Loi française sur le renseignement : la sécurité au détriment des libertés

La loi sur le renseignement ne suscite pas de grands débats.
La loi sur le renseignement ne suscite pas de grands débats.

L’examen de projet de loi sur le renseignement a débuté lundi 13 avril 2015 à l’Assemblée nationale française.

Il est examiné dans le cadre d’une procédure accélérée et non lors d’un débat parlementaire. Curieusement, ce texte ne suscite que peu d’indignations au sein de la classe politique. Pourtant, la société civile est unanime : ce futur texte de loi, en cas de promulgation, portera gravement atteinte aux libertés des Français.

Retour sur un projet de loi qui a été présenté trois mois après les attentats ayant frappé "Charlie Hebdo" et l’Hyper cacher de la porte de Vincennes à Paris. La société française reste très préoccupée par la sécurité. Le plan Vigipirate est à son plus haut niveau depuis sa création en 1978. Ce sont près de 10 500 soldats qui sont mobilisés quotidiennement. Ce coût, pour le budget de la Défense, revient à près d’un million d’euros par jour. Ce chiffre a été avancé par le ministre de la Défense, Monsieur Jean-Yves Le Drian, lors d’une interview, le 8 février 2015, sur Europe 1 – iTELE – Le Monde. Ce lourd dispositif permet la surveillance de 830 sites dit "sensible", comme des lieux de culte, des écoles ou encore des médias.

Pour faire face à ces tragiques événements, le gouvernement de Manuel Valls a décidé de sortir les gros moyens, quitte à restreindre certaines libertés de ses concitoyens. Ce nouveau projet de loi suscite de telles inquiétudes, que le gouvernement a jugé utile d’y répondre en créant un site internet intitulé «Le Vrai/Faux du Gouvernement sur le #PJLRenseignement».

Pourtant, selon une enquête Odoxa réalisée les 16 et 17 avril 2015, pour le journal Le Parisien, près de 7 Français sur 10 estiment que cette future loi, si elle est adoptée, «remet en question certaines libertés et le respect de la vie privée».

Ils sont tout autant de Français (69%) à juger que cette loi serait malgré tout utile…

Détaillons les principales mesures de ce projet de loi qui va bouleverser les habitudes de nombreux Français mais aussi de tous ceux qui séjourneront sur le territoire français.

Le projet de loi va bien au-delà de la lutte contre le terrorisme.

Plusieurs motifs pourront être retenus afin de déclencher ces mesures liberticides. Sept grandes dispositions ressortent de ce projet de loi. Elles ne sont pas exhaustives, mais essentielles en cela car elles concernent des domaines variées et parfois ne relevant pas de la lutte contre le terrorisme :

1. la sécurité nationale ;

2. les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France ;

3. la prévention du terrorisme ;

4. la prévention de la criminalité et de la délinquance organisée ;

5. la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ;

6. la prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous en application de l’article L 212-1 ;

7. les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France.

En dehors des trois premiers points, ce projet de loi va donc bien au-delà de la lutte contre le terrorisme. Il organise une surveillance généralisée de l’ensemble du territoire français.

En effet, au nom de la lutte contre le terrorisme, le pouvoir exécutif pourra justifier, au motif d’une simple «urgence», la mise sur écoute d’individus suspectés de terrorisme, mais aussi de simples citoyens, de syndicats, d’associations, de partis politiques (à l’exception des parlementaires).

Face à une inquiétude grandissante, le Président de la République française, M. François Hollande, a annoncé, dimanche 19 avril 2015, qu’il saisirait lui-même le Conseil constitutionnel à l‘issue de l’examen de la loi par les deux assemblées. Il reviendra donc aux neuf sages d’établir la conformité de cette loi.

Farid Messaoudi, juriste

Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris

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