Rosetta, le combat de la lumière contre l’obscurantisme des croyances

Rosetta sonde l'univers
Rosetta sonde l'univers

Les unes sondent les profondeurs de l’Univers, les autres analysent les communautés humaines, mais les sciences de l’espace comme les sciences humaines sont à la recherche de l’âme et de ses profonds questionnements. Le robot Philae vient de se réveiller et nous envoie un bonjour depuis une comète distante de la Terre de cinq cents millions de kilomètres. Il faut donc aller très loin pour la recherche de soi-même.

Lorsque nous ne possédons pas le talent des grands penseurs, il faut toujours s’excuser d’évoquer une devise que tous les jeunes étudiants se précipitent à inscrire sur leur copie, c’est le cas du fameux «connais-toi toi-même». Mais cet appel à la raison inscrite au frontispice du Temple de Delphes, repris par Socrate à son compte, est la seule qui puisse introduire notre propos d’aujourd’hui. Après tout, ce qui est inscrit au Panthéon des grandes phrases de la philosophie est universel et chacun peut en faire un incipit de sa réflexion sans droit d’auteur ni risque de platitude.

La conquête spatiale n’est pas nouvelle. Depuis le célèbre bip-bip de Spoutnik, premier objet satellisé par l’homme, jusqu’aux sondes Voyager qui ont dépassé les confins du système solaire, la même question fonde notre aventure humaine, "qui sommes-nous, d’où provenons nous et sommes-nous seuls dans l’univers ?".

La sonde Rosetta a été lancée en 2004 pour un périple de plus de dix ans afin de bénéficier des accélérations dues aux rebonds gravitationnels à l’approche de plusieurs planètes. Rosetta avait pour mission de rejoindre et d’étudier la comète Churyumov-Gerasimenko (67P) dite Tchoury. Après s’être installée en orbite autour de la comète, la sonde spatiale a libéré l’atterrisseur Philae qui se posa à sa surface. Après un atterrissage réussi, le robot a donné des sueurs froides aux ingénieurs de l’ESA, l’agence spatiale européenne, en ne pouvant s’agripper correctement puis en tombant dans la léthargie de la panne d’énergie. Le voila maintenant réveillé par la proximité du soleil qui a rechargé ses batteries. Philae commence sa mission et l’humanité va encore une fois approfondir la connaissance de ses origines. Il va falloir s’atteler rapidement à la tâche car les responsables du programme scientifique prévoient une fin tragique de Rosetta en septembre 2016 car, sans carburant ni suffisamment d’énergie solaire, elle succombera aux lois de l’attraction de la comète et s’écrasera sur l’objet de son étude.

Nous savons aujourd’hui que les comètes sont les débris non agrégés du système solaire originel et que nous-mêmes sommes issus des éléments organiques de l’espace. Notre quête est double, la recherche du vivant mais aussi la recherche des causes de notre propre existence puisque nous sommes poussières d’étoiles. Par ce périple dans l’espace, c’est nous-mêmes que nous recherchons car l’homme est conscient de son existence et refuse de vivre sans tenter de découvrir le sens de son origine.

Les premières communautés humaines ont bâti une explication divine, en tout cas surnaturelle, aux phénomènes étranges et menaçants de l’environnement terrestre, y compris lors de l’avènement de la civilisation grecque, il y a plus de trois millénaires. Le rattachement d’un dieu à un phénomène naturel était le fait aussi bien des Babyloniens, des égyptiens que des grecs. Pour ces derniers, le récit mythologique d’Homère, dans l’Iliade et l’Odyssée, constitue la plus grande œuvre écrite reproduisant l’épopée humaine et sa relation avec les dieux.

La véritable histoire de la philosophie a commencé dans la Grèce antique lorsque les présocratiques ont voulu expliquer le monde par l’observation des phénomènes naturels de leur environnement, s’éloignant ainsi des récits mythologiques homériques. Le vent, la foudre, les secousses telluriques, la floraison ou le feu n’étaient plus des manifestations justifiées par l’existence des dieux mais des réalités dont on pouvait tenter une description et en donner un sens. Les explications des présocratiques nous sembleraient aujourd’hui farfelues, elles relèvent pourtant d’une immense capacité à prolonger l’observation de conjectures descriptives faisant de ces savants des hommes remarquables pour une époque sans télescope ni Smartphone.

Socrate a introduit l’homme et ses réflexions au centre des préoccupations humaines et la philosophie est ainsi née. Mais l’explication divine n’avait pas dit son dernier mot et nous savons la propagation des religions monothéistes qui allaient envahir la pensée humaine dans son explication des origines et des phénomènes de son environnement.

Le combat entre la science et les croyances, le plus souvent obscurantistes, a été pavé de millions de morts. L’obscurantisme a subi un premier grand échec lors de la révolution copernicienne. En plaçant le soleil au centre du système et non plus la planète où nous vivons, Copernic a bouleversé la pensée du monde et Galilée, au prix de sa vie, le prouvera par son observation. Nous savons ce qu’il lui en a coûté car ceux qui veulent éclairer le monde des découvertes de la science se heurtent à la terrible sanction de ceux qui veulent nous abrutir et nous dominer. Aujourd’hui, plus personne ne nie l’évidence de la structure du système solaire mais d’autres combats sont éternellement à refaire.

Rosetta et Philae vont nous permettre de faire un pas supplémentaire dans la connaissance de nous-mêmes en pénétrant un peu plus le mystère des comètes qui sont les vestiges d’un système solaire naissant. Rien ni personne ne peut entraver la marche inexorable de la science. Si d’autres recherchent le sens de la vie par des explications extrascientifiques, libres à eux de le faire. Rosetta est un outil supplémentaire dans la quête des lumières par le raisonnement, la démarche scientifique et son aboutissement technologique.

