T'kout : Vie au noir

Embauchés au noir pour construire les demeures des nouveaux riches et des parvenus.
Embauchés au noir pour construire les demeures des nouveaux riches et des parvenus.

Les habitants de la commune de T'Kout (80 km au sud de de Batna) ont été encore une fois, une fois de plus, de trop, endeuillé par la silicose. Ghezel Mohamed, la soixantaine, est la dernière victime en date de ce mal qui ronge les poumons de ceux qui, pour survivre, n’ont que la pierre à tailler au prix d’une mort douloureuse et prématurée.

Victime de la Silicose qui fait des ravages chez les jeunes tailleurs de pierres dont le nombre de décès ne cesse de s’élever. La procession des victimes ne cesse de grandir, laissant derrière elle des veuves désorientées, parfois à l’entame de la trentaine, des orphelins délaissés à une charité aléatoire et incertaine dans une région sinistrée et marquée par un taux de chômage endémique.

Les artisans tailleurs de pierres exercent leur métier sans couverture sociale ni affiliation. Embauchés au noir, en règle générale pour construire les belles demeures des nouveaux riches et des parvenus. Les habitants de T’Kout, connaissent ces veinards, hauts responsables, fonctionnaires, élus et députés, dont la beauté des demeures porte l’indélébile marque du sang des chômeurs de T’Kout et de ses environs.

Les bougres qui de choix pour s’accrocher à la vie que de s’exposer au fatal et certain empoisonnement, la silicose, se voient, eux et leurs familles, accablés par l’«Etat» pour «travail au noir». Comme s’il s’agissait seulement, ou simplement, de «travail au noir». C’est d’une vie au noir qu’il s’agit. Ecoutons cette veuve en charge de trois enfants en bas âge décrire ce calvaire : “Mon mari travaillait pour subvenir aux besoins de la famille, il est resté des années durant en chômage, il y avait des jours où l’on n’avait pas même de quoi acheter un sachet de lait. Aujourd’hui qu’il n’est plus de ce monde, on lui reproche d’avoir travaillé au noir, mais on ne fait rien contre ceux qui l’ont exploité et qui continuent d’exploiter la détresse d’autres jeunes”. Tout est dit.

A la direction de la santé publique de Batna, ce lourd et sensible dossier de la silicose et des tailleurs de pierres de T’kout n’avance pas. Biensure on nous dit qu’“Il est temps d’adopter une approche multidisciplinaire, pour la simple raison que ce souci est à la fois médical, social et professionnel» que les «925 tailleurs de pierres recensés sont des malades potentiels» que «le mal est fait» qu’il faut envisager des actions «en aval et en amont. Puisque la maladie est incurable». L’essentiel est qu’en attendant, les habitants de T’kout, particulièrement les tailleurs de pierre, en sont arrivés à ne plus rien espérer, à se résigner à leur vie au noir, ignorés et délaissés de tous et de l’Etat d’abord. Douleur, angoisse, peur, solitude et décès sont le lot quotidien et la silicose l’horizon infranchissable de beaucoup parmi eux.

LM & Ben Yahia Abd el madjid

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Commentaires (2) | Réagir ?

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khelaf hellal

Le cas des jeunes de TKout qui travaillent au noir et qui disparaissent sans aucune couverture sociale devrait interpeller toute la société Algérienne. A quelle époque vivons-nous? A l'époque des forçats, des bougnoules et des khemassines qui construisaient des routes et cultivaient les terres des colons qui les exploitaient. Nos chouhada sont-ils morts pour des prunes? Nos valeureux moudjahidines, moudjahidates ont-ils combattu le colonialisme que pour connaitre cette infamie et cette trahison que leur font subir les nouveaux colons bien planqués dans leurs résidences cossues et barricadées?

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khelaf hellal

J'ai oublié les ouvriers empoisonnés au cyanure des mines d'or de l'ENOR de Tamanrasset. Des victimes des pompes-à-fric que le système politique a lancé au Sud avant l'exploitation du gaz de shiste à In salah. Des ouvriers livrés à eux-mêmes et qui n'ont bénéficié d'aucune protection de l'Etat sur les dangers inhérents à ces exploitations. Tag 3la men tag. Sans parler des dégâts causés à l'environnement de ces sites.