Grèce : réémergence d’un monde bipolaire plus humain ?

La situation s'est sérieusement dégradée entre la Grèce et l'Union européenne.
La situation s'est sérieusement dégradée entre la Grèce et l'Union européenne.

La dégradation de la situation entre la Grèce et l’Union européenne ouvre la porte à un possible enlignement du pays endetté sur les membres du BRICS. Le monde unipolaire créé à la suite de l’écroulement de l’URSS semble tirer à sa fin. Il laisse tranquillement place à un monde bipolaire ou les pays émergents concurrencent directement ceux qui gèrent actuellement la destinée de la planète.

La possibilité d'un Grexit semble devenir de plus en plus probable au cours des derniers jours. Au cœur du problème se trouve le programme économique rigide imposé par l'UE et le Fonds monétaire international à la Grèce dont les finances n’ont cessé de décliner depuis. Il y a de bonnes raisons pour lesquelles, malgré les sacrifices consentis par sa population, ce pays n'est pas devenu plus compétitif et que sa dette ne s'est pas réduites. Il est maintenant bien établi que les politiques d’austérité et de compressions budgétaires sont inefficaces et qu’il faut faire d’importantes injections de capitaux dans une économie pour la redémarrer. Les États-Unis viennent d’ailleurs de se redonner une santé financière en dépensant allègrement les fonds des investisseurs du monde entier dans son économie. Les demandes des créanciers à des pays comme la Grèce ne sont donc pas appropriées pour aider leurs débiteurs à retrouver une santé financière. La réalité est que ces compressions exigées sont en grande partie punitives et destinées à faire des exemples publics pour empêcher d’autres pays de contester l’autorité du système économique mondial en place. Les nations prises dans les filets de leurs créanciers sont donc intentionnellement martyrisées pour montrer ce qui peut arriver à ceux qui seraient tentés de préférer leurs citoyens à ceux qui lui ont prêté des fonds.

Ces punitions exemplaires fonctionnaient bien tant qu’il n’y avait qu’un seul grand système économique et que les mauvais payeurs ne pouvaient échapper au courroux de leurs prêteurs. Mais l’arrivée des BRICS avec leur banque qui permet d’accéder à l’immense réserve de fonds chinois change la situation. Dans le passé des pays mis au banc du système économique mondial comme Cuba ou l’Argentine ont pu survivre en trouvant avec difficultés des moyens d’échanger des services ou de troquer des biens. La nouvelle banque des BRICS qui doit ouvrir à Moscou le 7 juillet prochain amène une autre dimension à la contestation du système économique dominant. Comme l’a fait l’Argentine, les pays peuvent maintenant se refinancer à de nouvelles sources alternatives de fonds en continuant à faire du commerce avec les pays non alignés sur l’un ou l’autre des systèmes. L’accord du 19 juin entre la Russie et la Grèce qui fera passer le projet de gazoduc TurkStream par le territoire grec est un bon exemple du contrepoids que constituent actuellement les BRICS au système financier international géré par le FMI.

S’il ne veut pas voir la Grèce quitter son bateau pour prendre une position plus aventureuse, le Conseil européen doit de toute urgence trouver des manières de l’aider. S’il est dans l'incapacité de rembourser au FMI les 1,5 milliard d'euros de prêts qui arrivent à échéance à la fin juin, ce pays aura un pied dans la porte et se tournera encore plus vers les BRICS. L’appui de la Russie, qui se fait un malin plaisir de contrer ainsi les États-Unis et l’Union européenne qui lui imposent des pénalités pour ce qui se passe en Ukraine, donne un grand pouvoir de négociation à la Grèce. Elle peut maintenant mieux s’opposer à l’austérité que veulent lui imposer ses créanciers. Il est donc paradoxal de constater que la montée en puissance des pays du BRICS, qui ne sont pas reconnus pour leur respect des droits de l’Homme, puisse pourtant être un grand atout pour humaniser les finances mondiales. En forçant les grands prêteurs à négocier de meilleures ententes avec les pays endettés qui peuvent maintenant aller voir ailleurs, cette nouvelle alternative de financement risque de fortement améliorer le sort des nations les plus pauvres de la planète.

Michel Gourd

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