L’irréformabilité juridique du code de la famille

Les Algériennes méritent beaucoup mieux que l'infamant code de la famille
Les Algériennes méritent beaucoup mieux que l'infamant code de la famille

En droit, un code civil est avant tout le reflet d’un consensus contractuel profond de la société puisqu’il détermine les règles relatives au statut des personnes et à leurs conventions.

Le contenu du corpus légal est par conséquent lié par des valeurs qui cimentent le tout dans une retranscription homogène. Le code algérien de la famille est irréformable car son fondement est basé sur une monstruosité qui tourne le dos à l’humanité moderne et qui rend irrecevable le contenu dans son intégralité.

Trois conditions fondent la force légale d’un code civil, la légitimité de ses rédacteurs, le consensus qu’il génère dans la société et le contenu conforme aux valeurs d’un droit humaniste au regard de l’époque moderne post-esclavagiste. Or aucune de ces trois conditions juridiques n’est présente, nous en sommes au contraire à l’absolu opposé.

La légitimité de ses rédacteurs (ou ses commanditaires politiques) ne peut reposer sur la force brutale d’un Etat, c’est un point entendu depuis longtemps, le juriste n’y reviendra pas. Pour ce qui est du consensus social, il suffit de se référer au rejet massif de la société civile composée des hommes et des femmes qui sont encore libres de leur conscience.

La troisième condition, celle qui concerne le fond du texte, est aussi rapidement écartée par le juriste. L’Algérie s’est inscrite dans le cadre des nations humaines et à ce titre a ratifié toutes les conventions internationales l’inscrivant dans cette communauté universelle. Depuis l’abolition de l’esclavage ce droit repose sur le principe intangible de l’égalité entre un petit garçon et une petite fille qui naissent, un état juridique qui ne disparait jamais au cours de la vie quelles que soient les conventions entre les personnes. Le code de la famille algérien contrevient très gravement à ce principe premier qui lie la communauté des hommes et des femmes du vingt et unième siècle.

Le code de la famille est impossible à réformer car il se base sur un postulat d’inégalité qui est imprégné dans chaque ligne du code et rend tout l’édifice juridique irrecevable. Ce n’est pas le réformer qu’il faudrait mais l’enterrer dans les oubliettes de la mémoire afin que les jeunes générations à venir ne soient pas choquées que leurs parents et grands-parents aient pu accepter une telle monstruosité.

Quel que soit l’article sur lequel se pose le regard, le lecteur est pris d’horreur de la brutalité envers le statut de la femme. L’article 48 nous apprend que l’époux comme l’épouse peuvent demander le divorce. Oui, mais cette pauvre malheureuse est immédiatement flanquée d’une batterie de conditions expressément détaillées dans l’article 53. Il y a là une conception juridique de l’égalité des plus surprenantes.

La célébrissime disposition du droit algérien, l’article 8, permet à l’homme d’épouser en même temps (la précision s’impose) autant de femmes qu’il le souhaite. Bien que la disposition soit inacceptable, nous aurions au moins compris la réciprocité. Les rédacteurs précisent qu’une autorisation préalable est exigée comme pour nous signifier qu’ils s’inscrivent dans un état de droit. Sont-ils certains d’avoir une réelle idée de ce concept qui semble leur échapper ?

L’article 30 ajoute que la femme « prohibée » (quel extraordinaire adjectif !) est celle qui est déjà mariée. Bien entendu, elle n’a pas le droit à la réciprocité. Nous pouvons également lire que l’article 39 est abrogé par une ordonnance de 2005 et une note de renvoi nous rappelle l’ancienne rédaction portant l’expression « chef de famille ». Inutile en effet de le stipuler, le texte est dans sa lettre comme dans son esprit un verrouillage ferme au profit du mari, César absolu du foyer conjugal.

Parfois on doit s’y prendre à plusieurs reprises pour suivre certaines élucubrations, …possibilité après trois divorces mais à condition de ceci ou de cela, après que ceci ou cela….c’est à s’y perdre. Plus choquant, la litanie des conditions que doit remplir l’épouse, jusqu’aux considérations physiologiques, une impression d’avoir à faire à un questionnaire intime ou à un manuel vétérinaire.

Le juriste est obligé d’interrompre sa lecture car il est très rapidement conscient que le cas n’est plus de sa compétence. La lecture de telles dispositions nous pose véritablement la question de savoir s’il s’agit d’un code civil ou si tout cela relève de la psychiatrie lourde, très lourde.

Ce code de la famille est une monstruosité à contretemps de tous les désirs d’avenir de la plupart de nos jeunes algériens. Ne peut-on pas faire preuve de sérénité en adaptant, pour le moins, les prescriptions légales au temps qui est le notre et non à celui du septième siècle ?

Il a fallu des siècles de combat pour que les défenseurs d’une société religieuse comprennent qu’ils devaient mettre genoux à terre après avoir été complices d’atrocités et d’avilissement des populations. Les nations modernes ont cependant gardé dans leurs codes civils des éléments issus des religions qui représentaient des avancées morales pour l’humanité. C’est que les religieux avaient allègrement détourné la philosophie des textes originels et, pour le moins, n’avaient pas compris leur ancrage dans un temps qui n’est plus celui du moment. Et par définition du temps présent, il n’est jamais celui qui est passé.

Les codes civils des nations modernes intègrent le principe de l’égalité, de la dignité, de la responsabilité, du partage et de la juste sanction. C’est bien ce que les fondements des religions rappellent dans leur message. Il s’agit toujours de la même discussion, depuis cinquante ans, avec ceux qui veulent nous abrutir et dominer notre esprit. Leur interprétation n’est pas la notre, que nous soyons athées ou croyants, il y a un gouffre entre nous. Tous les détraqués de la planète ont toujours voulu asservir l’objet de leur fantasme délirant et pathologique, la femme. Aucun débat n’est possible avec eux et réformer l’irréformable semble être aujourd’hui comme hier une perte de temps et une complication à venir.

On nous annonce pourtant une réforme du code de la famille mais réformer l’horreur c’est comme se préoccuper de la tenue vestimentaire du bourreau aux fins d’humaniser la torture et la peine de mort. L’abroger et l’effacer de la mémoire collective est la seule démarche possible pour repartir du bon pied et du bon esprit vers une autre conception rédactionnelle, la page vierge.

Des questionnements précèdent toujours l’écriture d’un texte juridique fondamental. Et la première des questions est de s’interroger sur le projet social que nous désirons. Rejoindre la communauté des hommes libres ou se refermer dans un conglomérat de pays qui s’enfoncent dans les ténèbres de l’horreur ? Dans ce second cas, il faudra se dépêcher car d’autres pays ont pris le leadership et sont très avancés dans la barbarie des coutumes juridiques. Décapiter, fouetter des femmes, leur interdire toute vie sociale en dehors des palais princiers, beaucoup de monarchies ont pris une avance considérable. Il va falloir se hisser à des normes de compétitivité très élevées qui relèguent, pour le moment, le code de la famille algérien au rang de dangereux manifeste libertaire au bénéfice des femmes.

Il est impératif de construire au bénéfice de la femme algérienne un destin conforme à son droit, indiscutablement égal à celui de l’homme. Un droit que nous n’avons pas à lui octroyer mais à reconnaître car il est, existe et s’impose.

De toute façon, indomptable et libre sera à jamais cette envoutante et éternelle beauté de l’humanité, la femme. Il faudra que les grands pervers s’y fassent ou se soignent.

Boumédiene Sid Lakhdar

Enseignant

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