en lisant l'article de Chafik Mesbah, il disait qu'il y a eu la disparition tragique de BOUDIAF, comme si nos generaux était étrangés a cette salle besogne. Je craint que le seul moyen de renverser ce systeme reste une révolution, et ce que je craint le plus c'est qu'une révolution de velour ne soit plus possible dans notre pays.

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