Nous savons par ailleurs que notre étoile, le Soleil, s’éteindra dans environ cinq milliards d’années par épuisement de son carburant énergétique. La quête de l’espace est donc également celle de la destinée de peuplement de l’humanité. Cette perspective est lointaine mais elle donne du sens à notre existence. L’humanité est vouée à coloniser l’espace car c’est son propre berceau naturel qu’elle rejoint.

Dans l’exploration spatiale, le choix des noms n’est pas neutre. Philae signifie «celui qui aime» et Rosetta tient son nom de la pierre Rosette qui permit à Champollion de décrypter le langage d’une des civilisations les plus brillantes du passé. La double symbolique est ainsi posée entre la curiosité intellectuelle de l’homme et le lien entre son présent et sa connaissance des civilisations anciennes. Le voyage vers une comète représente tout le sens de l’évolution des civilisations qui ne peut s’établir si le futur ne sert de continuum au passé.

On a coutume de dire qu’un scientifique passe sa vie à vouloir détruire les hypothèses de ses petits camarades. Par cette boutade, on veut exprimer la force de la science qui ne se satisfait pas de certitudes mais de recherches et de raisons. Ce combat perpétuel entre les chercheurs a cette grande vertu qu’il n’assassine que des théories, pas des êtres humains. Les millions de morts que nous devons aux certitudes et à l’obscurantisme ne suffiront donc jamais à ceux qui n’ont d’ambition que de camoufler leur médiocrité ou de satisfaire leur appétit féroce de dominer les autres lorsqu’ils n’ont pas pu le faire avec leur intelligence et leur contribution à faire avancer l’humanité.

En attendant, les milliards dépensés dans le voyage extraordinaire de Rosetta sont des plus légitimes car c’est notre raison d’être de toujours avoir l’esprit libre de sa curiosité pour qu’aucune vérité ne s’impose sans qu’elle soit immédiatement remise en cause par la méthode scientifique et la raison.

Libre à chacun de croire en ce qu’il veut. Moi, je crois en l’homme et en son exceptionnelle capacité de se nourrir de doutes permanents qui le fait avancer dans le progrès humain, scientifique, social et intellectuel. Rosetta et Philae sont nos espoirs, pas nos certitudes.

Sid Lakhdar Boumédiene

Enseignant

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Commentaires (21) | Réagir ?

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Bachir Ariouat

La science est diverses, il ne faut pas oublier que ces gens ne sont rien d'autres que des salariés et sous les ordres, faut-il rappeler qu'Einstein avait fourni toutes informations sur ses découvertes sur le nucléaire à la Russie, pour éviter qu'une seule nation puissent imposer son diktat à la planète, mais finalement, lorsque on se donne la peine de faire des écoles de qualités et qui investissent dans le recherche scientifique parviennent sans l'aide Monsieur Einstein à fabriquer la bombe atomique.

Les programmes de recherches de l'espace, qu'il soit civiles où militaires dériveront sur le militaire, la preuve sont les bombardements avec des drones, ont tue des innocents au Pakistan et en Afghanistan, des femmes et des enfants, et l'assassin est assis sur sa chaise en Amérique dans un bureau tout confort, il ne risque pas d'être poursuivi pour crime contre l'humanité.

La destruction de la planète par les produits chimiques et la nourriture fabriquée à partir des produits chimique qu'ils nous font ingurgiter les grandes surfaces et consorts, avec l'accord voir même orchestrer par les gouvernements, qui génèrent les maladies les plus diverses et qui tuent des millions de personnes, jamais les responsables ne seront poursuivis pour leurs crimes et leurs méfaits provoqués par les produits chimiques.

La science Hypocrites des religieux qui depuis la nuit des temps faisaient massacrées des innocents, violés des millions de femmes, assassinée des millions d'enfants, et qui continue de nos jours en tuent au nom de dieu, que jamais personne n'a rencontré, rien que pour atteindre le sommet et gouverner par la violence.

L'être humain est une bête, plus bête que les bêtes elles mêmes, la nature et faite par la violence elle finira par la violence, l'être dans sa folie des grandeurs finira par s'auto-détruire pour la richesse qu'il n'emportera pas avec lui, il le sait, mais cela ne l'empêche de continuer dans sa folie meurtrière, jusqu'à son extinction sur la planète terre.

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khelaf hellal

Des scientifiques, des savants au sens propre du terme, qui ne se nourrissent pas de fausses illusions ni de slogans creux tel : El 3iolmou noor. Des gens qui savent qu'il est illusoire de chercher ailleurs que ce que la science peut donner et prouver. Les lois de la nature qui nous échappent ou qu'on a pas réussi à établir ne sont pas forcément du domaine des secrets de Dieu comme veulent nous embobiner les obscurantistes pour couper court à l'intelligence humaine, au déterminisme et au rationnalisme de l'homme. Les obscurantistes cherchent des raccourcis, des échappatoires, des exutoires qui leur permettent de se soumettre à un Dieu unique, omnipotent et omniscient qui décide de tout et qui fait tout à leur place, ôtant ainsi à l'homme toute sa perspicacité, son imagination et son esprit de conquête pour comprendre et transformer ce monde ce monde.

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Boumédiene SID LAKHDAR

C'est tout à fait exact. Il n'y a rien à rajouter à votre propos.

Très amicalement

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