MAK/GPK : réponse à Moussa Naït Amara

Des militants manifestent pour l'autonomie de la Kabylie
Des militants manifestent pour l'autonomie de la Kabylie

Réponse à M. Moussa Nait Amara. Cher Monsieur, dans votre article "Pourquoi je désapprouve la démarche actuelle du MAK-GPK", vous soulevez plusieurs points qui méritent que l'on revienne dessus:

1/ Dès le début de votre article, vous présentez l'idée autonomiste kabyle comme étant "la nécessité du parachèvement de l’indépendance algérienne". Il est étrange de qualifier cette revendication d'évolution "algérienne". Une lecture rapide du livre-programme "Algérie, la question kabyle" de Ferhat Mehenni renseigne pourtant sur l'inexactitude d'une telle analyse, les ressorts intellectuels de l'autonomisme se trouvant plutôt dans l'affirmation de la nécessité pour la Kabylie de prendre son destin en main, nonobstant les évolutions plus globales d'un cadre national qui lui ai résolument hostile. Il est nécessaire d'admettre que certains ne partagent pas la conception de la Kabylie reléguée comme "région" d'un pays de fraîche création, mais comme une nation de plein droit, qui bien qu'ayant perdue définitivement sa souveraineté en 1871, n'en demeure pas moins une, au travers de sa langue, de ses spécificités culturelle, politique et sociologique, qui la distinguent clairement de son environnement immédiat.

2/ Vous affirmez en second lieu que "si le MAK a réussi, un certain moment, à se trouver une place dans la scène politique en Kabylie, c’est parce qu’il a fait comprendre aux Kabyles que son combat était celui de l’autonomie dans un cadre algérien et rien d’autre". Propos plus que discutable: il est indéniable que lors des premières années de sa création, le MAK a rassemblé en son sein l'ensemble des souverainistes kabyles, de toutes tendances et de tout parcours. L'érosion inexorable du mouvement des "Aarch", ainsi que de celui du parti kabyle traditionnellement associé aux idées du printemps berbère (le RCD du Dr. Sadi, pour ne pas le citer), n'a fait qu'accentuer cet état de fait, le MAK devenant le seul représentant politique de la mouvance dite "berbériste" en Kabylie.

3/ Vous dites au sujet des indépendantistes kabyles, "pourquoi n’assument-ils pas cette option dans le cadre d’un mouvement indépendantiste ? Pourquoi squattent-ils l’espace naturel de l’idée autonomiste ?".

Tout d'abord, l'usage du terme "squatter" est quelque peu irrespectueux à l'égard d'individus qui ont fait le choix de l'engagement militant et de l'action publique, dans une société largement minée par le triomphe de l'esprit marchand et individualiste. Aussi nous regrettons de le voir sous votre plume. La réponse à ce point que vous soulevez est donnée par le président Bouaziz Ait Chebib, qui a clairement expliqué que le passage du MAK de "mouvement pour l'autonomie" à "mouvement pour l'autodétermination", avait justement pour objectif de garder la famille souverainiste unie et de parer à une scission au sein du parti. 4/ Le cœur de votre propos est que "le passage à l’autodétermination est dicté par une volonté d’internationaliser cette question et de l’inscrire dans le sillage du nouvel ordre mondial qui est en train d’être façonné". Vaste concept que celui de "nouvel ordre mondial", dont la définition renverrait déjà par celle d'un "ancien ordre". Ce qui est extrêmement problématique dans votre affirmation, est que vous imputez l'évolution intellectuelle du mouvement kabyliste à des considérations, voir à des influences exclusivement étrangères. Comme si les militants kabyles seraient incapables de produire par eux-mêmes une réflexion nouvelle, qui prendrait avant tout en compte l'évolution objective de la situation politique sur le terrain. Vous allez même plus loin en disant que "penser que la Kabylie peut compter sur ce genre de changement pour émerger dans le cadre de l’exécution du «cas Algérie» est une véritable illusion". Vous accréditez ici l'idée que le MAK travaillerait pour une main étrangère qui souhaiterait nuire à l'Algérie, pays dont le régime est pourtant largement ami et coopérant des puissances occidentales que vous vilipendez. Que "la Kabylie est indissociable de ce qui se passe autour d'elle" est une chose, cependant c'est bien ce même environnement régional, marqué par une arabisation linguistique plus aboutie que jamais, ainsi que par la montée de l'islam politique, qui creuse inexorablement le fossé entre la Kabylie berbère (ou ce qu'il en reste), et une Afrique du nord se transformant en une extension du Moyen-Orient arabe. Vous dites que le nouveau "désordre mondial" vise "la destruction des valeurs historiques de l’humanité en général et des peuples autochtones en particulier afin de recomposer la géographie mondiale en faveur des intérêts des multinationales". C'est un propos en effet censé lorsque l'on observe les ravages de la mondialisation néo-libérale.

