Burundi: la médiation échoue à établir un accord avant les élections

Un soldat burundi pendant un meeting du président Nkurunziza.
Un soldat burundi pendant un meeting du président Nkurunziza.

Au Burundi, c’est la fin de la campagne pour les législatives et les communales. Et malgré l’appel du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, à reporter les élections, tout laisse penser que les deux scrutins auront bien lieu ce lundi, dans un climat de tensions où chacun campe sur ses positions. De leur côté, les Etats-Unis ont suspendu leur assistance à la Commission électorale

Dans un communiqué, le groupe de médiateurs mis sur pied par l’Union africaine et ses partenaires explique avoir poussé pour un report de toutes les élections au 30 juillet, et ce afin de mettre en place des conditions propices pour des élections crédibles. Mais cette proposition reste lettre morte, puisqu'aucun accord n'a été trouvé sur cette base, constate la médiation internationale.

Le parti au pouvoir et ses alliés n’avaient pas participé à ces discussions, même si le gouvernement y a pris part une fois, notent les médiateurs. Et les différentes parties n’ont pas réussi à se mettre d’accord, dit simplement ce communiqué. Il est très clair que le camp présidentiel n’a jamais eu l’intention d’accepter ce report, expliquant qu’on risquait de sortir du cadre constitutionnel. Pierre Nkurunziza qui entend briguer un troisième mandat de président sème la terreur dans le pays et pourchasse l'opposition qui cherche à l'empêcher de se représenter conformément aux accords d'Arusha.

L'opposition boycotte les élections

L’opposition, elle, a officiellement annoncé à la Commission électorale nationale indépendante (Céni) qu’elle ne participerait pas à cesscrutins, parce que les conditions nécessaires ne sont pas réunies. C’est aussi le constat des organisations de la société civile réunies au sein de la campagne "Halte au troisième mandat". Ces organisations demandent aujourd’hui au peuple burundais de "boycotter ce simulacre d’élections".

La Belgique a d'ores et déjà prévenu qu'elle ne reconnaîtra pas les institutions issues de ces élections et de la présidentielle du 15 juillet. L'Union européenne menace également de sanctions, mais rien à faire là aussi. Le président Pierre Nkurunziza reste déterminé à organiser ces élections comme prévu et rien ne semble pouvoir l'arrêter. Ces détracteurs dénoncent «une fuite en avant» dans ce pays qui vit depuis deux mois au rythme d'une crisequi ne cesse de gagner en intensité. L'équipe de la facilitation s'est donc résolue à mettre fin aux discussions en appelant à la poursuite du dialogue.

Signe de cette tension sur le terrain, le dernier meeting de campagne de l’Uprona, reconnu par le gouvernement, a été perturbé. Ce parti souhaitait se rendre à son siège de Nyakabiga, l’un des quartiers phares de la contestation. "C’est de la provocation", se sont indignés les jeunes qui ont immédiatement érigé des barricades. "Ils sont vendus au parti au pouvoir, ils ne devraient pas faire campagne quand l’opposition en est empêchée", argumentaient-ils. Pour le secrétaire général de l’Uprona légal, la situation est tout autre. "Il y a ceux qui érigent des barricades et lancent des grenades et ceux qui cherchent à gagner des voix et veulent respecter le cadre constitutionnel", explique Gaston Sindimwo.

Appel de l'ONU

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a appelé vendredi les autorités burundaises à "reporter les élections" prévues ce lundi 29 juin en raison du "climat politique et sécuritaire" qui règne dans le pays. M. Ban a notamment demandé aux autorités de "prendre sérieusement en considération la proposition de l'équipe internationale de la facilitation de reporter les élections afin de créer un environnement propice à la tenue d'élections inclusives, pacifiques et transparentes", a indiqué son porte-parole dans un communiqué.

L'appel du secrétaire général de l'ONU intervient quelques heures seulement après que l'ensemble de l'opposition burundaise a annoncé, vendredi, le boycott de toutes les élections prévues dans le pays, estimant que les conditions n'étaient pas réunies pour leur tenue.

Fortes tensions avant le scrutin

Signe de la tension qui règne sur le terrain avant les législatives et les communales de lundi 29 juin, l e dernier meeting de campagne de l’Uprona dite "légale" - l’aile reconnue par le gouvernement - a été perturbé. Ce parti, l’un des rares à participer au côté du parti au pouvoir aux élections, souhaitait se rendre à son siège de Nyakabiga, l’un des quartiers phares de la contestation, mais les jeunes ont refusé.

Sur fond de barricades, des dizaines de pavés ont été jetés au milieu de l’avenue de la République en signe de protestation. «Pendant beaucoup de jours, on était calmes ici, on ne disait rien, explique un manifestant. Mais ils viennent pour nous provoquer. Ils sont en train de vendre la Constitution et sont les alliés du parti au pouvoir. On ne peut pas les accepter ici. Ils n'ont pas le droit de faire campagne ici.»

Incompréhension

L’Uprona dite «légale» est aujourd’hui assimilée par ces jeunes à l’appareil d’Etat qui a réprimé les manifestations. «On avait prévu d'entrer dans la permanence du parti Uprona à Nyakabiga, raconte Gaston Sindimwo, secrétaire général de ce parti représenté au gouvernement, qui dit ne pas comprendre cette animosité. Les services de renseignement nous ont dit que ces gens sont armés jusqu'aux dents pour nous empêcher d'aller faire notre campagne. Mais nous avons trouvé d'autres moyens de faire campagne. Ils sont excités, mais je ne sais pas pourquoi.»

Beaucoup craignent une montée de tensions dans les dernières 48 heures et plus encore le jour des scrutins. Rien que pour la journée du jeudi 25 juin, au moins deux attaques à la grenade ont été recensées.

Washington suspend son assistance à la Commission électorale

Le porte-parole du département d’Etat américain, John Kirby, a annoncé vendredi 26 juin 2015 que les Etats-Unis suspendaient leur assistance technique à la Commission électorale nationale indépendante burundaise, tant que les conditions propres à des élections crédibles ne sont pas rétablies.

Le gouvernement américain a décidé de suspendre son assistance technique à la Céni burundaise, explique le porte-parole du département d’Etat, John Kirby, dans un communiqué. Et ce "en raison des efforts continus du président Pierre Nkurunziza pour violerl’accord d’Arusha, briguer un troisième mandat et maintenir le calendrier électoral, sans fournir les conditions nécessaires à des élections crédibles".

Washington soutient l’appel de l’Union africaine (UA) et de l’opposition à redémarrer un dialogue, et salue l’envoi d’Abdoulaye Bathily, le représentant spécial du Bureau de l’ONU pour l’Afrique centrale pour aider, avec l’UA et d’autres organisations régionales, les parties à parvenir à une solution politique.

Le département d’Etat demande par ailleurs à Bujumbura d’accorder le plein accès aux observateurs des droits de l’homme de l’Union africaine et met en garde les pays voisins contre toute tentative de déstabilisation du Burundi, affirmant que les Etats-Unis prendraient des mesures supplémentaires contre ceux qui sapent la démocratie et l’Etat de droit et promeuvent l’instabilité.

Avec RFI

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