Reste-t-il encore de l'espoir en Algérie ?

C'est un pays à genoux que nous laisserons à nos enfants si rien n'est fait assez rapidement.
C'est un pays à genoux que nous laisserons à nos enfants si rien n'est fait assez rapidement.

Comme un indomptable boomerang que nous lançons au futur, le refrain de l'espoir retourne «frêle» en notre direction et nous attire souvent en cette Algérie «décadente» de 2015 vers des illusions aussi tentantes que vite condamnées à périr.

On se prend alors à rêver en vain parce qu'il n'y a absolument pas autre chose à faire. L'horizon de nos attentes devient à la fois un pôle d'appel et de répulsion. Que l'on s'en attriste ou que l'on s'en réjouisse, le résultat est toujours le même : il nous faut apprendre à voir le monde autrement, à peindre un tableau autre que celui qui nous est réservé par des journées mortes, monotones et sans éclat, à fuir cette réalité laide, insipide, étanche et terne dont on est victimes et spectateurs. Or, la douleur de la déception populaire est énorme et les chemins qui mènent à la convalescence du corps malade de la nation sont obstrués. Cela voudrait-il dire qu'il faille nous débarrasser illico presto de tout ce que nous tenions depuis longtemps pour le fief de nos malheurs? Autrement dit, sommes-nous obligés de croire en un inéluctable progrès même si toutes les données sur le terrain en présagent le contraire? Je n'en sais rien.

Jusqu'à ce jour, l'Algérien est à vrai dire pris dans la tornade du pessimisme. Un pessimisme qui progresse sous une forme quelquefois incohérente et ambivalente. Le passé est imprécis, le présent est conditionné, l'avenir est indéterminé et la chape du plomb qui couvre le mystère de ceux qui nous dirigent s'épaissit de jour en jour. Mais pourquoi diable nos têtes pensantes s'acharnent-elles à creuser plus profondément le fossé pourtant déjà abyssal entre elles-mêmes et les citoyens ? En ce sens que la seule question qui importe à leur regard est de savoir comment pérenniser leur rupture consommée avec la base et non plus comment la réparer. Nul besoin donc ici, tout du moins au début de cette courte réflexion, de pérorer sur le pourquoi et le comment de nos faillites dans ce contexte de délabrement général sur le plan interne et d'offensive tous azimuts à notre encontre sous divers prétextes à l'international. Car indépendamment de tous les dégâts collatéraux induits par une telle situation, le gris dont sont tricotés les fils de nos jours est parfois peut-être plus lumineux, voire plus printanier que les couleurs criardes des utopies plantées depuis belle lurette par les apparatchiks du parti unique et leurs successeurs après l'ouverture démocratique de la fin des années 1980 en autant d'étendards dans nos cœurs. Loin d'être fantaisiste, mon intention n'est pas de me noyer entre les paires de parallèles qui ne se rencontrent jamais à savoir changement et stagnation, espoir et désenchantement, illusion et désillusion, etc., mais de nager dans l'univers de ces suites de possibles sans m'y laisser aucunement piéger.

Aussi drôle que puisse paraître ce jeu d'équilibriste entre les dividendes de nos bêtises, il renvoie en vérité à cette dichotomie des volontés au plus profond de la conscience de l'algérien. En fait, pourquoi y-a-t-il chez les miens ce quelque chose mi-figue, mi-raisin? C'est-à-dire, ce quelque chose qui n'est ni optimisme ni pessimisme mais qui sans cesse revient, révulse, repousse, bloque et même parfois fascine? Comme si l'on veut vite pousser une voiture en panne et l’arrêter brusquement en mi-chemin! Certes mes compatriotes ont pris le pli de s'adapter aux circonstances les plus changeantes ; inexplicables, et même ambiguës de la réalité algérienne de ces dernières années, il n'en demeure pas moins qu'ils sont emportés par un interminable flot d'incertitudes quant au sort de la patrie. On dirait que leur statut est indéfiniment voué l'indétermination. Mais, voyons, peut-on se contenter de gérer au jour le jour un pays phare du pourtour de la Méditerranée dont la superficie dépasse les 2 millions de km2 et la population avoisine 40 millions dont les trois tiers sont des jeunes de moins de 35 ans? Et puis, serait-il raisonnable de maintenir cet ancien «grenier de blé de Rome» dans le statut de dépendance à l'égard de ceux qu’ils approvisionnaient jadis ? Nous voici maintenant au tournant d'un autre virage, sans repères ni objectifs propres, errant égarés, incertitudes et peurs mélangées. Il n'est plus permis là de pousser la logique d'auto-inculpation jusqu'au bout, en tapant plus fort sur nos os déjà décatis par les soucis et les préoccupations. Car d'abord cela ne sert à rien et puis ce n'est plus commode de chercher midi à quatorze heures.

Le peu de fois où l'on parvient à prendre contact avec nos réalités, on rentre dans un état second. Autant dire, des passages à vide qui conduisent droit à l'isolement dans l'ivresse. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que même en cachette, les bars et les buvettes de l'Algérois et d'autres régions de cette Algérie des contradictions affichent complet. Ce sont sans doute les uniques places où d'aucuns se retrouvent à l'aise pour exhumer malgré eux leurs margouillis de souvenirs douloureux, la seule chose qui semble immuable, et incontournable dans notre pays et surtout quand on se rend compte que le monde autour de nous est en dérive, fou ! Et parler du bonheur ? Pardi ! J'ai le tournis. L'Algérien avait-il seulement le droit de prétendre à jouir d'un tel luxe quand l'horizon paraît bouché et que le sol semble s'enfoncer sous ses pieds, une fois à l'extérieur pour faire ses courses? La vie est chère, le dinar est une monnaie de singe et ce n'est certainement pas à Mme Benghebrit, ministre de l'Education de son état, dont ces derniers mois la proposition de rattraper les cours par les C.D a largement été critiquée de redresser la barre d'une gestion hasardeuse des biens publics! Le peuple est clochardisé parce que d'abord longtemps privé d'éducation et de culture.

Le bonheur d'agir, de résister, en un mot, le bonheur de lutter est banni des cervelles. On ne pense qu'à remplir des sacs en plastique noirs d'argent, pratique somme toute fruit du mimétisme grégaire des méthodes voyous de nos cancres gestionnaires! Or, ce serait tout à fait de l'esprit du temps de cogiter, de faire fonctionner les neurones et de bousculer les pseudo-évidences qui deviennent transparentes à force d'être grises. D'un gris cendré sans grande nuance, presque une non-couleur : une déception.

Kamal Guerroua

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Commentaires (17) | Réagir ?

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moh arwal

Mr Guerroua dit : "Le peuple est clochardisé parce que d'abord longtemps privé d'éducation et de culture. "

Bravo bien dit :la source de tous les maux sur terre pas uniquement en algerie est l'ignorance.

Notre problème en algerie est que le pouvoir encourage sciemment l'ignorance alors qu' ailleurs on la combat.

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moh arwal

Essayons de résoudre :

les deux tiers sont des jeunes de moins de 35 ans

40 000 000 x 2/3 = 27 millions de moins de 35 ans environ

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