Evitons à notre pays le retour du scénario dramatique de 1986

Si le gouvernement persiste dans son déni politique, on replongera inévitablement dans la crise de 1986
Si le gouvernement persiste dans son déni politique, on replongera inévitablement dans la crise de 1986

Je tiens à rappeler que la chute du cours des hydrocarbures (le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole) a eu un impact, au moment où les besoins de l’Algérie étaient beaucoup moindres qu’en 2015, que vers les années 1990/1991 (cinq années) ayant résulté la cessation de paiement et le rééchelonnement auprès du club de Paris et de Londres et les ajustements douloureux du FMI.

L’Algérie qui a souffert du terrorisme pensant plus de 10 années et selon les chiffres officiels plus de 200.000 morts, et avec les bouleversements géostratégiques à ses frontières où se dessinera horizon 2020 une nouvelle carte du monde, a besoin d’une stratégie d’adaptation et d’une visibilité et cohérence dans sa démarche. Il faut éviter la vison de tutelle paternaliste d’assimiler la population algérienne à un tube digestif grâce à une redistribution passive de la rente des hydrocarbures pour une paix sociale éphémère. Il serait maladroit pour le pouvoir algérien d’ignorer les expériences historiques souvent désastreuses par des dirigeants qui ont ignoré les nouvelles mutations tant internes qu’internationales. Il existe un théorème en sciences politiques : 80% d'actions mal ciblées et désordonnées que l'on voile par de l'activisme, ont un impact de 20% sur les objectifs et 20% d'actions bien ciblées ont un impact sur 80%.Car les indicateurs macro-financiers qui auront un impact sur la sphère sociale à terme son inquiétants en ce mois d’avril 2015. Or aucun Algérien aimant le pays ne peut souhaiter le retour au scénario dramatique des impacts de la crise 1986. D’où un langage de la vérité auprès de la population et une mobilisation sans faille renvoyant à la moralité de ceux qui dirigent la Cité.

1.- Les importations de biens, à prix courants, selon les statiques officielles douanières, ont été de 40,472 milliards en 2010 ; 46, 453 milliards en 2011 ; 47,490 en 2012 ; 55,028 en 2013 et 58,330 en 2014. Selon la Banque d‘Algérie les services, ont représentés en 2013 10,77 milliards de dollars donnant un total des importations de biens et services de 65,76 milliards de dollars et en 2014 11,70 milliards de dollars avec un total d’importation de biens et services de 71,14 milliards de dollars. Ce sont les sorties de devises sans les transferts légaux de capitaux dont les transferts courants nets ont été de 2,79 milliards de dollars en 2013 et 3,30 milliards de dollars en 2014. Ainsi le solde de la balance commerciale a été de 16,58 en 2010 ; de 26,242 en 2011 ; de 24,376 en 2012 ; de 9,946 en 2013 et de 4,626 en 2014 en n’oubliant pas que le cours moyen entre le premier semestre (plus de 105 dollars le baril, le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole) et le second semestre a été selon la banque mondiale de plus de 85 dollars. Cela traduit la faiblesse de la production nationale et pour ne pas dire l’inexistence de bureaux d’études pluridisciplinaires complexes dans la majorité des secteurs sans lesquels aucun développement fiable à terme ne peut se réaliser renvoyant à la ressource essentielle dans tout pays qui est la ressource humaine.

2.- Les recettes de Sonatrach ayant été entre 2000/2014 de plus de 760 milliards de dollars et plus de 580 milliards de dollars d’importation, la différence est les réserves de change actuelles. Pour la banque les exportations d’hydrocarbures ont été de 63,66 milliards de dollars en 2013 58,34 en 2014, et durant les mois de janvier/février 2015 de 5,152 milliards de dollars contre 10,396 pour la même période 2014 soit une chute de près de 50%.. Si l’on prend les données de la banque d’Algérie pour seulement 2013/2014 les revenus des services facteurs nets sont négatifs moins de 4,52 milliards de dollars pour 2013 et 4,88 milliards de dollars pour 2014. La balance courante accuse un solde positif d’un milliard de dollars en 2013 mais un solide négatif de 9,11 milliards de dollars fin 2014. Le solde global de la balance des paiements a été de 130 millions de dollars en 2013 et négatif de 5,88 milliards de dollars fin 2014.