Cependant, et contrairement à ce que vous affirmez, l'émergence de nouveaux Etats sur la scène internationale n'est nullement souhaitée, bien au contraire: lorsque l'on observe l'extraordinaire mobilisation des élites mondiales contre l'idée d'une indépendance écossaise lors du dernier référendum organisé sur la question (allant jusqu'à une ingérence du présidents des Etats-Unis d'Amériques dans ce sujet de politique interne britannique); lorsque l'on voit également l'énorme pression des instances européennes contre les désirs d'indépendance de la Catalogne (menaçants cette dernière de ne jamais être admise comme membre de l'union européenne en cas de sécession); lorsque l'on constate également que, contrairement à vos dires, les puissances occidentales ne sont favorables ni à l'indépendance de l'Azawad (combattu militairement par la France), ni à celle du Kurdistan, il est un fait Monsieur que le nouveau "désordre" mondial dont vous parlez ne voit pas d'un bon œil l'émergence de petits pays, ethniquement et culturellement beaucoup plus homogènes. L'un des grands fondements idéologiques de la mondialisation étant l'homogénéisation, les grands ensembles sont toujours plus faciles à manœuvrer que les petites entités autonomes. Aussi, Monsieur, la critique de l'action du MAK, ainsi que celle de l'indépendantisme kabyle d'une manière plus générale, si elle doit bien évidemment être faite, ne se situe certainement pas au niveau que vous évoquez.

La faiblesse organique du MAK (comme celle de tout les partis politiques en Algérie), le peu d'influence des intellectuels et des idées dans un pays complètement verrouillé par un régime autoritaire, dont la population, abrutie par 52 ans d'arabo-islamisme, n'aspire plus qu'à des considérations matérialistes souvent très basses, la persistance enfin d'un islamisme virulent de plus en plus ancré dans la société (y compris en Kabylie), font de l'indépendance de la Kabylie une question qui ne pose pas pour l'heure de réels enjeux de géopolitiques à même d'amener à une manipulation du mouvement kabyliste par des puissances étrangères impérialistes. Il est donc stérile de se perdre dans des chimères. L'enjeu principal reste l'union de toutes les forces vives de la Kabylie et de l'Algérois kabylophone. Les convictions partagées doivent l'emporter sur les quelques divergences de projet politique, tout à fait secondaires par rapport à l'objectif commun de défense de nos libertés fondamentales et de la civilisation berbère face au danger mortel de l'arabo-islamisme.

Nabil Rabia

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Commentaires (31) | Réagir ?

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Massine Ait Ameur

La question du federalisme en Algerie est de premiere importance; c'est peut tre la seule voie de reussite. Mais quand on voit notre Ait Ahmed du FFS, qui vit en Suisse Federale dans la region de Geneve super autonome et qui dit non a l'autonomie des regions en Algerie, il faut se rendre compte que la mentalite bougnoule est ancree dans le cerveau de beaucoup d'entre nous, inclus nos soit disants "intellokhozites": Ce qui est bon pour les etrangers n'est pas bon pour nous autres ! Regarder autour de nous! Les pays les plus performants sur cette terre sont des republiques federales: Japan, US, Canada, Allemagne, Suisse .. et bien d'autres. Que vive un jour la Republqiue Federale d'Algerie.. Algerienne (moins l'etiquette khoroto Arabe) Au plus vite avant que ce ne soit trop tard.

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moh arwal

mieux vaut un petit chez soit qu un grand chez les autres

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moh arwal

La kabylie est trop petite pour les khobzistes ils préfèrent jouer dans la cour des grands comme l'internationale socialiste, le maghreb arabe, les conferences nationales et toutes les autres coquilles vides, qu' ils sachent qu' ils ne sont pas indispensables tamazight vivra par elle même et pour elle même. Ils nous ont lachés mais nous renaitrons de nos cendres

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juba tamazight

Peut être Ibn Khaldoun s'est trompé c'est les kabyles qui se sont entendu pour ne plus jamais s'entendre....

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