3.- Les réserves de change étaient de 193,3 milliards de dollars à fin juin 2014, à 185,273 milliards de dollars à fin septembre 2014 et de 178,9 milliards de dollars à la fin décembre 2014, soit 15,6 milliards de dollars de moins que les 193,3 milliards de dollars enregistrés fin juin 2014. Cela s’explique par la cadence des importations de biens et services, la chute du cours du pétrole et également de la dévalorisation monétaire d’une partie des placements effectués en euros du fait de sa dépréciation par rapport au dollar. Ces réserves, non compris les 173 tonnes d’or d’une valeur monétaire d’environ 7 milliards de dollars au cours actuel, incluent le quote-part au Fonds monétaire international de 1,96 md de DTS (près de 3 milliards de dollars), s’ajoutant à la décision de l’Algérie en octobre 2012 de participer à l’emprunt lancé par le FMI avec un montant de 5 milliards de dollars. Ces placements des réserves de change à l’étranger tant en bons de trésor américains, en obligations européennes et dans des banques privées internationales cotées dites AAA ont rapportés fonction de la durée du placement et les variations des taux des banques centrales, selon la Banque d’Algérie de 2,42 milliards de dollars en 2006, de 3,81 en 2007, de 5,13 en 2008, de 4,74 en 2009, de 4,60 en 2010, de 4,45 milliards de dollars en 2011 et pour 2013 selon le gouverneur devant les députés je le cite : «ces réserves ont produit un rendement de 3,155 milliards de dollars en 2013, reflétant un taux de rentabilité de 1,66%». D’une manière générale, si l’on maintient le même niveau des dépenses que 2014, si non plus puisque la loi des finances 2015 votée par le parlement prévoit plus de 60 milliards de dollars d’importation uniquement de biens pour 2015, l’on devrait normalement puiser dans les réserves de change environ 30 milliards de dollars en 2015. Si l’on maintient le niveau des dépenses de 2014 pour 2015, l’on devrait normalement puiser dans les réserves de change environ 30 milliards de dollars en 2015, qui devrait s’épuiser horizon 2020/2021.

4.- Les réserves de change sont gérées par la banque d’Algérie et le fonds de régulation par le trésor, résultant de la reconversion de la devise hydrocarbures en dinars algérien. Pour le fonds de régulation des recettes, le budget de fonctionnement et d’équipement réuni selon la banque mondiale ne peut se réaliser que sur la base d’un cours de 120 dollars (37 dollars étant un artifice comptable). Le fonds de régulation des recettes résulte de la différence entre le prix de ventes moyennes annuelles des hydrocarbures et le plancher de la loi de finances de 37 dollars. De ce fait, un dérapage du dinar de 10 à 15% gonfle artificiellement le fonds de régulation des recettes de 10 à 15%. Il en est de même des importations en euros reconvertis en dinars au niveau de la douane où les taxes douanières se calculent en référence au dinar. De ce fait un dérapage du dinar tant par rapport à l’euro que par rapport au dollar gonfle la fiscalité hydrocarbures et ordinaires voilant la réalité du déficit budgétaire. Officiellement, les avoirs prélevés du FRR ont atteint 2.965,6 mds de DA en 2014 contre 2.132,4 mds de DA en 2013 qui ont servi exclusivement à financer le déficit du Trésor, qui s'est creusé à 2.965,6 mds de DA, un niveau jamais atteint depuis 2000. A fin 2014, les avoirs du FRR s'étaient établis, après prélèvements, à 4.408,4 mds de DA contre 5.563,5 mds de DA à fin 2013. Au cours de 95 dinars un dollar, nous aurons 47 milliards de dollars, en signalant que loi de finances 2015 paradoxe, a été établi sur la base d’un cours de 79 dinars un dollar.

La loi des finances 2015 prévoit des recettes budgétaires de 4.684,6 milliards de dinars et des dépenses publiques de 8.858,1 mds de dinars, soit un déficit budgétaire de 4.173,3 mds de dinars. Au cours de 95 dinars un dollar, en prenant le même taux pour plus de cohérence, nous aurons 44 milliards de dollars qui devaient être alimenté par le fonds de régulation des recettes. Ainsi si le cours moyen pour 2015 s’établit à 60 dollars, en cas du maintien des dépenses prévues par la loi de finances 2015, ni d’accroissement substantiel des recettes fiscales ordinaires, le fonds de régulation risque de s’épuiser courant 2016. En effet, en prenant comme hypothèse qu’une chute d’un dollar par baril occasionne un manque à gagner d’environ 600 millions de dollars, en moyenne annuelle, les recettes de Sonatrach alimenteront le fonds de régulation des recettes que de 14 milliards de dollars donnant un total fin 2015 de 61 milliards de dollars, restant au niveau du fonds de régulation des recettes au 1er janvier 2016, que 17 milliards de dollars. En cas d’un cours entre 50/55 dollars le cas serait encore plus dramatique. Selon le Fonds Monétaire International- FMI- dans son rapport du 13 avril 2015 conséquence de la chute du cours des hydrocarbures, prévoit 26 milliards de dollars de déficit en 2015 pour l’Algérie ; le solde extérieur courant devrait fortement baisser, passant de(négatif ) -4.3% du PIB en 2014 à (négatif ) -15.7% en 2015 pour redescendre en cas d’un retour du cours à 70 dollars (négatif)-13.2% en 2016. La croissance du PIB réel devrait se ralentir de 4,1 % en 2014 à 2,6 % en 2015. Le FMI prévoit un taux d’inflation( déjà compressé par les subventions) qui passeraient de 2.9 en 2014 à 4.0 en 2015 et 2016 et le taux de chômage ( déjà surestimé par les emplois dans les administrations, les sureffectifs dans les entreprises publiques, et les emplois temporaires souvent improductifs) devrait légèrement augmenter où de 10.6% en 2014, il passerait en 2015 et 2016 à 11.8% et 11.9% en 2015 et 2016

5.- En cas de poursuite sans correction de l’actuelle politique économique et sociale, croyant au rêve incertain d’un retour au cours de 100 dollars le baril de pétrole, les conséquences seront alors plus désastreuses qu’en 1986 du fait de la pression démographique 40 millions fin 2015, allant vers 50 millions horizon 2030 et de l’exigence nouvelle des populations, avec l’inévitable dévaluation du dinar, un processus inflationniste et la fin des subventions généralisées qui ont représentées 60 milliards de dollars en 2014, soit 27/28% du produit intérieur brut. Cependant il faut éviter une vision de sinistrose par rapport à 1986 où à cette époque commençait le niveau d’endettement et les réserves de change étaient presque nulles. Ainsi grâce au remboursement par anticipation, la dette à moyen et long terme est passée de 22,44 milliards de dollars en 2001 à 4,84 en 2008, à 4,35 en 2009, à 3,26 en 2010, 2,47 en 2012, à 2, 068 en 2013. La dette extérieure est passée de 22,70 en 2001 à 5,92 en 2008, 5,68 en 2009, à 5,68 en 2010, à 4,40 en 2011, 3,63 en 2012 et à 3,396 en 2013 et 3,666 milliards de dollars à fin 2014. La sécurité nationale étant posée, il y a urgence d’une vision stratégique qui fait cruellement défaut, de prendre des mesures de rationalisation des choix budgétaires ciblées, de mieux gérer les réserves de change, de lutter contre la mauvaise gestion et la corruption et pour 2015 une loi de finances complémentaire afin d’éviter les tensions sociales, voire politiques au sein d’une région qui devrait connaitre d’importants bouleversements géostratégiques.

Loin des mesures administratives, il y a lieu de penser par des mécanismes économiques, tenant compte de l’anthropologie de la société, d’intégrer la sphère informelle, produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat que l’on ne combat pas des mesures bureaucratiques ponctuelles, qui draine plus de 40% de la masse monétaire en circulation, 50% de la superficie économique sans Sonatrach, étant tributaire de cette visibilité à moyen et long terme(voir notre étude sur la sphère informelle -Institut Français des Relations Internationales IFRI- Paris/Bruxelles décembre 2013).

En résumé, afin d’éviter de perpétuer des comportements rentiers périmés, qui risquent le conduire le pays à l’impasse, j’avais proposé dès le 05 novembre 2014 à mon retour d’une tournée internationale (voir mon débat sur le même sujet Radio France Internationale 24 octobre 2014 avec l’ancien économiste en chef du Secrétariat d’Etat à l’Energie US et actuellement directeur à l’AIE) en présence du premier ministre et de membres du gouvernement qui a fait rire une partie de l’assistance non consciente de la gravité de la situation, étant habitué à dépenser sans compter, et des experts qui aujourd’hui ont changé de discours, de créer un comité de crise J’avais préconisé que le développement des libertés au sens large, politique, économique, sociale et culturelle associant l’ensemble des forces sociales sans exclusive par un dialogue productif, me parait la seule voie salutaire d’autant plus que l’Algérie a toutes les potentialités pour surmonter la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée.(1).

L’Algérie qui traverse une phase cruciale de son histoire a besoin de rassembler et non de diviser sur des sujets qui sensibles qui divisent la société, et font le lit des discours de conservateurs, qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance : un développement harmonieux conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale. Pour cela elle a besoin d’un Etat de Droit, d’une bonne gouvernance et la revalorisation de son élite, la fuite de cerveaux étant comparable à un corps humain qui se vide de sa substance. Or le système socio-éducatif dans son ensemble connait une baisse alarmante du niveau, parlant en connaissance de cause étant professeur des Universités depuis 40 ans, et selon une étude présentée par le CREAD à Alger le 14 avril 2015, le pays connait une véritable hémorragie de fuite de ses compétences, uniquement les effectifs dans les pays de l’OCDE étant de 267.799 personnes.

Dr Abderahmane Mebtoul, professeur des universités

(1) Sur le même sujet voir notre interview à la télévision El Bilad 10 avril 2015 21/22h rediffusée trois fois par la suite disponible sur facebook

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Commentaires (10) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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klouzazna klouzazna

Un tas de chiffres (faits) ne fait pas plus une science... qu'un tas pierres ne fait une maison !!!

H. Poincarré...

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